«Quand je serai élu président je ne mangerai que du steak !». Voilà à quel genre de personne on a affaire dans ce défilécarnavalesque au guichet du ministère de l’intérieur où l’on retire lesformulaires de candidature à l’élection présidentielle !
Chaque jour qui passe apporte son lot de clowns, de bouffons,et parfois de débiles que les caméras de certaines chaines de télévisionsattendent sur place pour nous faire consommer à l’overdose ces «produits»politiques non identifiés et non identifiables d’ailleurs.
Depuis une dizaine de jours, on aura tout vu et tout entendu. Le théâtralle dispute au burlesque. Ces personnagesde vaudeville redoublent d’ingéniosité pour rabaisser au plus bas niveau la pratiquepolitique. On aurait ri aux éclats faceà ces scènes dignes d’une comédie désopilante version Athmane Ariouet et sonmythique «Carnaval fi Dechra».
On a vu ce jeune homme qui croit vraiment à son étoile par lesimple fait qu’il s’appelle Houari Boumediene et que sa mère aurait rêvé de l’ancienprésident de la république lui dire que ton fils est promis à un destin national… !
Ou encore cet autre qui a passé la nuit -la couverture faisant foi- dans sa voiturepour se lever tôt et pointer au siège du ministère de l’intérieur.
Et last but not least, ce vieux briscard qui prétend, sans rire, que le «peuple m’a dit que c’est toi la solution pour ce pays perdu».
Il serait superfétatoire de passer en revue ici ces imagesclownesques d’un spectacle qui ne fait plus rire tant la liste s’allonge à n’enplus finir…
Ils sont désormais plus de 140 personnes à avoir eu ce moment degloire éphémère de poser devant les caméras de télévisions et dire tout et n’importequoi, au grand plaisir des amateurs de vidéos gag qui s’en donnent à cœur joie.
C’est sans doute la première fois que l’élection présidentielle attireautant d’acteurs (de cabotins plutôt). Du tout-venant !
Cette comédie qui sejoue devant nos yeux à quelque chose de tragique aussi. Il s’agit tout de mêmede l’Algérie et de son destin.
Chinoiseriespolitiques
Ces éclats de rire des «candidats» à la candidature, totalementhors du temps et qui ne prennent visiblement pas conscience de la noblesse etla tâche immense d’un président de la république renseignent sur une chose : Ladésacralisation voire la banalisation de l’institution présidentielle.
Cela fait mal de voir que ce prestigieux poste de Premier magistratdu pays fasse saliver d’envie des individus qui n’ont manifestement aucun attributintellectuel sinon de croire, parfois innocemment, que tout est possible aupays des miracles…
Et pour certains, même les formes ne sont pas sauves avec leurs habitsbanals et leurs bouches édentées. Passons sur les chinoiseries politiques qu’ilsdébitent tout en sourire. Pas très joli à voir.
Il faut bien admettre que ce phénomène à une cause : la dévalorisationgrave de la pratique politique en Algérie.
A force de voir des gens sans envergure et dépourvus de talenthériter -par la grâce des accidents de l’histoire et du népotisme- de postes deresponsabilités, les algériens ont fini par intérioriser la conviction qu’ilsn’ont rien à perdre à tenter de s’infiltrer dans la cour des grands.
Faut-il exiger pour autant un prérequis pour postuler à unecandidature de cette importance ? La question brûle les lèvres même si, onle sait, il s’agit d’un droit constitutionnel pour tous les algériens quel quesoit leur niveau et leur extraction sociale.
Il ne s’agit pas d’être contre la loi, mais de pouvoir la contournerhabilement à travers un filtrage en amont de sorte à éviter que la fonctionprésidentielle garde ses lettres de noblesse.
On sait évidemment que tout ce beau monde, qui aura amusé la galeriedes semaines durant, va rejoindre son doux anonymat. Mais le mal est fait. Il ya des images qui marquent, qui laissent des cicatrices indélébiles sur notre mode de gouvernanceoù la quantité prend le dessus sur la qualité.
Est-ce vraiment sérieux en effet de compter 140 postulants à laprésidentielle ? Il n' y a que dans quelques pays africains, en déficit démocratique, où l’élection présidentielle prend encore cette allure de foire d’empoigne.
En attendant un hypothétique réechantement de la politique enAlgérie, vivement que cet affligeant spectacle finisse. Rideaux !