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Programme du Gouvernement : des généralités et des points d’interrogation

17-06-2017 15:03  Amel Benabi

Le plan d’action du Gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune, adopté mercredi en Conseil des ministres, pose manifestement plus de questions qu’il n’en règle. Les observateurs politiques restent sceptiques quant à la capacité de Tebboune et son équipe à faire bouger les lignes d’une économie sclérosée par la gestion de la rente. 

Il n’y a pas eu d’annonce spectaculaire ni de mesures choc que dicte la situation générale du pays et notamment sur le plan financier. En parcourant les 58 pages de ce plan dit d’action, on a la nette impression justement que les décideurs rechignent encore à prendre les bonnes décisions seules à même de faire éviter au navire Algérie de toucher de front l’iceberg comme l’a si bien schématisé le think tank «Nabni».

Il y a dans ce plan trop de généralités, trop de slogans et trop de vœux pieux qui ne sont pas adossés à une stratégie claire et chiffrée de sortie de crise. Mais pour cela, faudrait-il que le Gouvernement reconnaisse d’abord que le pays est en crise, du moins économique. 

Rien, en effet, ne transparait dans le plan Tebboune qui laisse à penser que les autorités ont pris la mesure de la gravité de la situation. Ceci bien que le président de la République ait signalé à juste titre que l’Algérie fait face à des «défis majeurs». Mais alors que faut-il faire pour mieux les affronter ? 

Le plan d’action du Gouvernement reste, pour le moins que l’on puisse dire, très vague  en termes de projections. Il n’y a ni chiffres, ni coûts, ni objectifs et ni délais, même si l’on devine Tebboune qui est tenu surtout de maintenir la paix sociale et si possible la prospérité avant 2019.

Mais en défilant les principes généraux contenus dans ce plan, il a tout lieu de se poser des questions. C’est bien de prévoir « la promotion des investissements, la rationalisation des dépenses», « la valorisation de toutes les ressources et richesses dont dispose le pays»… 

Généralités

Mais Tebboune ne nous dit pas comment il compte le faire. Avant lui Ouyahia, puis Sellal ont promis la même à quelques menus détails près, avec des résultats que tout le monde connait.  On est quasiment au même niveau de réflexion depuis 2011, et l’Etat peine à faire le bon diagnostic pour engager les vraies réformes coûteuses mais inévitables.  

Tout porte à croire que ce n’est pas dans ce contexte financier, très délicat, que le Gouvernement va tenter un passage en force. Le président a certes reconnu que la crise du prix du pétrole « s’installe dans la durée », et qu’il ne faudrait plus compter sur l’argent du pétrole pour acheter la paix sociale et terminer des chantiers à l’arrêt. 

Mais les solutions proposées sont loin d’êtres efficaces. « Endiguer davantage les importations pour préserver les réserves de change» dans le cadre de la politique de rationalisation budgétaire, risque de bloquer davantage l’économie, dont le fonctionnement dépend en grande partie des importations qui sont incompressibles. » 

Le président a invité le Gouvernement à «promouvoir des financements internes non-conventionnels qui pourraient être mobilisés pendant quelques années de transition financière» pour financer les programmes publics d’investissements. Là aussi, il n’y a aucune garantie de succès alors même que le système financier algérien est obsolète. 

Aussi, le président compte sur l’exploitation du gaz de schiste pour pallier le déficit de la rente pétrolière. Le Gouvernement est donc tenu de «valoriser davantage toutes les ressources et richesses (…) y compris les hydrocarbures fossiles conventionnels et non-conventionnels ainsi que les énergies renouvelables».   

Cette mesure risque de réveiller les démons de la protestation qui avait atteint son paroxysme en 2014.  

S’endetter ? Pourquoi pas ?

Seule mesure phare de ce plan, le «ciblage de subventions» qui grèvent le budget de l’Etat. Mais ce n’est pa gagné puisque le président a juste invité le Gouvernement « à travailler à une plus grande rationalisation de (la) politique sociale, y compris par un meilleur ciblage des subventions publiques».

Cela reste en effet une mesure «exceptionnelle» qui ne revêt pas un achet prioritaire. Et encore, car le ciblage des subventions suppose de la part de l’administration une connaissance pointue de la société et des revenus de tout un chacun. 

Cela étant dit, le plan de Tebboune s’interdit sur instruction immédiate du président de la République, le recours à l’endettement extérieur, comme si cela relevait d’une hérésie économique. Au prétexte que l’Algérie perdrait sa «souveraineté économique», si elle sollicitait le FMI et la Banque Mondiale, l’endettement est décrété «haram».

C’est dommage que le pays se prive d’un levier aussi important de levée des fonds qui lui permettrait de financier la relance de son économie. Tous les pays du monde s’endettent pour financer des programmes d’investissements à la rentabilité avérée.

Certains comme les Etats unis, qui est  le premier pays endetté au monde avec 16000 milliards de dollars, recourent souvent à cette technique économique qui consiste à investir des milliards de dollars de créances et en tirer deux fois plus de bénéficies. 

Il est donc contre-productif de se draper de dogmatisme quand on peut fructifier cet argent qu’on peut obtenir à des taux d’intérêt très bas. Le risque est que l’Algérie soit contrainte de s’endetter quand elle ne sera plus solvable. La facture sera alors salée au double plan social et financier, ne cessent de le clamer des économistes qui ont le souci du pragmatisme. 

Quant aux mesures politiques contenues dans le plan d’action du Gouvernement, elles paraissent bien anecdotiques tant elles sont les copies conformes des professions de foi démocratiques que les Algériens ont déjà entendu. Les calculs politiques en prévision de la présidentielle de 2019 semblent avoir grandement inspiré ce plan qui évite soigneusement d’attaquer les problèmes de front au risque de compliquer un agenda politique délicat.   

     




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