Ahmed Ouyahia a bouclé mercredi la séquence parlementaire deson agenda avec ses réponses aux sénateurs, après s’être acquitté du mêmeexercice, jeudi passé, devant les députés. Fort du soutien d’une très large majorité parlementaire, Ahmed Ouyahiadoit maintenant passer à la phase d’administration de sa thérapie de choc,après avoir posé le diagnostic de l’état de santé du pays, notamment sur leplan financier où le mal est le plus profond.
Encore que certains économistes comme Ferhat Ait Ali, SmailLalmas, avec leurs interventions récurrentes, mais ô combien éclairantes, ontestimé que le diagnostic posé par Dr Ouyahia est basé sur des faux chiffres.
« Le temps c’est de l’argent » : cet adage est plus quejamais vrai pour le gouvernement qui doit s’engager dans une course contre lamontre pour tenter de redresser « la trajectoire budgétaire » du pays. Cela doit passer par l’adoption, par les parlementaires, del’amendement de la loi sur la Monnaie et le Crédit qui autorisera la Banqued’Algérie à actionner la planche à billets pour prêter au Trésor public.
Le mode de financement non conventionnel, qui constituel’ADN même du programme du gouvernement, n’est pas sans susciter desinquiétudes légitimes des citoyens qui redoutent la spirale inflationniste faceà une surabondance de la « monnaie de singe. »
Inquiétudes face auxquelles le premier ministre a faitassaut d’assurances mercredi devant les sénateurs auxquels il a promis quel’argent du FNC, dont le montant n’est pas encore défini sera exclusivementdédié à l’investissement et au paiement des créances des entreprises publiqueset privées afin de leur apporter de l’oxygène.
Ouyahia a également rappelé que « l’instance indépendante »,dont il avait fait l’annonce jeudi dernier sera bien créée par décretprésidentiel et sa mission sera de veiller au bon usage de l’argent prêté parla Banque d’Algérie au Trésor public.
Mais faut-il encore que cette instance, saluée par desexperts de la Finance, soit réellement indépendante dans sa composante, pourpouvoir rendre ses « arrêts », loin des tambouilles et des magouillespoliticiennes.
A ce propos, il faut peut-être rappeller qu’Ahmed Ouyahia ala réputation de vouloir avoir l’œil sur tout et contrôler tout. On se souvientdes relations tendues qu’il entretenait avec le défunt Mohamed Salah Mentouri,président du CNES dont il n’appréciait guère « les pertinentes notes deconjoncture » qu’il rendait annuellement sur la situation de l’économie algérienne.
Ahmed Ouyahia a d’ailleurs fini par avoir raison de ceConseil pour le réduire, après le départ de Monsieur Mentouri, à un simpleappendice de l’exécutif qui rendait ses avis sur commande. On peut au moins se poser la question : et si le CNES n’était pas cassé ? Et si sesrecommandations pertinentes étaient prises en considérations ? Peut-être que letableau serait moins sombre aujourd’hui.
Mais si la mère des batailles pour Ahmed Ouyahia va se jouerd’abord sur le front économique, il est tenu d’avoir aussi d’avoir une actionsur le plan politique et social, en parallèle. Autrement, dit serendre à l’évidence d’engager un vrai dialogue avec l’ensemble des forcespolitiques et sociales qui comptent dans l’équation et pas seulement des interlocuteurs traditionnels dupouvoir que sont l’UGTA, le patronat etles partis de la majorité parlementaire, qui ne pèsent pas plus de 37,9 % de lasociété algérienne, selon les chiffres officiels des dernières législatives.
Les observateurs ont cru déceler mercredi dans le proposd’Ouyahia une petite ouverture en déclarant que « nous sommes ouverts audialogue avec tout le monde, à condition que chacun respecte les positions del’autre.
Dans exactement cinquante jours se tiendront les élections locales du 23 novembre ; ellesseront un bon indicateur quant au moral des algériens et surtout, quant à leurdisponibilité à accepter les sacrifices d’une politique d’austérité, alors quela plupart tirent déjà la langue.
Cette double bataille économique et politique est aussicelle, personnelle, d’Ahmed Ouyahia qui va jouer son destin politique, enprévision de la présidentielle de 2019.
Il a devant lui 20 mois pour voir s’ouvrir devant lui laporte d’un destin national ou celle de la trappe de l’oubli.