La tempête politique et médiatique, provoquée par les charges pas très diplomatiques d’Abdelkader Messahel à l’égard du Maroc, ne s’est pas estompée. Les salons algérois bruissent encore de commentaires sur une malheureuse prise de paroles pas très dignes de la diplomatie algérienne.
Celle-ci est historiquement connue pour sa pondération et son sens de la mesure. L’Algérie a érigé en dogme la non ingérence dans les affaires internes d’un pays tiers à plus forte raison un pays voisin. Quels que soient les contentieux qui empoisonnent leurs rapports, l’Algérie et le Maroc sont deux pays frères.
Ceci ne pourra jamais changer, en dépit des tensions multiples et des manipulations distillées par ci par là. L’Algérie a toujours et depuis son indépendance, observé scrupuleusement cette attitude conciliante envers le royaume même quand ce dernier, fit preuve de vacherie.
Faut-il rappeler ici l’innommable profanation de l’emblème national de surcroit un 1er novembre au Consulat d’Algérie à Casablanca en 2013. Malgré cet acte ignoble, la diplomatie algérienne a géré la situation avec tact, doigté et dignité, ayant été saluée par la communauté internationale voire même par l’opinion publique marocaine.
Il faut reconnaitre que les déclarations malheureuses d’Abdelkader Messahel ne sont pas moins graves. Traiter publiquement le Maroc, de «makan walou» (rien du tout), sa compagnie aérienne de «transporteur de drogue», et plus grave encore : dire «ma yekhouwefnach» (Il ne nous fait pas peur) n’a rien d’un langage diplomatique. Ce sont plutôt des propos de cafés que peut tenir un citoyen lambda.
Un prestige écorné
C’est peut être la première fois que la diplomatie algérienne est prise en défaut de manière aussi flagrante. Depuis un certain Abdelaziz Bouteflika, jusqu’à Ramtane Lamamra en passant par Lakhdar Brahimi et Salah Dembri, jamais la voix algérienne n’a suscité autant de sarcasmes. L’Algérie a de tout temps incarné la voix de la sagesse y compris quand elle est frontalement attaquée comme lors de la crise en Libye pour son soutien à la solution politique.
En Afrique, où il est un acteur majeur au sein de l’Union Africaine, notre pays brille par sa position immuable de défenseur des pauvres et promoteur de la paix et de la sécurité. Jamais la diplomatie algérienne ne s’est moquée de la position d’un pays tiers même si elle ne la partage pas. Or Messahel a, par ses déclarations inédites et indélicates, quelque peu dilapidé ce capital sympathie dont jouit notre pays à l’étranger depuis le triomphe de sa glorieuse Révolution. Messahel a écorché ce prestige. Il aura prouvé qu’il n’est pas fait pour ce job qui suppose un sens élevé des responsabilités et un langage qui s’éloigne du discours de rue.
Signe de cet égarement, notre MAE s’est même permis, suprême faute diplomatique, de dénoncer -sans les nommer heureusement- des chefs d’Etat africains qui lui auraient confié qu’Air Maroc transportait du haschich !
Même si cela est vrai, il n’aurait jamais dû en parler publiquement. En diplomatie, il faut tourner sa langue sept fois avant de parler. Et Abdelkader Messahel qui rêvait de ce poste depuis des années vient de se brûler les doigts. Il a dans le même temps, hélas, noirci un peu l’image immaculée de la diplomatie algérienne que de grands hommes ont bâti des décennies durant.