Le candidat Ali Benflis va devoir maintenant descendre de sa bulle, après la claque électorale subie jeudi soir. Faute de vouloir assumer son échec, qui le met en porte-à-faux avec ses prétentions avant le vote, il le met sur le compte de la fraude, le refrain classique des loosers électoraux.
Mais plutôt que de se défausser ainsi sur l’administration, Ali Benflis doit, d’abord accepter sportivement sa défaite, au lieu de contester le verdict. De surtout s’interroger objectivement et froidement sur les causes de son échec. C’est la condition sine qua non, s’il veut rebondir politiquement demain et se mettre dans la peau de celui qui ambitionne de fédérer l’opposition, dans la perspective de la prochaine présidentielle de 2019.
En fait, l’échec d’Ali Benflis est quelque part « programmé » par la multiplication d’erreurs stratégiques, depuis qu’il avait pris sa décision de participer à la course. A la base, il y avait une erreur d’appréciation, car il était persuadé, certainement intoxiqué comme en 2004, que le président Bouteflika ne briguerait pas un quatrième mandat, compte tenu de son état de santé.
Et à ce propos, il faut juste rappeler des déclarations présomptueuses d’Abdelaziz Rahabi, son sherpa, qui répétait à qui voulait le croire que « le quatrième mandat de Bouteflika est plombé », que « Bouteflika ne fait plus consensus autour de sa candidature ». C’est fort de cette fausse certitude que « Bouteflika est out » que Benflis avait décidé de se lancer dans la course.
Et bien après, quand Abdelaziz Bouteflika avait lui aussi choisi de faire un quatrième mandat, c’était déjà trop tard pour Benflis de faire marche arrière. il a en quelque sorte brulé les vaisseaux, comme Tarik Bnou Ziad et n’avait plus d’autre choix que d’aller au bout de l’épreuve. Une épreuve qu’il va entamer avec un énorme déficit au départ.
Après dix années d’absence de la scène politique, il était quasiment inconnu du grand public. Et dix années d’éclipse, encore plus en politique, un exercice fondé sur la proximité au quotidien avec le peuple, la communication, ça ne se rattrape pas en quelques semaines de campagne, fut-elle performante. L'autre handicap, et pas des moindres, c'est l'absence d'un parti politique chargé de porter et d'amplifier le message du candidat.
Pour combler son déficit d’audience et d’ancrage populaire, Benflis, certainement à la suggestion de ces mêmes Sherpas qui lui ont conseillé d’y aller, s’est mis à ratisser tous azimuts. Les cadres de l’ex FIS, par-ci, avec l’espoir de capter les voix islamistes en déshérence. Et pour cela il a fait miroiter la possibilité de leur réintégration dans l’équation politique, dans le cadre de son projet de « Constitution consensuelle ».
Autre erreur d’aiguillage de sa part, car les algériens n’ont pas la mémoire courte et n’ont pas oublié que c’est le FIS qui est responsable de la tragédie sanglante vécue dans les années quatre vingt-dix. Dans la proposition de Benflis de ressusciter le diable, il y avait quelque chose d’immoral qui révulsait l’opinion nationale non encore guérie des souffrances infligées.
Certainement que de nombreux algériens, initialement favorables à sa candidature, ont dû changer d’avis après une telle proposition, synonyme de compromission. Par-là, les thèses séparatistes du MAK. Le but étant de s’allier une partie de l’électorat Kabyle. Là également, c’est raté ! Tizi-Ouzou, comme à Bejaia, ces deux wilayas, où les thèses du MAK sont marginales, ont plébiscité Bouteflika.
L'autre cheval de bataille de Benflis ce sont ses contacts avec les associations de harkis. Il voulait faire table rase de leurs faits et méfaits envers leurs compatriotes.
Benflis, décidément n'arrêtant pas de se tirer des balles dans les pieds propose ni plus ni moins l'ouverture des frontières avec le Maroc, synonyme d'ouverture d'un grand boulevard pour introduire des centaines de tonnes de drogue.
Mais ce qui a aussi coulé Benflis, c’est aussi son discours belliqueux, ses menaces de faire descendre ses partisans dans la rue si… Les algériens, dont il semble ignorer la psychologie, sont, ad vitam aeternam, vaccinés contre la violence. Les attaques perfides et l’ironie de mauvais goût dont il a usé contre le président Bouteflika, avec des allusions blessantes sur sa maladie, son invalidité, lui ont également été fatales.
Notre éthique d’Algérienne et d'Algérien nous interdit de se gausser des faiblesses de l’autre, fut-il ennemi. Benflis, qui se revendique pourtant de la sagesse du terroir, a du perdre la boussole sociologique pendant cette campagne. En définitif, son échec lors de cette élection, il en est le seul artisan. Puisse t-il accepter cette vérité, s’il veut capitaliser sur le futur.