Entre la France d’un côté, l’Algérie et le Maroc de l’autre, les rapports alternent souvent entre l’aigre et le doux. Quand elle se rapproche d’un pays, elle suscite presque mécaniquement l’aversion de son voisin. C’est surtout vrai pour le Royaume marocain pour qui Paris a vocation à le soutenir à toute épreuve, en se permettant de jouer l’enfant gâté.
Ce n’est pas tout à fait le cas de l’Algérie, qui garde ses distances vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale dont le passif non encore soldé, empoisonne épisodiquement les rapports.
C’est un peu la quintessence du rapport parlementaire de la commission des Affaires étrangères sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb, présenté mercredi, devant l’Assemblée nationale française et mis en ligne vendredi.
Elaboré par les députés, Guy Teissier (Les Républicains, droite) et Jean Glavany (Parti Socialiste, gauche). Ce rapport fruit de six mois de travail, conclut fort logiquement que les rapports en dents de scie entre Alger et Rabat impactent directement la position de la France.
Le coût d’un choix entre Rabat et Alger
La commission parlementaire pointe ainsi le «préjudice que cause cet antagonisme algéro-marocain aux intéressés eux-mêmes». Mais aussi à la France, qui comme l’ensemble des pays souhaitant développer une coopération avec le Maghreb "se trouve confrontée à la difficulté de devoir choisir entre une approche marocaine et une approche algérienne."
Or, Paris est plutôt plus proche du Maroc que de l’Algérie ne serait-ce que sur le très controversé dossier du Sahara occidental à propos duquel, elle s’aligne systématiquement sur la thèse marocaine.
Les deux députés recommandent que la France «affirme clairement qu’elle n’est pas partie prenante, ni arbitre des différends algéro-marocains, qu’elle soutient seulement la plus grande intégration possible d’un ensemble humain cohérent qui a vocation à constituer un espace de plus de 100 millions d’habitants, et avec qui son sort est lié.»
Plus encore, ils pensent que leur pays «doit faire de l’intégration maghrébine et du rapprochement algéro-marocain l’une des priorités de sa diplomatie et cesser de jouer à l’équilibriste entre les deux voisins.»
Cette nouvelle orientation diplomatique devra s’appuyer d’après le rapport de la commission, sur une nouvelle perception plus réaliste des litiges qui lient la France à l’Algérie.
Assumer l’histoire avec l’Algérie
Pour ce faire, l’Hexagone doit, écrivent les députés, «assumer l’ensemble de son histoire avec ces pays et notamment avec l’Algérie, pays avec qui l’histoire est la plus tragique, afin que celle-ci ne soit plus convoquée à chaque difficulté politique ou diplomatique, et cesser de prêter le flanc à des critiques de soutien à tel ou tel régime.»
La commission des Affaires étrangères de l’Assemblée française en veut d’autant plus que l’Algérie soit «un partenaire incontournable, notamment sur les sujets du Sahel et de la résolution de la crise libyenne.»
«Alger exerce un rôle prédominant au sein de la région, et même du continent africain, si l’on tient compte de son influence décisive au sein de l’Union africaine», écrivent-ils encore.
S’agit-il là d’un début d’une prise de conscience en France que le tropisme marocain est contre-productif et qu’Alger et Rabat ont vocation à constituer un Maghreb fort avec qui l’Europe pourra traiter d’égal à égal conformément aux intérêts bien compris des deux côtés ?
Avec la France, il faut certes se garder de tirer des conclusions optimistes quant à un changement de cap dans sa politique à l’égard du Maghreb. Mais ce rapport de la commission des Affaires étrangères dénote que les lignes commencent à bouger.