La chronique retiendra certainement sur le calendrier la date du 22 févriercomme le premier jour du Hirak, né àAlger, à la place du 1er mai. Mais en dépit de son irruption fulgurante,il est loin d’être ce qu’on pourrait voir comme une génération spontanée. Au contraire, c’est un aboutissement, quelque chose qui est arrivéà maturité, après une succession et une concomitance de faits cristallisés par le rejet populaire du cinquième mandat deBouteflika.
Au commencement, ily a le 16 février 2019 à Kherrata, dans la wilaya de Béjaia,avec cette imposante manifestation qui se décline politiquement comme une déclarationde guerre ouverte contre ce cinquième mandat dénoncé comme une «insupportable humiliation »infligée à l’Algérie.
L’étincelle va rebondirtrois jours plus tard à Khenchla, unelocalité habituellement loin des turbulences politiques, où l’on assistesymboliquement à la chute du président Bouteflika, dont les partisans avaientprécédemment orchestré la grande messe « cachiriste »de la coupole du 5 juillet où , comble du surréalisme, un cadre du présidentreçoit un cadre du même président.
Ce jour-là, son portrait géant déployé sur la façade de la mairie est décroché, puis piétinépar des manifestants poussés à bout par un maire FLN obséquieux et zélé et surtout soucieux d’êtreau premier rang des édiles engagés dans la précampagne de « Fakhamatouhou ».
Les manifestation deKherrata, Khenchla, Bordj Bouareridj, Ouargla, Chlef et certainement d’autreslocalités, se faisant écho les unes aux autres, sont elles mêmes l’aboutissement d’une prise deconscience de la société, travaillée au corps, pendant plusieurs années par les partis d’opposition, les réseaux sociaux, et les médias nonvassalisés.
Pour l’histoire, ilfaut souligner l’activisme de Soufiane Djilali en étant le plus radical de tousdans son rejet du cinquième mandat. Il avait organisé plusieurs manifestations à Alger, Béjaia, Constantine, Annaba, Oran et même à Paris, au Canada, aux USA.
Ces manifestations, mêmeréprimées, dans certains cas, mêmes empêchés souvent, ont fini par imprimer sur l’opinion nationale etinternationale, de moins en moins audibleà la fatalité d’un cinquième mandat.
Ali Benflis aégalement sa part dans cette prise de conscience, avec sa fameuse sentence « force extraconstitutionnelle »,régulièrement martelée, dans ses discours, pour dénoncer la mainmise de sonfrère, Said et son clan d’oligarques sur la décision politique au sommet de l’Etat..
Le rôle du RCD et duFFS, est prépondérant dans la campagneanti régime et anti cinquième mandat, avec des interventions médiatiques récurrentes pour dénoncer une gouvernance foireuse d’Ouyahiaet Sellal et , pour souligner les dangers encourus par le pays du fait d’un président impotent et grabataire.
Que l’on se rappelleaussi des appels successifs, conjointement signés par des personnalitéspolitiques, comme Taleb Ibrahimi, Ali Yahia Abdenour, Rachid Benyellés et autres recommandant au président malade de « faire prévaloir la sagesse » sur la tentation obsessive de s’accrocher .
Les réseaux sociaux, les sites hébergés à l’étranger, des chaînes de télévisons émettantaussi de capitales étrangères,copieusement alimentées par des fuites organisées sur « la guerre desclans d’un pouvoir au bord de l’effondrement », y sont incontestablementpour grand-chose dans la création duclimat politique qui a accouché du Hirak, le 22 fevier. Un 22 février qui est à la fois unaboutissement et un point de départ pour « l’Algérie de demain ».