La compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach est obligée d’ouvrir ses robinets pour fournir l’équivalent de 4,4 milliards de dollars de pétrole au cours des 12 prochains mois à la firme américaine Anadarko.
C’est là un autre dommage collatéral de la gestion calamiteuse de Sonatrach par l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khellil. La compagnie nationale a ainsi annoncé avoir trouvé un accord à «l’amiable» avec les groupes américain Anadarko Algeria Company et Maersk Olie Algeri (Danemark) concernant leur litige sur la taxe sur les profits exceptionnels (TPE) introduite en 2006. Mais cet accord à «l’amiable» est loin d’être amical quand on voit la coquette somme qu’il va coûter à Sonatrach.
Si le communiqué de l’entreprise évoque «des concessions réciproques des parties et sans préjudice de leurs positions respectives dans les arbitrages», il est aisé de comprendre que Sonatrach a seulement limité les dégâts. La menace d’Anadarko de recourir aux arbitrages internationaux pour obtenir réparation du préjudice causé par la fameuse taxe sur les superprofits qui n’est pas mentionnée (curieux?) dans l’accord initial prouve que la firme américaine est dans son bon droit. Pourquoi, en effet, seul l’accord avec Anadarko n’a pas prévu la taxe sur les superprofits à l’exclusion de tous les autres ?
Chakib Khellil au banc des accusés
S’agit-il d’une omission ou d’une volonté de faire bénéficier cette firme américaine d’une réparation moyennant d’insondables commissions en devises sonnantes et trébuchantes ? Chakib Khellil qui était, à l’époque des faits, patron de Sonatrach et ministre de l’Energie est théoriquement responsable de cette mauvaise surprise. C’est sous sa responsabilité que le contrat avec Anadarko a été signé en 2004. Et c’était lui aussi qui avait décidé d’imposer la taxe sur les superprofits - qui est une bonne chose par ailleurs - en 2006.
Cela pose alors la question : Qui a décidé de ne pas mentionner dans l’accord avec Anadarko que Sonatrach se réserve le droit d’indexer toutes taxes sur la production sur la variation des cours du brut ? Les yeux se braquent inévitablement vers Chakib Khellil qui fut durant une dizaine d’années le seul patron du secteur pétrolier en amont et en aval. Le ministre qui lui a succédé ainsi que la nouvelle équipe dirigeante de Sonatrach n’ont fait que constater les dégâts.
La compagnie nationale a été de fait flouée dans cette affaire et il est impossible de procéder autrement au risque de voir ces 4,4 milliards de pétrole que lui réclame Anadarko ne se transforment en 20 milliards. C’est connu, les instances d’arbitrages internationales dans ce domaine ne font pas de cadeaux. Et Sonatrach risquait de le payer cher... financièrement et aussi en termes d’image de marque. C’est donc la solution la moins mauvaise que vient d’adopter sa direction même si cette solution va lui coûter tout de même près de 5 milliards de dollars.
Dans son communiqué publié vendredi dernier, Anadarko Petroleum Corp précise qu’elle obtiendra une réparation pour le préjudice causé. Elle a souligné que le «règlement» conclu avec la compagnie pétrolière Sonatrach devrait obtenir «l'approbation» des autorités algériennes dans les quatre prochains mois.
La facture aurait pu être plus salée
Mais le fait que Sonatrach ait déjà annoncé la (mauvaise) nouvelle, ne laisse pas l’ombre d’un doute que les autorités algériennes ont décidé de classer ce dossier qui pèse pourtant lourd...pour éviter le pire. C’est le prix à payer pour compenser les hausses fiscales imposées après l’adoption des amendements à la loi sur les hydrocarbures appelée la "loi Khellil".
Et au-delà cette réparation en «nature» ; c'est-à-dire en pétrole, le géant américain va bénéficier au terme de cet accord d’un volume plus élevé de pétrole d’une valeur d'environ 2,6 milliards de dollars pour la durée du contrat. Mieux encore ou pire, l’accord prévoit de proroger à 25 ans la durée d’exploitation de chaque gisement, les compagnies exerçant par anticipation les options contractuelles prévues à cet effet.
Seule consolation, la nouvelle équipe de Sonatrach a décidé de «boucher» ce vide juridique très coûteux avec Anadarko. En effet, les deux parties, souligne le communiqué, ont convenu de modifier certaines dispositions du contrat, notamment le mécanisme de partage de production qui comprend «l’engagement des partenaires de Sonatrach de payer la TPE conformément à la réglementation en vigueur». En clair, Anadarko sera désormais soumise aux mêmes taxes que les autres compagnies. Mais l’incroyable erreur de 2006 a coûté tout de même prés de 5 milliards de dollars… !