Pour un coup de théâtre, ç’en est vraiment un. La présidence de la république a démenti catégoriquement une prétendue audience qu’aurait accordée le chef de l’Etat à l’avocat Farouk Ksentini. Ce dernier s’était épanché samedi sur un journal électronique à propos d’une rencontre d’une «heure» avec le président Bouteflika au cours de laquelle il a passé en revue avec lui toutes les questions brûlantes de l’actualité.
L’ex président de la commission des droits de l’homme, tombé en disgrâce à la faveur de la révision de la Constitutionnelle, parlait comme s’il était un fidèle parmi les fidèles du président. Du jamais vu ni entendu même quand il était en service.
Farouk Ksentini prétend ainsi que le président lui aurait fait part de sa volonté de rempiler pour un 5ème mandat. Mieux ou pire, il glisse que le chef de l’Etat veut rester à son fauteuil jusqu'à sa mort !
Comprendre, Abdelaziz Bouteflika n’entend pas céder sa place, donnant ainsi raison à ceux qui, précisément l’accusaient de vouloir un mandat à vie. Du coup, se pose la question de savoir qu’est ce qui fait courir Farouk Ksentini ? Ou plus crument, pour qui roule t-il ?
A travers sa sortie médiatique tonitruante, l’avocat a provoqué des dégâts politiques immenses. En tranchant le sort de la présidentielle de 2019, avec cette vraie fausse confidence du président, il aura disqualifié les élections des assemblées locales et de wilaya dont la campagne prend fin à minuit.
Le timing choisi pour cette spectaculaire annonce tombe très mal. Il est forcement préjudiciable au président dont le souci, on s’en doute, est que le double scrutin se déroule normalement avant d’exprimer ses intentions sur la présidentielle qui interviendra dans une année et demie.
De fait, il est difficile de penser que le président puisse agir de la sorte, à plus forte raison dans ce contexte politique vicié. Mais d’abord, pourquoi, se confierait-il spécialement à Farouk Ksentini qui est loin d’être son meilleur ami ou son ami tout court ?
Flagrant délit de mensonge
La logique voudrait qu’il en dise un mot à Lakhdar Brahimi par exemple ou une autre personnalité réputée proche de lui. Or, Farouk Ksentini est un personnage controversé depuis qu’il a pris en charge les droits de l’homme en Algérie en multipliant les bourdes et les contradictions.
Par quelque bout que l’on prenne la chose, on s’aperçoit que l’ex président de la CNCPPDH a commis une grave faute politique.
Pour cause, en inventant une rencontre qui n’a jamais eu lieu, comme le confirme un communiqué de la présidence, le célèbre avocat tombe sous le coup de la loi.
Il est moralement en devoir de s’expliquer devant le peuple. Mais auparavant, il devra le faire devant un tribunal.
Au delà des messages politiques qu’il a transmis, et qui sont sujets à multiples interprétations plus au moins graves, Farouk Ksentini est coupable d’une mystification de nature à provoquer des troubles publics.
Cela s’apparente à une forme de propagande malsaine aux objectifs inavoués. De mémoire de journaliste, jamais un acteur politique n’a inventé un tête-à-tête avec le président de la république comme l’a fait Farouk Ksentini. Par ailleurs, il est légitime de se poser la question ; comment un avocat de cette trempe peut-il se permettre une telle incartade ?
Le communiqué de la présidence ne précise pas s’il y aura des poursuites judiciaires contre l’auteur de ces affabulations. Le concerné est resté injoignable toute la journée face aux sollicitations massives de médias qui voulaient connaitre sa version des faits.
C’est en tout cas une première dans les annales politiques algériennes. Sans doute que cette affaire va connaitre des rebondissements tant elle pose plus de questions qu’elle n’en résout.