La polémique qui enfle ces dernièressemaines à propos d’un cinquième mandat redevenu subitement hypothétique dansle sillage de la non réception par le président Bouteflika du prince MohamedBen Selman et l’annulation de la visite de la présidente d’Estonie, relance lessupputations sur les personnalités susceptibles d’être adoubées par le régime.
Mais rien n’autorise à ce stade de trancherqu’Abdelaziz Bouteflika ne serait pas tenté par un autre tour en avrilprochain. Tout dépendra naturellement de l’évolution de son état de santé. Il est vrai que l’image du chef de l'Etat le 1er novembre 2018 au mémorial du Martyr (Maqam E'chahid) l'avait montré pas au mieux de sa forme.
Qui pourrait bien succéder à Abdelaziz Bouteflika au palaisd’El Mouradia si jamais la piste d’un renoncement venait à être actée ?
Il est absolument certain que «l’heureuxélu» doit être une nouvelle fois un «candidat du consensus» comme l’avaitété le président Bouteflika lui-même en 1999. Les différents centres dedécision qui gravitent autour du pouvoir entre civils et militaires, ont tousleur mot à dire.
Soucieux de la cohésion interne, le régimefera tout pour présenter son poulain en tenue de soirée pour que tout le mondetombe sous son charme. Il pourrait même être amené à soigner le CV,requinquer l’image et souligner les mérites du candidat choisi pour lui donnerune carrure et le mettre dans l’étoffe du chef d’Etat qu’il faut au momentqu’il faut…
Voici par ailleurs le casting nonexhaustif et dans le désordre d’Algérie1 des personnalités nationales potentiellement éligibles àla magistrature suprême :
Ahmed Ouyahia :
Ahmed Ouyahia est pour beaucoup d’observateursle successeur presque «naturel» de Bouteflika qu’il a soutenu fidèlement, du moins publiquement, depuis1999. De par sa fonction de Premier ministre, il a l’avantage de la proximitéavec le chef de l’Etat et sa bonne connaissance des dossiers qui lui permettront de se mettre tout de suite au travail. Ouyahia qui a exercé lafonction de chef de l’exécutif à quatre reprises (un record mondial), maitrise parfaitement lesrouages de l’Etat et présente également une carte de visite non négligeable dediplomate de formation. Bon communicateur et polyglotte, Ouyahia serait un bonclient pour le pouvoir. Même ses adversaires politiques admettent qu’il est unhomme d’Etat. Mais le chef du RND devenu depuis quelques années aussi un hommepolitique rompu aux manoeuvres, souffre terriblement de sa proverbialeimpopularité et pire encore il est resté cloué aux années du socialisme spécifique, des entreprises publiques nourries à la mamelle de l'Etat, l'Etat providence, le Tout Etat, le géniteur de la règle dite 49/51 qui a complètement tari l'investissement international...pour ainsi dire c'est un homme du passé. Cela étant, l’homme des «sales besognes», comme il aime bien se qualifier, pourrait-il être lavé facilementpour trouver grâce aux yeux du peuple ? S’il peut piocher dans l’électoratdémocrate moderniste, il n’a aucune chance chez le courant islamiste. AhmedOuyahia est a priori, à la fois si proche et si loin du palais d’El Mouradia.
Abdelaziz Belkhadem :
Bien qu’il ait été banni par le présidentBouteflika depuis 2014, Abdelaziz Belkhadem reste dans la short-list decandidats potentiels à la succession. Son rappel par Moad Bouchareb pour leréinjecter au sein du parti FLN, prouve qu’il garde encore des cartes en mainpour prétendre à un destin national. Islamiste BCBG, Belkhadem qui a été«découvert» par Houari Boumediene dans une réunion à Tiaret, fait figure d’undinosaure de la vie politique nationale. Il aura eu tous les postes prestigieuxde l’Etat entre président de l’Assemblée Populaire Nationale, chef dugouvernement et ministre des Affaires étrangères, en plus d’avoir été à la têtedu parti FLN. Abdelaziz Belkhadem qui incarnait les «barbeflen» du temps l’exparti unique a l’avantage de pouvoir compter sur le courant islamo-conservateurcontrairement à Ouyahia. Il est aussi un homme de compromis qui a la culture del’Etat. Mais a-t-il l’aura d’un Président de la république ? Rares sontceux qui le pensent assurément.
Said Bouteflika :
Le frère cadet du président n’a jamaismontré un quelconque intérêt de succéder à son frère du moins publiquement. Certainsde ses supporters zélés le font en revanche régulièrement. Du coup, il estsouvent cité dans la liste des candidats possibles. Said Bouteflika à qui l’onprête un pouvoir immense auprès de son frère dont il est le conseiller depuis20 ans, a l’avantage de connaitre parfaitement la maison et ses hommes. Tout lemonde parle de lui mais lui ne parle jamais.
«Vice-roi» comme aiment le désigner lesmédias, Said Bouteflika reste tout de même silencieux et ne semble pas prêterattention à ces «commérages» de presse qui l’envoient au palais d’El Mouradiabien malgré lui.
C’est une piste qui parait moins sérieusedu fait que le concerné n’a pas jugé utile de descendre vers le peuple d’en basqui ne connait pas sa voix, pour soigner son image et se fabriquer une aura. Etce n’est pas en quatre mois qu’il pourra se mettre dans la peau d’unprésidentiable. Il reste à savoir si les algériens accepteraient unesuccession dynastique qui ne fait pas partie de leurs mœurs politiques. Docteuren intelligence artificielle, Said Bouteflika est suffisamment intelligent pourcomprendre que cette supposition ressemble à une équation à plusieursinconnues.
Mouloud Hamrouche
Il est assurément l’un des rares sinon leseul homme capable de faire consensus au sein du peuple et même au-delà.Mouloud Hamrouche incarne une ligne patriotique décomplexée dont le souhait estde sauver le pays en ces temps d’incertitudes. Père des «réformes économiques»,Hamrouche est aussi à l’origine du pluralisme médiatique sous le présidentChadli et de la légalisation du front islamique du salut (FIS). Pour cette raison il s'est opposé aux militaires qui n'avaient jamais accepté cette légalisation. L'avenir leur a donné raison puisque le pays a été plongé par Abassi Madani et Ali Belhadj dans la tourmente infernale d'un terrorisme des plus aveugles durant une dizaine d'années.
D’aucuns le voit piloter un mandat deprésident de transition pour permettre à l’Algérie et au système de s’ouvrir àla société et installer les règles démocratiques et de transparence. Cet ancien sous-lieutenant de l’ALN, dispose de solides soutiens parmi la classe politique et dansles médias. Il a également l’avantage de rester loin de l’agitation médiatiquece qui lui confère une stature d’un homme d’Etat respecté. Mouloud Hamrouchepeut par ailleurs rassembler largement au-delà des partis du pouvoir puisque ilest très respecté aussi au sein de l’opposition. Un bémol cependant : «SiMouloud» traine comme un boulet l'aversion de l’armée à son égard. Il n’est pas du genre à aller au charbon maispréfère attendre un coup de fil…
Abdelmalek Sellal
Le nom de l’ancien Premier ministre estégalement cité parmi les successeurs à Bouteflika. Abdelmalek Sellal est unfidèle parmi les fidèles du président dont il a été à trois reprises ledirecteur de campagne. Homme de confiance de Bouteflika qu’il a défendu à touteépreuve, Sellal a commencé à rêver d’être le «prochain» quand il a été autoriséà jouer le rôle de chef d‘Etat dans les prestigieuses enceintes internationales.
Contrairement à Ahmed Ouyahia, l’ancien Premierministre a été également autorisé à faire le tour d’Algérie en y animant desrencontres avec la société civile comme le faisait le président Bouteflika. AbdelmalekSellal a l’avantage aussi d’être un personnage affable qui n’hésite pas à userde boutades pour détendre l’atmosphère. Mais il en faisait visiblement trop aupoint où certains pointent ses saillies qui ne cadrent pas avecsa fonction de Premier ministre.
Abdelmalek Sellal Président de larépublique ? Pour beaucoup d’observateurs, cette hypothèse n'est pas impossible.
Ali Benflis
L’ex candidat malheureux par deux foiscontre le président Bouteflika en 2004 et 2014, est censé être un candidat sousl’étiquette de l’opposition. Mais de par son extraction politique et idéologiqueet son parcours au sein des institutions de l’Etat et du parti FLN, rienn’interdit de penser que par un incroyable retournement de situation Ali Benflisredeviendrait un homme fréquentable et plus si affinités… Certes c’est unepetite piste au milieu d’un maquis, mais le système soucieux de ravaler safaçade pour rallonger sa durée de vie pourrait être tenté de faire appel à ce«Chaoui» pour effectuer un transfert symbolique du pouvoir de l’ouest à l’est. Enfant du système dont il a tété les mamelles,Ali Benflis ne se fera pas prier pour prendre une revanche sur le sort quitte àembrasser la main qu’il mordait depuis une dizaine d’année. L’hypothèse AliBenflis parait pour autant invraisemblable ne serait-ce que par rapport à laposition de Bouteflika qui aura son mot à dire. En effet, il est désigné par ce dernier du vocable de Brutus, le fils traitre qui a assassiné son père Jules César.
Abdelghani Hamel
L’ex patron de la police nationale qui aréussi l’exploit de gravir rapidement les échelons pour finir général-major del’armée, était un temps, quasiment présenté comme le successeur de Bouteflika.Jeune, élégant, universitaire, général, Abdelghani Hamel était pour beaucoupun sérieux prétendant à la magistrature suprême. Très proche du cercleprésidentiel et originaire comme Bouteflika de la wilaya de Tlemcen, El Hamelaura travaillé à fond son image. Puis patatras, le président Bouteflika étécontraint, pour des raisons inconnues, de le limoger. Le général Hamel qui aurapris du galon est tombé brusquement de son piédestal. Sa carte est-elledéfinitivement déchirée ? Difficile de le dire. Les voies du système étantimpénétrables, Abdelghani Hamel pourrait bien revenir par la grande porte, lavé de tous soupçons etprésenté comme un «monsieur propre», victime d’une cabale contre le présidentBouteflika. Cette hypothèse n'est nullement à exclure.
L’inconnu
Parmi l’aréopage de personnalités citéesplus haut comme de probables successeurs à Bouteflika, compte tenu de leurspédigrées et de leurs soutiens, il est possible qu’aucune ne sera choisie infine. Le régime qui nous a habitués àses tours de passe-passe pourrait bien faire sortir un président inconnu deson chapeau. Depuis l’indépendance, aucun président n’a été choisi pour soncharisme et son parcours. Le système dispose de règles non écrites en vertudesquelles il fait son casting. L’exemple le plus emblématique et le plus inattendua été le choix du président Chadli en 1978 qui était alors inconnu aubataillon…politique. Il n’est donc pas exclu que le régime nous surprenne parun retraité de l’armée ou un jeune sans expérience à l’image de Moad Boucharebpour confirmer la règle. Sa règle.
Et les schtroumpfs
Et plus de cette liste de potentielssuccesseurs au président Bouteflika, qui ont les chances de porter les couleursdu pouvoir, il y a bien sûr les éternels candidats à la candidature qui n’ontaucune chance d’être élus mais qui vont jouer l’alibi pluraliste encontrepartie d’un renvoi d’ascenseur sous forme de portefeuilles ministérielsou de rétributions sonnantes et trébuchantes. Dans ce panier, on retrouveracomme d’habitude, les Louisa Hanoune, Moussa Touati, Faouzi Rebaine en plus d’AbdelazizBelaid, Ali Zeghdoud, Fethi Gheras, Nasser Boudiaf qui ont déjà annoncé leurscandidatures. Tout ce beau monde a vocation à servir de décor à la grand-messeprésidentielle. Et les paris restent ouverts.