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La grande moudjahida Djamila Bouazza n'est plus

12-06-2015 13:15  Abbès Zineb

La moudjahida Djamila Bouazza, une des figures marquantes de la Révolution algérienne, une des héroïnes de la bataille d'Alger, s'est éteinte vendredi à l'aube à la clinique El Azhar d'Alger, à l'âge de 78 ans, a-t-on appris auprès de ses proches.

Hospitalisée samedi dernier à minuit, Djamila Bouazza, "a rendu l'âme ce matin, épuisée par la vie", a indiqué son mari Boussouf Abboud.

La défunte a été en 1957, la première condamnée à mort avec sa compagne de lutte Djamila Bouhired, par le tribunal militaire français.

La moudjahida Djamila Bouazza a été inhumée ce même vendredi après la prière d'El-Asr au cimetière d'El-Alia (Alger). Ont assisté aux obsèques, des moudjahidines, des personnalités nationales et une foule nombreuse de citoyens.

Dans une oraison funèbre, le directeur du patrimoine historique et culturel au ministère des Moudjahidine, Dehane Khaled, a évoqué, les qualités et sacrifices de la défunte pour l'indépendance de l'Algérie, affirmant que le parcours militant de Djamila Bouazza demeurera une "source d'inspiration pour les générations montantes".

Pour sa part, Yacef Saadi a rendu hommage à le défunte qui a milité, pour son pays sans attendre "une contrepartie", a-t-il dit.

Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a adressé un message de condoléances à la famille de la défunte dans lequel il a affirmé que l'Algérie a perdu "un des symboles de la lutte et de la résistance", ajoutant que la défunte était "un exemple de modestie et de dignité".

"Miss cha cha cha"

Djamila Bouazza est née en 1938 et travaille au centre de chèques postaux d’Alger. C’est une jeune fille charmante, aux longs cheveux noirs, aux yeux marron clair. Ses amis étudiants ‘pieds noirs «l’appellent miss cha cha cha» et elle semble parfaitement intégrée aux mœurs de la société française. Que désire-t-elle, sinon vivre et mordre la vie à pleines dents ?

Cependant le climat de guerre et de terreur qui règne à Alger, le bruit des arrestations, des interrogatoires et les massacres de populations innocentes ne la laisse pas indifférente. Aussi, quand Djamila Bouhired essaie de la recruter, sa fibre patriotique l’incite à s’engager, sans réticence aucune, dans les rangs du FLN et devient un membre actif du réseau de bombes.

Bombe dans le bar le Coq Hardi

Le vingt six janvier 1957, elle reçoit pour mission de déposer une bombe dans le bar le Coq Hardi. La peur au ventre, la porteuse de l’engin de la mort, d’un pas assuré, s’avance. Grâce à un sourire féminin charmeur, sans doute, à un coup d’œil complice, elle arrive à tromper la vigilance des militaires, échappe à la fouille minutieuse et parvient à passer à travers les mailles serrées du barrage. «Pour franchir les chevaux de frise, qui ceinturaient la Casbah, les voiles enveloppants du hayek algérien servaient à des dissimulations : tantôt ce rôle était dévolu au sac de plage, porté par des minettes à l’allure européenne.»

L’engin préparé par Taleb Abderahman provoque d’énormes dégâts : c’est l’attentat le plus meurtrier. Pour les Algériens, Djamila Bouazza est une héroïne, pour les Français, c’est une terroriste qu’il faut, absolument, abattre, Maitre Vergès avance avec conviction que: « cette militante a accompli, sous l’ordre de ses chefs, une action de guerre.»

Une autre militante avoue, avoir déposé une bombe, elle dit : «oui j’en ai reçu l’ordre, comme le lieutenant aviateur qui va bombarder un douar. La bombe est un moyen de guerre, le terrorisme découle du colonialisme»

Son procès libère un flot de haine

En avril 1957, elle est blessée dans une fusillade et capturée par les militaires français. Transférée à El Biar, elle est interrogée par l'OPJ Fernand le 9 mai 1957 et torturée par le capitaine Graziani. Elle est ensuite incarcérée à la prison de maison-carré (El Harrach) où elle retrouve Djemila Bouhired, Jacqueline Guerroudj et Zora Drif. Accusée d’attentat à la bombe, durant la Bataille d’Alger elle est traduite en justice devant le tribunal militaire permanent des forces armées d’Alger. 

Son procès libère un flot de haine qui influe sur les juges eux-mêmes. Condamnée à mort, son exécution est différée par une campagne savamment orchestrée par Maitre Vergès et Georges Arnaud qui signent un manifeste, publié aux Editions de Minuit, suivi de l’ouvrage d’Henri Alleg. Ces deux écrits alertent l’opinion française et éveillent leur conscience sur les mauvais traitements infligés, par l’armée française, aux indépendantistes algériens. Cette stratégie médiatique soulève un cri d’indignation, lui apporte un soutien indéfectible et lui évite la guillotine. Elle sera graciée, après les accords d’Evian, en 1962.



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