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Zone tampon US au Nord-Est de la Syrie et pont terrestre de Téhéran à Beyrouth

28-11-2017 23:28  Médias

 La victoire de l’armée syrienne et de ses alliés contre le groupe armé « État islamique » dans la ville d’Albu Kamal, au nord-est du pays, ouvre pour la première fois la route reliant Téhéran, Bagdad, Damas et Beyrouth depuis l’annonce de la création de la République islamique d’Iran en 1979, car elle est dorénavant sûre et non hostile pour les quatre capitales et leurs dirigeants.

Les États-Unis ont tenté de bloquer cette route entre Téhéran et Beyrouth à la hauteur d’Albu Kamal, en poussant les forces kurdes à s’engager dans une course effrénée, mais Washingon n’a pu atteindre ses objectifs.

L’armée syrienne et ses alliés (le Hezbollah libanais, la Garde révolutionnaire iranienne et le Harakat al-Nujaba’ irakien) ont libéré la ville et ouvert la frontière avec l’Irak au passage de Qa’im. Les militants de Daech se sont enfuis dans le désert de l’Anbar irakien et à l’est de l’Euphrate, où les forces américaines et kurdes s’activent.

Les États-Unis ont établi de nouvelles règles d’engagement à l’est de l’Euphrate, en informant les forces russes qu’ils ne toléreront la présence d’aucune force terrestre (l’armée syrienne et ses alliés) à l’est de l’Euphrate et qu’ils bombarderont toute cible s’approchant de l’est du fleuve, même si l’objectif de ces forces terrestres est de pourchasser des combattants de Daech.

Les USA imposent ainsi une nouvelle zone d’exclusion aérienne non déclarée, sans même se soucier de nier qu’elle sera à l’avantage des forces de Daech en leur offrant une forme de protection à l’est de l’Euphrate. D’autant plus que les bombardements de la coalition internationale dirigée par les USA ont considérablement diminué.

En lançant cet avertissement, Washington rend effective la présence d’une force d’occupation en Syrie, puisque la présence de la coalition était liée à la lutte contre Daech, comme on l’avait annoncé précédemment. Aujourd’hui, Daech a perdu toutes les villes qu’il occupait depuis juillet 2014 en Irak et même avant en Syrie. La présence des forces américaines au Levant ne repose donc sur aucun motif légal.

En devenant une force d’occupation, les militaires américains et leurs mandataires kurdes sous leur commandement s’exposent à des attaques similaires à celle qu’ils ont subie en Irak et à celle qui les a frappés au Liban en 1982, pendant l’invasion israélienne.

Les États-Unis ne pourront plus bloquer la route irako-syrienne (Al-Qaim-Albu Kamal), car elle est liée à la souveraineté de deux pays. Ce qui ne veut pas dire que Téhéran utilisera cette route pour transporter des armes qui passeront par Bagdad et Damas à l’intention du Hezbollah au Liban, et ce, pour deux raisons :

Premièrement, l’Irak est un pays souverain et le premier ministre Haider Abadi ne permettra à aucun parti armé irakien de garder son arsenal, car ce sont les forces armées irakiennes qui sont chargées de maintenir la sécurité du pays, surtout depuis la défaite de Daech dans toutes les villes.

La prochaine étape d’Abadi sera de désarmer tous les mouvements et organisations de l’Irak en 2018, probablement après les prochaines élections qui se tiendront en mai. Selon des sources bien informées, l’Iran et la Marjaiya à Nadjaf (et la majorité des partis irakiens) souhaitent qu’Abadi soit réélu pour un autre mandat.

Cela signifie que l’Irak ne permettra pas que son territoire serve à financer des acteurs qui ne relèvent pas de l’État, même s’ils ont contribué à l’élimination de Daech. Il ne permettra pas non plus que transitent par le pays des armes destinées à un allié qui a combattu avec les forces irakiennes, comme le Hezbollah, parce que l’Irak n’a pas pris position contre les États-Unis et les pays de la région. Cette bataille n’est pas celle de l’Irak.

Deuxièmement, le Hezbollah n’a pas besoin de cette voie terrestre entre Téhéran et Beyrouth, parce que les liens maritimes et aériens avec Téhéran sont ouverts jusqu’en Syrie puis, de là, jusqu’au Liban. De plus, le Hezbollah n’a plus besoin d’armes supplémentaires au Liban, surtout depuis que le front libano-syrien ne fait qu’un en cas de guerre à venir contre Israël.

En ce qui concerne la Syrie, les préparatifs en vue des rondes de négociation difficiles et complexes visant à ouvrir la voie à des pourparlers politiques ont maintenant commencé à Sotchi, en Russie. Il est clair que ces pourparlers seront difficiles, car les États-Unis ont des demandes, tout comme la Turquie, qui a fait part de son intention de prolonger son séjour au nord de la Syrie.

C’est dans ce contexte que le président syrien Bachar al-Assad se prépare en vue de l’établissement d’une nouvelle constitution, dont les travaux s’y rapportant ont commencé il y a plusieurs mois. Des spécialistes syriens et internationaux des droits de la personne et du droit en général tiennent des discussions avec divers groupes sur la façon de jeter de nouvelles bases constitutionnelles en Syrie, afin d’amener les nombreuses factions opposées à Damas à déposer leurs armes et à joindre les négociations sur l’avenir de la Syrie.

Le seul problème qui reste, c’est la présence d’al-Qaeda dans le Bilad al-Cham et de milliers de combattants étrangers à Idlib, qui attendent les résultats des négociations turco-syriennes.

La guerre a été longue et complexe, principalement en raison des renversements d’alliances. Mais la paix sera tout aussi complexe à instaurer si l’on veut éviter de nouvelles guerres reposant sur la vengeance et un désir cupide de conquérir des territoires.

Par Elijah J. Magnier: @ejmalrai

Article publié en anglais dans Middle East Politics du 23/11/2017.

Traduction : Daniel G.

Source: Middle East Politics



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