Quelles perspectives pour le gouvernement d’Abdelmadjid TEBBOUNE ? Verra-t-on le statut quo de juin 2017 à avril 2019 (date de l'élection présidentielle), comme le stipulent certains médias internationaux, se concentrant uniquement sur la distribution de la rente pour apaiser transitoirement le front social sans visions stratégiques, les ministres se confinant dans la gestion des affaires courantes. D’autres prédisent le même scénario du gouvernement Belaid Abdesselam, qui par sa gestion administrative autoritaire a conduit le pays droit au FMI , ce que je ne souhaite pas pour l’avenir pays. Ou, le grand souhait des Algériens, l’Algérie devant faire face aux véritables problèmes dont la résolution impliquera avec l’amenuisement des recettes d’hydrocarbures de profonds ajustements politiques, économiques et sociaux, assistera-on à de véritables réformes privilégiant l’avenir de l’Algérie et non les appétits partisans, afin de résoudre les problèmes fondamentaux interdépendants au nombre de douze (12) qui engagent l’avenir tant de la société que de l’économie algérienne entre 2017/2020. Cette présente contribution se veut un modeste éclairage pour le programme du gouvernement qu’il devra présente à l’APN.
1.-L’objectif stratégique devant méditer le fort taux d’abstention et de bulletins nuls des élections du 04 mai 2017 (70%) , est de mettre en place des intermédiations politiques, sociales et économiques afin d’évier l’affrontement direct Etat-citoyens permettant des mécanismes de dialogue permanents entre tous les segments politiques, économiques et sociaux de la société sans exclusive, évitant toute vision autoritaire du passé avec le monde qui est devenu une maison de verre avec la révolution d’internet, en fait s’ouvrir à la société par plus d’espaces de liberté. Tous les segments de la société veulent leur part de rente et immédiatement quitte à conduire le pays au suicide collectif, ne croyant plus en les discours démagogiques et aux promesses sans lendemain, l’objectif est de rétablir la confiance en l’avenir, et éviter ce divorce croissant Etat-citoyens par une profonde moralisation de la vie politique et économique de la société.
2.- La mondialisation est une réalité devant éviter les chimères ou l’on devra prendre en compte les impacts des mutations mondiales, les enjeux géostratégiques de la région dont le Sahel, l’intégration du grand Maghreb et plus généralement de l’Afrique du Nord, pont entre l’Europe et le continent Afrique, à enjeux multiples, dont les avantages comparatifs de notre pays à terme devant s’inscrire dans cet espace euro-méditerranéen et africain. L’on devra analyser avec réalisme les implications stratégiques de l’Accord d’Association qui lie l’Algérie à l’Europe applicable depuis le 01 septembre 2005, l’Algérie ayant eu un répit de trois années, le tarif douanier zéro étant prévu en 2000. Comment donc mettre en place des entreprises compétitives en termes de coût-qualité à cet horizon ? Il en est de même de l’Accord futur qui sera encore plus contraignant de l’adhésion de l’Algérie à l’organisation mondiale du commerce – OMC- qui interdit tout monopole et toute dualité des prix, notamment de l’énergie ?Dans ce cadre , il est urgent de corriger toute la politique socio-économique et notamment industrielle, incohérente, calquée sur le modèle utopique des années1970, l’ère mécanique dépassée, ne tenant pas compte de la quatrième révolution économique mondiale.
3.- La réforme de l’école, ayant des implications pas seulement économiques mais culturelles et politiques afin de façonner le citoyen algérien de demain, qui connait une baisse alarmante; dans ce cadre comment intégrer notre émigration qui recèle d’importantes potentialités est la mère de toutes les réformes. Le système socio-éducatifs s’est bureaucratisée, du niveau du primaire au supérieur en passant par la formation professionnelle, posant la problématique de la maîtrise des nouvelles technologies, ayant privilégié la dominance de la quantité au détriment de la qualité, allant vers 2 millions d’étudiants horizon 2020. Sans le primat à l’économie de la connaissance tout programme est voué à l’échec et tout le reste discours (1).
4.- Loin des mesures administratives, il s’agira de combattre le système bureaucratique sclérosant qui décourage toute initiative créatrice, produisant la sphère informelle qui occupe plus de 50% de la superficie économique où tout se traite en cash favorisant l’évasion fiscale, et plus de 50% d’emplois fonctionnant dans un Etat de non Droit, renvoyant à la refonte de l’Etat. Fondamentalement cela passe par un débat sur le futur rôle de l’Etat, loin du système centralisé jacobin, afin de réaliser une transition vers une économie de marché à finalité sociale, devant concilier efficacité et une profonde justice sociale.
5.- N’existant pas d’économie de marché spécifique qui est caractérisé par la dominance du secteur privé productif , le secteur d’Etat devant évoluer dans un cadre concurrentiel, aborder franchement un programme daté de la démonopolisation( investissement neuf en faveur du secteur privé local et international ) et de la privatisation (cession totale ou partielle des actifs existants), processus complémentaire, permettant la transition la croissance économique, posant la problématique du rôle de l’Etat dans la transition vers une économie de marché concurrentielle maitrisée.
6.-Le problème de la régionalisation économique à ne pas confondre avec l’accroissement du nombre de wilayas et le régionalisme, devra renforcer la symbiose Etat-citoyens à travers l’implication des collectivités locales, qui doivent optimaliser les dépenses publiques, rationaliser la dépense, afin de réaliser un regroupement autour de grands espaces économiques dont le noyau sont des centres de formation professionnelles, les banques, les entreprises publiques et privées et des universités régionales au sein d’éco-pôles régionaux afin de bâtir des pôles d’excellence.
7.- L’erreur serait de se focaliser uniquement de nouvelles organisations et sur des lois pour combler le vide , l’Algérie ayant connu des dizaines de nouvelles organisations notamment du secteur économique public sans impacts probants et les meilleurs lois du monde mais rarement appliquées, la mise en place opérationnelle de la bonne gouvernance, impliquant la refonte de l’Etat, basée non sur des relations personnalisées mais sur un Etat de Droit, l’indépendance réelle de la justice, favoriser la pluralité des médias avec un code de déontologie, la lutte contre la corruption qui détruit la cohésion du tissu social et fait fuir les investisseurs potentiels et donc la mise en place d’institutions, s’adaptant tant aux mutations mondiales que locales tenant compte de notre anthropologie culturelle.
8.- Aborder, sans tabou, et sans verser dans des attaques et analyses pernicieuses, comme dans tous les pays démocratiques, le rôle de l’armée et des services de sécurité dans un Etat de Droit étant souhaitable une loi de programmation de trois à cinq années , ainsi que le fonctionnement de notre diplomatie, celle du Ministère des affaires étrangères et des ambassades bureaucratisés, devant les adapter aux nouvelles réalités mondiales loin des discours et prises de positions des années 1970 qui risquent de marginaliser l'Algérie.
9.- La gestion transparente de la rente de Sonatrach pilier de l’économie nationale, 97% des recettes en devises y compris les dérivés des hydrocarbures, doit être une priorité car posant la problématique de la sécurité nationale par une transparence des coûts de production, devant autonomiser la rente des hydrocarbures propriété de toute la collectivité nationale. Un débat productif s’impose sur l’avenir du pétrole/gaz de schiste et ses effets sur l’environnement, le niveau réserves des fossiles classiques, et la période de leur épuisement tenant compte de la forte consommation intérieure, de l’évolution des prix internationaux, des nouvelles mutations énergétiques mondiales, posant la problématique des subventions généralisées sans ciblage source d’injustice et de gaspillage des ressources financières . L’on devra pour réduire les couts combiner le solaire et le gaz torché gaspillé inutilement, impulser l’efficacité énergétique notamment avec les méthodes de construction traditionnelles, les nouvelles technologies permettant d’économiser 25% d’énergie, de ciment et de rond à béton.
10.- N’existant pas une véritable politique salariale, correspondant, au niveau de la production et de la productivité, il s’agira d’aborder sereinement le problème du marché du travail conciliant équité et flexibilité notamment du danger des sureffectifs de la fonction publique (plus de 2,1 millions), où l’on ne résout pas les problèmes de l’emploi par l’administration ou des emplois rentes fictifs.
11.- Lié à l’amélioration du système de santé dont les hôpitaux connaissent une gestion défectueuse, malgré les compétences, l’assainissement des caisses de retraite doivent être gérées dans la transparence, qui risquent l’implosion en cas de chute du cours des hydrocarbures devant combiner les systèmes de répartition et de capitalisation.
12.- Dynamiser la bourse des valeurs en léthargie depuis des décennies, la réforme du système financier, les banques publiques totalisant plus de 90% du crédit total octroyé se cantonnant dans le rôle de guichets administratifs. Dans ce cadre se demander le pourquoi le non attrait de l’investissement direct étranger hors hydrocarbures et la règle contraignante des 49/51% que l’on généralise aux secteurs stratégiques et non stratégiques qu’il s’agira d’assouplir. Par ailleurs, résoudre, l’épineux problème du foncier tant agricole avec cette déperdition des meilleures terres, qu’industriel, ce dernier que l’on livre à des prix exorbitants et souvent sans les commodités ;
En résumé, évitons la sinistrose, l'Algérie a toutes les potentialités de sortie de crise. Mais, méditons l’expérience négative de l’économie de guerre du gouvernement Belaid Abdesselam du 08 juillet 1992 au 21 aout 1993, soutenu alors par le parti ultra gauchiste des travailleurs, qui a peu d’échos au niveau de la société qui en mai 2017 a 11 députés avec moins de 1% des voix, qui a conduit le pays droit à la cessation de paiement. Pour cela un changement de cap s'impose. Les taux d’intérêt bonifiés, le pouvoir d’achat des Algériens autant que la valeur du dinar, corrélée aux réserves de change, dépendent pour 70% de la rente des hydrocarbures. Les subventions et transferts sociaux directs et indirects ayant représentés 27/30% du PIB en 2015/2016 , l’Etat peut –il continuer dans cette voie si le cours des hydrocarbures baisse , l’Algérie de 2010/2014 fonctionnant sur la base d’un cours du baril supérieur à 100/110 dollars et 88 dollars en 2016 ? Comme j’ai à le démontrer dans les interviews données à plusieurs organismes internationaux/nationaux , l’Algérie est à la croisée des chemins avec tous les scénarios possibles, afin de réaliser ou pas la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales se fondant sur l’entreprise, son soubassement le savoir, devant en prendre en compte la protection de l’environnement et les industries d’avenir les industries écologiques créatrice de valeur ajoutée et d’emplois productifs. Comme nous l‘ont enseigné les fondateurs de l’économie,, devant éviter tout déterminisme technique existant un lien dialectique entre le Politique, l’Economique, le Social et le Culturel, largement influencé par la mondialisation. Il y a lieu de distinguer la stabilité dynamique avec l’implication des citoyens par la démocratie source de progrès économique et social, de la stabilité statique source d‘immobilisme. Sans démocratie, un Etat de Droit et le retour à la confiance, il ne peut y avoir de développement en ce monde turbulent et en perpétuel évolution où toute Nation qui n’avance pas recule.
(1)-voir site algerie1.com 26/05/2017 « Les nouveaux défis économiques du gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune » -Voir interview du professeur Abderrahmane Mebtoul télévision Ennahar « sur les défis du gouvernement Tebboune » 26/05/2017- « sur l’impact des accords de Vienne » quotidien gouvernemental horizon et le quotidien arabophone Chorouk dimanche 29/05/2017 – le professeur Mebtoul sera en débat le 29/05/2017 à 23h - télévison Dzaiar News sur ces sujets
NB-Professeur Abderrahmane Mebtoul, Expert international – Docteur d’Etat en gestion (1974) - Directeur d’Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2007- A dirigé l’audit, février 2015 sur les risques et opportunités du gaz de schiste pour le compte du gouvernement assisté de 23 experts internationaux. -Voir Etude du professeur Abderrahmane Mebtoul, parue à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI Paris France novembre 2011)- « la coopération Maghreb/ Europe face aux enjeux géostratégiques»- -« Pour un nouveau management stratégique de Sonatrach »- revue internationale HEC Montréal Canada (2010)- Conférence internationale ADAPES/ parlement français novembre 2013- « Les nouvelles mutations énergétiques mondiales » - « La stratégie gazière de l’Algérie face aux mutations mondiales » revue internationale gaz d’aujourd’hui (Paris France – janvier 2016). Voir également le débat 24 octobre 2014 entre le Pr Antoine Half, ancien économiste en Chef au Secrétariat d’Energie US directeur prospective à l’AIE, et le Pr Abderrahmane Mebtoul- RFI Paris /France sur les perspectives de l’OPEP.