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Un quasi coup d’état policier

16-10-2014 23:27  Khidr Ali

Il n’est pas dans les traditions de la police algérienne d’entrer en rébellion contre sa hiérarchie. Plus qu'inédit, c'est tout simplement inouïe. De tellement inédit que même la société algérienne n’en revient pas de voir les policiers quitter leurs unités. Pire : assiéger le palais présidentiel d’El Mouradia. Symboliquement c’est très fort. C’est une action qui est de l’ordre d’un quasi « coup d’état policier » pour reprendre une formule qui a fait florès ces jours-ci dans la presse.

Ainsi donc la Police dont la vocation est d’être le bouclier défenseur des institutions de l’Etat, a choisi pour le coup de passer de l’autre côté de la « manif ». C’est d’autant plus grave que cette mutinerie survient à un moment où l’Etat est fragilisé par l’absence du président Bouteflika. Et son absence, que d’aucuns, de plus en plus nombreux, assimilent à une vacance du pouvoir présidentiel, aiguise les appétits voraces pour les successions.

Les luttes entre les différents clans ont toujours été pris en charge « en interne », loin des projecteurs de la presse, mais pas cette fois-ci, puisque depuis lundi les dagues sont tirées, balle au canon, le doigt sur la gâchette ! Et pour de nombreux observateurs qui ne croient pas à la génération spontanée des dynamiques de foule, cette incursion subite de la police dans l’espace public, n’est qu’un symptôme de la guerre qui se joue, en ce moment, en sourdine au sommet du pouvoir.

La tête du général Hamel, réclamée à cor et à cri par les policiers mutins est une revendication qui n’est pas de l’ordre du socio professionnel même si à l’échelle des policiers manifestants on le tient pour responsable de la « militarisation » de l’institution. Dans cette guerre des clans, Hamel, un proche du cercle présidentiel, est donné comme un prétendant à la succession. Cette montée des policiers rebelles, qui exigent son départ comme préalable au retour aux casernes, serait-elle une sorte de tir de sommation contre le DGSN, enjoint à ravaler son ambition présidentielle ?

Sellal au charbon

Mais en attendant de voir les choses se préciser dans les jours qui viennent au sujet de cette guerre des clans, revenons au présent pour constater que c’est encore une fois Abdelmalek Sellal du haut de sa bonhomie qui est envoyé au charbon pour dégoupiller la bombe de la police, face à l’incapacité de Tayeb Bélaiz à faire le job. Mardi, au premier jour de la mutinerie à Alger, Sellal avait pourtant refusé de rencontrer les policiers qui manifestaient sous les fenêtres du palais du Gouvernement.

Avantage donc pour Sellal dont les rapports pourris avec Bélaiz et certains autres ministres poids-lourds font délices des salons et des rédactions algéroises. «C’est la façon de Bouteflika de gérer les hommes en les montant les uns contres les autres pour pouvoir intervenir après en arbitre des élégances », racontait un ancien ministre de Boumediene. Sellal a donc accepté, sur « instruction du président », a-t-il insisté devant les caméras à se coltiner la rébellion des policiers en montant mercredi à El Mouradia, où Ahmed Ouyahia, en essayant, le matin, de mettre son grain de sel, a failli en prendre pour son grade.

Au bout de trois heures de négociations avec les délégués des policiers, le Premier ministre, visiblement sur les dents, est sorti pour déclarer devant les caméras que la quasi totalité des revendications sont acceptables et discutables. Une réunion interministérielle est annoncée pour dimanche. Sauf deux revendications : la création d’un syndicat de la police, suggérant à la place une commission nationale et surtout le départ de Hamel. « C’est une prérogative qui appartient au président », a tranché de façon lapidaire le Premier ministre.

Alors Sellal a-t-il réussi à renvoyer les mutins dans leurs casernes ? Pas tant que ça puisque ce jeudi encore ils étaient quelques centaines de récalcitrants à camper devant l’esplanade de la présidence, sous l’œil vigilants des militaires réquisitionnés pour la circonstance, avant de s'engouffrer dans les bus et rejoindre leurs casernes. Mais il y a fort à parier qu’ils finiront par rentrer dans les rangs et mettre fin à leur mouvement, en échange de quelques dividendes sociaux que l’Etat consentira au nom de la paix sociale. Une paix plus que jamais en ballotage à cause de la guerre de succession qui fera de plus en plus rage.

Que Dieu préserve l’Algérie !



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