Le résultat le plus tangible de la première année du troisième mandat présidentiel de Vladimir Poutine, revenu au Kremlin le 7 mai 2012, a été la mise au pas d'une opposition jugée menaçante après avoir mobilisé dans la rue des centaines de milliers de contestataires.
Cette mobilisation, saluée dans le monde entier comme la naissance d'une société civile en Russie, s'était développée sur fond d'accusations de fraudes massives du parti au pouvoir, Russie Unie, lors des législatives puis de la présidentielle de 2012.
La contestation avait pris une ampleur jamais vue depuis l'arrivée au pouvoir de M. Poutine, président de 2000 à 2008, puis Premier ministre de 2008 à 2012 faute de pouvoir enchaîner un troisième mandat présidentiel consécutif.
La réponse du Kremlin n'a pas tardé: perquisitions, interpellations et arrestations d'opposants, anonymes ou figures de proue du mouvement.
Aujourd'hui, une trentaine de manifestants ayant participé à un rassemblement anti-Poutine en mai 2012 qui s'était terminé par des heurts avec la police attendent d'être jugés et risquent jusqu'à dix ans de camp pour «participation à des troubles massifs».
Deux leaders de l'opposition, l'avocat anticorruption Alexeï Navalny, et le chef du Front de gauche Sergueï Oudaltsov, sont eux aussi menacés de lourdes peines.
M. Navalny est actuellement jugé pour «détournement de fonds» et trois autres enquêtes ont été ouvertes contre lui, pour lesquelles il risque au total plus de 20 ans de camp.
Sergueï Oudaltsov est assigné à résidence à son domicile à Moscou depuis février, avec interdiction de se servir du téléphone et d'internet. Il est inculpé pour «participation à des troubles massifs» et risque jusqu'à dix ans de détention.
Les activités de son mouvement, le Front de gauche, ont été suspendues en avril pour trois mois pour «infraction à la loi sur les associations».
L'opposition et les intéressés dénoncent là des procès et manoeuvres politiques inspirés par le Kremlin pour étouffer toute contestation.
De fait, le mouvement est largement retombé aujourd'hui. «Il ne reste rien du mouvement de protestation. Il n'y a pas de mobilisation autour du cas Navalny», estime la politologue Maria Lipman, du centre Carnegie à Moscou.
«La Russie devient un état policier. Et cette tendance va encore se renforcer», ajoute-t-elle, interrogée par l'AFP.
Pour l'ancienne dissidente soviétique Lioudmila Alexeeva, «depuis le début du troisième mandat de Poutine, nous assistons à un coup d'état anticonstitutionnel».
Amnesty International et Human Rights Watch ont publié fin avril des rapports très sévères sur la Russie.
Amnesty a parlé de «chasse aux sorcières» contre l'opposition et Human Rights Watch affirme que la société civile en Russie a subi en 2012 avec Vladimir Poutine les pires répressions depuis la chute de l'URSS en 1991.
Les deux ONG ont aussi dénoncé l'adoption de lois restreignant les libertés et une campagne lancée contre les ONG déplaisant au Kremlin et soutenues financièrement par l'étranger.
Les autorités russes exigent que les ONG bénéficiant de financement étranger et ayant «une activité politique», une formule imprécise, s'inscrivent sur un registre «d'agents de l'étranger», ce que refusent les ONG visées.
C'est peut-être pour répondre à ces critiques que M. Poutine a souligné la semaine dernière dans sa traditionnelle session de questions-réponses avec la population russe qu'il n'y avait «aucun élément stalinien» dans sa manière de gouverner, tout en rappelant que le pays avait besoin «d'ordre et de discipline».
L'Union européenne et les Etats-Unis ont critiqué les mesures prises contre l'opposition et les ONG, mais «la réaction des dirigeants occidentaux n'impressionnent pas beaucoup» le Kremlin, estime Maria Lipman.
Avec les Etats-Unis, les relations se sont assombries depuis le retour de M. Poutine au Kremlin, plus en raison des critiques sur les droits de l'homme que pour les divergences sur d'autres sujets, comme par exemple le conflit en Syrie.
Fin 2012, Moscou a interdit l'adoption d'enfants russes par des Américains en représailles à la publication aux Etats-Unis de la «liste Magnitski» qui place sur une liste noire des responsables russes impliqués dans la mort en prison en 2009 à Moscou du juriste Sergueï Magnitski.
Les autorités russes sont pour l'instant surtout préoccupées par la préparation des jeux Olympiques d'hiver de Sotchi, en février 2014, un événement sportif censé contribuer au prestige du pays, de même que d'autres grandes compétitions comme les championnats du monde d'athlétisme en août prochain à Moscou.
De quoi faire passer au second plan les préoccupations des économistes qui relèvent un ralentissement de la croissance en Russie et craignent une récession, alors que M. Poutine a lui-même évoqué les «signaux alarmants» observés dans l'économie russe.(Afp)