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Turquie: Erdogan relance l'épreuve de force face à des manifestants déterminés

09-06-2013 13:12  Abbès Zineb

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a relancé dimanche l'épreuve de force avec les manifestants qui réclament depuis dix jours sa démission en appelant ses électeurs à leur «donner une leçon» aux élections municipales de 2014.

Au lendemain d'une nouvelle journée de contestation qui a vu des dizaines de milliers de personnes descendre dans les rues de plusieurs grandes villes du pays, le chef du gouvernement a renoué avec sa rhétorique offensive en qualifiant les protestataires de «terroristes» ou de «vandales», pour le plus grand plaisir de ses partisans.

«Il n'y a plus que sept mois jusqu'aux élections locales. Je veux que vous donniez à ces gens une première leçon par des voies démocratiques dans les urnes», a-t-il lancé à son arrivé à l'aéroport d'Adana (sud) devant une claque de plusieurs milliers de personnes organisée par son Parti de la justice et du développement (AKP).

«Ils sont lâches au point d'insulter le Premier ministre de ce pays», a poursuivi M. Erdogan, en présentant à nouveau son parti islamo-conservateur comme «le parti des 76 millions» d'habitants de la Turquie.

Depuis le début du mouvement, les manifestants reprochent au chef du gouvernement, leur principale cible, sa dérive autoritaire et sa volonté d'islamiser le pays.

A Istanbul, Ankara, Adana (sud) ou Izmir (ouest), des dizaines de milliers d'entre eux ont montré leur détermination en se rassemblant jusque tard dans la nuit de samedi à dimanche dans une ambiance de fête.

La place Taksim d'Istanbul et son petit parc Gezi, dont la destruction annoncée à lancé la fronde le 31 mai, a enregistré samedi soir sa plus forte affluence depuis le début du mouvement. Ce bastion de la contestation a même pris des airs de stade de football grâce au soutien de milliers de supporters des trois clubs de la ville, Besiktas, Fenerbahçe et Galatasaray, venus se mêler aux protestataires et aux touristes. «C'était incroyable, tellement beau d'être tous ensemble», a dit à l'AFP Aykut Kaya, un étudiant de 23 ans en repliant sa tente.

Buse Albay, une architecte de 25 ans, a elle promis de rester sur la place «aussi longtemps qu'il faudra», jusqu'à la démission de M. Erdogan. «Les gens veulent leur liberté et ils le disent», a-t-elle ajouté. Des milliers de manifestants se sont également réunis à Izmir dans la même atmosphère de kermesse.

 Epreuve de force

A l'inverse, de violents affrontements ont éclaté samedi soir lorsque la police est intervenue avec des canons et des gaz lacrymogènes pour empêcher une partie des quelque 10.000 manifestants rassemblés au centre-ville de marcher sur le Parlement. Selon les médias turcs, des échauffourées ont également été signalées à Adana (sud) à l'issue d'une manifestation entre opposants et partisans du Premier ministre.

Ces incidents et la stratégie de la confrontation à nouveau adoptée par M. Erdogan dimanche à la faveur de son déplacement à Adana suscitent questions et inquiétudes sur la suite du mouvement et les risques d'escalade entre les deux camps.

Le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, une voix respectée en Turquie, a lui-même confié son désarroi après plus d'une semaine d'une contestation sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP en 2002. «Je suis inquiet car il n'y a toujours pas en vue de signes d'un dénouement pacifique», a déclaré l'écrivain lors d'une conférence à Rome, cité par la presse turque, «je comprends la façon de protester des gens».

Après son «show» de la mi-journée à Adana, identique à celui qu'il avait dirigé dans la nuit de jeudi à vendredi à Istanbul à son retour d'un voyage au Maghreb, M. Erdogan doit rallier en fin de journée la capitale Ankara, où de nouvelles manifestations de soutien sont attendues.

L'AKP a d'ores et déjà prévu de récidiver avec deux réunions publiques de masse samedi prochain à Ankara et le lendemain à Istanbul, officiellement pour lancer sa campagne pour les élections municipales de l'an prochain. Une nouvelle occasion pour le Premier ministre de répondre aux dizaines de milliers de Turcs qui le narguent, souvent bière à la main, devant les caméras du monde entier.

La vague de contestation qui secoue depuis dix jours la Turquie a affaibli son gouvernement, critiqué par des alliés clé comme les Etats-Unis ou l'Union européenne pour la brutalité de la répression policière.

Ces événements sont également suivis de près dans les pays des «printemps arabes», notamment en Egypte et en Tunisie, où les islamistes au pouvoir ont souvent vu le modèle turc de l'alliance entre islam et démocratie comme un exemple. (Afp)



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