L'histoire de la Tunisienne violée et menacée d'être inculpée pour atteinte à la pudeur est une affaire d'Etat et place les autorités dans une situation très embarrassante, a déclaré vendredi le secrétaire d'Etat tunisien chargé des Affaires européennes, Touhami Abdouli.
Il y a deux affaires d'Etat en ce moment en Tunisie: le salafisme et le dossier de la femme violée, a estimé M. Abdouli, de passage à Paris dans le cadre d'une tournée européenne visant à rassurer les partenaires de la Tunisie sur l'évolution de ce pays.
La jeune femme violée est accusée par ses agresseurs présumés, des policiers, d'avoir été surprise en position immorale avec son ami dans une voiture. Elle a été entendue mardi par un juge d'instruction de Tunis, qui doit décider de l'inculper ou non d'atteinte à la pudeur, une affaire qui suscite un tollé depuis une semaine.
La femme violée est poursuivie en vertu d'une loi de 2004 adoptée sous Ben Ali, a rappelé M. Abdouli lors d'une rencontre avec la presse. C'est une affaire d'Etat, une situation très embarrassante, mais que peut-on faire pour surmonter la justice?, s'est-il interrogé.
Il faut mettre sur la table les incohérences de la loi, a-t-il jugé, renvoyant cependant la balle aux élus de l'Assemblée constituante chargés de rédiger la future Constitution tunisienne.
Evoquant le dossier du salafisme, M. Abdouli, membre du parti de gauche Ettakatol associé à la troïka au pouvoir en Tunisie, a estimé qu'il s'agissait d'un danger national et international.
Le salafisme est un danger national et international
Les salafistes n'ont pas le choix. Ils respectent la loi, sinon, ils n'ont aucune place dans la société tunisienne, a-t-il martelé, alors que le gouvernement tunisien dominé par les islamistes d'Ennahda est accusé de complaisance envers les extrémistes. Il y a entre 3.000 et 7.000 salafistes en Tunisie, dont quelque 800 jihadistes, a estimé le secrétaire d'Etat.
Evoquant l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis le 14 septembre, qui a fait quatre morts parmi les manifestants, il a reconnu que les forces de l'ordre avaient manqué de professionnalisme et d'équipement.
En relation avec cette attaque, 117 membres de la mouvance salafiste ont été arrêtés, a-t-il indiqué. Toutefois, Abu Yiadh, le chef de file de la tendance jihadiste, est toujours en liberté, et a même prêché récemment dans une mosquée du centre de Tunis sans être inquiété.
On a déjà arrêté Abou Ayoub, qui est le numéro un des jihadistes. Pour Abu Yiadh, c'est une question de timing, il sera arrêté prochainement et sans dégâts, a assuré M. Abdouli. Mais la Tunisie ne peut pas faire la police sans l'aide des gouvernements (des pays) méditerranéens, a-t-il ajouté, soulignant que la question salafiste était internationale.
Le responsable tunisien, qui s'est déjà rendu à Rome, Berne, Bruxelles et Berlin, ira après Paris à Madrid, Lisbonne et Londres. En France, il doit notamment rencontrer la ministre déléguée à la Francophonie Yamina Benguigui.
Le but de cette tournée est de rassurer sur plusieurs points, a-t-il expliqué: la protection des ambassades étrangères après l'attaque du 14 septembre de la représentation américaine à Tunis, l'engagement des autorités à combattre le salafisme, la garantie que la Tunisie est engagée dans un processus de transition démocratique et la nécessité d'un partenariat solidaire avec les pays européens. (AFP)