La violence salafiste continue de s’étendre en Tunisie, et les autorités ne semblent pas déterminées à s’y opposer. Les agressions se multiplient de Sidi Bouzid à Sfax, en passant par Bizerte. Des artistes, comme Lotfi Abdelli ont recours à des agents de sécurité privés pour répondre à la menace.La sécurité des citoyens n’est-elle pas l’un des principaux Droits de l’Homme et le premier devoir d’un Etat de droit ?
L’hôtel Harchani à Sidi Bouzid a été saccagé par une cinquantaine de salafistes le lundi 3 septembre. Le propriétaire de l’établissement, M. Jamil Harchani a été plusieurs fois "avertis" par les extrémistes qui exigeaient la fermeture du bar de cet hôtel touristique.
M. Harchani a déclaré connaître l’identité d’au moins une dizaine des coupables du saccage de son établissement. Il a également souligné qu’il s’est adressé il y a trois semaines au procureur de la République, déclarant sur les ondes de Shems FM, qu’il connait précisément l’identité d’une dizaine de ceux qui ont fini lundi par passer à l’action. Sans qu’ils n’aient été jusqu’ici inquiétés.
L’adjoint du propriétaire, M. Mohsen Bouzidi, a même relevé que les agresseurs ont fait interruption dans la propre maison de l’hôtelier… Or cet affaire de violences dirigées contre un établissement touristique n’est pas un cas isolé dans la Tunisie d’aujourd’hui. Pis : ce type d’événements est largement relayé par la presse internationale, écornant davantage un secteur touristique déjà bien malmené.
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L’artiste Lotfi Abdelli, lui, y a déjà répondu à sa façon. Boycotté par la police pour ses sketches qui ne craignent pas d’égratigner les "agents de l’ordre", menacé par les salafistes, l’humoriste, largement soutenu par ses fans, a fini aussi par recourir à des agents de sécurité privés. Une mesure de précaution qui ne s’avère pas superflue dans le contexte actuel où resurgit la menace takfirie.
Des partis politiques comme Nida Tounes ne sont également pas épargnés. Ridha Belhaj, porte-parole du mouvement fondé par Béji Caid Essebsi a ainsi clairement annoncé son intention de faire désormais appel à des spécialistes privés pour assurer la sécurité de ses meetings. Et pour cause : des femmes du mouvement ont été attaqués et agressées lors d’une réunion à Sfax, sans que la police n’aient pu intervenir à temps.
Faut-il donc s’attendre à ce que le recours aux "milices" privées soit banalisé ? Mais dans ce cas, la sécurité ne seraient-elles pas réservées à ceux qui peuvent se la payer ? Devrait-on accepter l’idée d’une sécurité à deux vitesses, au service exclusif des entreprises, des partis politiques, et des plus nantis ? La sécurité des citoyens n’est-elle pas l’un des principaux Droits de l’Homme et le premier devoir d’un Etat de droit ? Que peuvent des citoyens désarmés face à des groupuscules entraînés ?
On se souviendra que le ministre de l’Intérieur, M. Ali Laâridh, a déclaré, lors d’une interview accordée au journal français «Le Monde», que la confrontation avec les salafistes étaient "inévitable".
Pourtant, force est de constater aujourd’hui que la violence s’exerce actuellement dans un seul sens. Puisque manifestement, c’est en toute impunité que les salafistes agressent des cercles toujours plus élargis de la société tunisienne. Or voici que certains déclarent leur intention de réagir avec leurs propres moyens. Gare aux dérives des milices privées.(Mag14)