La police a tiré des gaz lacrymogènes jeudi pour disperser des dizaines de manifestants rassemblés devant le ministère de l'Intérieur pour réclamer la chute du régime, après l'assassinat du député opposant Mohamed Brahmi, a constaté l'AFP.
La police est intervenue lorsque les manifestants ont bloqué l'avenue centrale Habib Bourguiba et installé une tente pour un sit-in nocturne devant le ministère, en criant "A bas le parti des frères, à bas les tortionnaires du peuple", en référence aux liens étroits entre le parti islamiste Ennahda au pouvoir et la confrérie des frères musulmans en Egypte.
Des manifestations ont éclate jeudi après-midi aussitôt après l'annonce de l'assassinat de Mohamed Brahmi, tué de onze balles tirées à bout portant au sortir de son domicile, près de Tunis.
Après une accalmie à l'heure de la rupture du jeûne du ramadan la manifestation a repris et un dispositif sécuritaire important a été déployé dans Tunis.
"C'est aujourd'hui qu'Ennahda doit tomber", ont crié les manifestants pour la plupart des jeunes issus de la gauche.
D'autres ont scandé des slogans contre le chef d'Ennahda Rached Ghannouchi qualifié d'assassin".
"Ennahda qui a montré son incompétence à diriger le pays, assume la responsabilité de ce crime. Nous resterons dans la rue jusqu'à ce qu'il parte à jamais", déclare à l'AFP Mohamed Maaroufi, membre d'un comité de jeunes encadrant les protestations.
"Qu'ils partent! Les nahdaouis se sont partagés le gâteau de la révolution au détriment des jeunes à l'origine du soulèvement(qui a chassé le président Ben Ali du pouvoir début 2011)", a-t-il ajouté.
Selon lui des jeunes de Sidi Bouzid (centre-ouest), ville natale du défunt, de Sfax et de Gafsa (sud) sont en route vers Tunis pour rejoindre ce mouvement et réclamer la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC).
Appel au calme
L'assassinat de Mohamed Brahmi a secoué les Tunisiens en cette journée chômée marquant le 56e anniversaire de la Républiquen.
"M. Brahmi a été assassiné par balles au sortir de son domicile", a laconiquement annoncé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué, sans préciser les circonstances.
Selon la télévision nationale Watanya et l'agence officielle TAP, Mohamed Brahmi, coordinateur général du Mouvement populaire et membre de l'Assemblée nationale constituante (ANC), a été assassiné par balles devant son domicile dans la région de l'Ariana", au nord de Tunis.
"Son corps a été criblé de balles devant son épouse et ses enfants", a déclaré à la radio, Mohsen Nabti, membre du bureau politique du Mouvement populaire.
D'après la télévision, il a été abattu par onze balles tirées à bout portant par des inconnus.
Homme rond à la moustache touffue et au teint basané, Mohamed Brahmi, 58 ans, avait été élu député à Sidi Bouzid, le berceau de la révolution qui a renversé le régime de Ben Ali en 2011.
Cet homme très critique des islamistes avait démissionné le 7 juillet de son poste de secrétaire général du Mouvement populaire, mouvement qu'il a fondé, en déclarant que sa formation avait été infiltrée par les islamistes.
Sa famille a imputé l'assassinat au parti au pouvoir. "J'accuse Ennahda", a déclaré en pleurs Chhiba Brahmi, la soeur du défunt, sans avancer de preuves.
"Notre famille avait le sentiment que Mohamed allait connaître le même sort que Chokri Belaïd", a-t-elle ajouté interrogée par l'AFP au domicile familial à Sidi Bouzid.
Dans une déclaration à l'AFP, le chef d'Ennahda Rached Ghannouchi a rejeté ces accusations affirmant que les commanditaires veulent mener le pays vers une "guerre civile" et perturber la transition démocratique".
Dans une allocution télévisée, le président tunisien Moncef Marzouki a parlé d'une "deuxième catastrophe nationale" après la mort de Belaïd.
"Les responsables de ce drame veulent montrer que la Tunisie (...) peut basculer elle aussi (dans la violence), ils veulent démontrer que le Printemps arabe a échoué", a-t-il déclaré en référence à l'Egypte où des violences meurtrières ont lieu depuis le renversement par l'armée le 3 juillet du président islamiste.
Le chef du gouvernement Ali Larayedh a appelé les Tunisiens au calme, soulignant que cet assassinat "ne doit pas être exploité pour semer le trouble et inciter les Tunisiens à s'entretuer". (Afp)