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Tripartie du 5 juin : pour sortir de la crise, quel modèle de croissance pour l’Algérie 2016/2030 ?

07-06-2016 08:02  Pr Abderrahmane Mebtoul

Permettez-moi  d’bord de  souhaiter  à tout le peuple  algérien et  musulman un bon Ramadhan. Que Dieu le Tout Puissant puisse assurer  la stabilité et la prospérité  de  notre pays. Je tiens à    remercier Mr  le premier Ministre  pour  son aimable invitation en tant  qu’expert indépendant, à la Tripartie où  dans la résolution finale  a été retenue la proposition  d’un Comité de suivi  que je  lui  avais suggéré  déjà en novembre 2014 et  que j’ai renouvelé récemment avant la Tripartie. Il a eu un discours de vérité, évitant  tant la sinistrose gratuite, que l’autosatisfaction, l ’Algérie sous réserve de certaines conditions strictes, ayant  toutes les potentialités  de sortie de crise. Nous devons prendre conscience  de la gravité de la situation : la vache de lait à traire, Sonatrach c’est fini  Je m’en tiendrai au modèle de croissance qui engage l’avenir du pays, donc sa sécurité

1.-Le modèle de  croissance doit poser  clairement le défi futur  de l’Algérie qui est saisir  les liens dialectiques  entre l’évolution progressive des fonctions  Etat/Rente/Marché dans le cadre de  la  mondialisation, dont la quatrième  révolution industrielle et du nouveau défi écologique mondial. Le rapport doit être   synchronisé  dans le temps,  par   une  quantification précise  daté. Il ne doit pas reposer  sur une vision   linéaire déterministe, comme si l’Algérie maîtrisait tous les facteurs endogènes  et  externes, en proposant une solution unique. Or,  en fonction de mon expérience dans les institutions internationales, et c’est une règle universelle,  tout modèle opérationnel réaliste, engageant l’avenir de tout pays  doit proposer aux décideurs, ensuite à la société  supposant un consensus social et politique, deux  à trois scénarios, fonction  de l’évolution de différentes mutations à la  fois énergétiques,  économiques, géostratégiques,  étant dans un monde turbulent  instable, avec une quantification précise pour chaque  étape. Ensuite, le  modèle  doit , comme facteur d’adaptation à  ces mutations, doit tenir compte  des  interactions internes entre le  cadre macro-économique   et macro  social, lui même évolutif : pression démographique, atomisation  de la famille et des tribus, impact culturel  des nouvelles  technologies qui modèlent de  nouveaux comportements. La finalité  de la nouvelle gouvernance, pilier du nouveau modèle  de croissance, doit être de  libérer l’entreprise   publique  et privée locale et internationale, sans aucune distinction comme le stipule  la nouvelle constitution par la réforme des institutions (débureaucratisation et décentralisation avec implication des acteurs locaux) , du système socio-éducatif(améliorer le niveau de l’économie de la connaissance qui s’est effritée ) , du système financier (guichets administratifs), la levée de la contrainte du foncier et la réhabilitation de   la concurrence, loin de tout monopole néfaste  tant  au niveau des secteurs économiques que de certains   services collectifs en externalisant les activités. Cela suppose une  mutation  des fonctions de l’Etat. En fonction  des différentes  contraintes  budgétaires,  (loin  de tout populisme pour ne pas renouveler l’expérience  de faillite  vénézuélienne du tout social via la rente ,  il s’agira  de concilier efficacité  économique  et l’équité selon ,les économistes,  les politiques   parlant  de justice sociale, le  modèle social devant ,être adapté aux nouvelles situations (  code  de travail conciliant flexibilité et équité,   gestion des  caisses  de retraite pour éviter leur implosion ). Cela n’est pas propre à l’Algérie d’où l’importance du dialogue social.

2.- Le   remboursement de la dette par anticipation qui a été négocié par le Ministère des  affaires étrangères, suite aux instructions du président de la république qui a été une bonne action,  permet actuellement une marge de manœuvre. Pour  la Banque d’Algérie, les réserves de change de l’Algérie étaient de 162,2 mds USD fin 2010,contre 148,9 mds USD à la fin 2009 de 193,3 milliards de dollars à fin juin 2014,  à 185,273 milliards de dollars à fin septembre 2014,  de 178,9 milliards de dollars à la fin décembre 2014 et à 143 milliards de dollars fin décembre 2015 et le Premier Ministre annonce 136 milliards de dollars fin mai 2016  avec un endettement extérieur relativement faible. Du fait la faiblesse de la production et productivité interne, la valeur du dinar est corrélée à 70% aux réserves de change qui eux-mêmes proviennent de la rente des hydrocarbures ((97/98% des exportations avec les dérivées). A dix milliards de dollars de réserves de change, la banque centrale coterait le dinar à plus de 200 dinars un dollar avec des répercussions sur les coûts de production tant des entreprises publiques que privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% ainsi que sur le pouvoir d’achat des ménages dont 70% des besoins proviennent de l’extérieur. Il faut donc maintenir le niveau des resserves de change à un niveau tolérable. Et c’est là que rentre la problématique de l’endettement bien compris où seuls les secteurs productifs concurrentiels doivent être concernés. Vouloir puiser à tout prix dans les réserves de conduit inévitablement à une dévaluation rampante du dinar. Ainsi pour Sonelgaz, selon  l’APS en date du 05 juin 2016, le  Groupe Sonelgaz est en négociations avec des créanciers étrangers pour contracter des crédits afin de financer ses investissement où selon son Pdg «  le  déficit étant  énorme, nous n'avons pas d'autres choix que d'aller vers l'endettement extérieur. Il y a des propositions pour le moment, mais nous attendons les conditions financières qui coûteront cher certainement ….car malgré la mise en œuvre du dossier de rachat du découvert bancaire à fin 2010 par le Trésor public pour un montant de 370 milliards de dinars et des facilités octroyées pour le financement des investissements,  la faiblesse des revenus du groupe a généré, selon le bilan présenté, un déficit de 98 milliards DA, en 2015 ». Aussi, il faut éviter toute position tranchée pour des raisons idéologiques et être pragmatique. Rappelons nous l’expérience roumaine communiste, une dette zéro, mais une économie en ruine. Que proposent concrètement ceux qui sont contre l’endettement ciblé en cas ou le cours fluctuerait entre 40/50 dollars le baril, le prix de cession du gaz (plus de 33% des recettes de Sonatrach) étant indexé sur celui du pétrole l’Algérie fonctionnant à plus de 90 dollars le baril en 2016 contre 110 entre 2014/2015 selon le FMI, certaines dépenses étant incompressibles quitte à étouffer tout l’appareil productif devant  profiter des taux bas au niveau international fluctuant entre 0 et 1% ?.

3.-. L’économie  de guerre que certains veulent appliquer aujourd’hui, qui a été  préconisée en 1992 a été  un échec et  a conduit le pays droit à la cessation  de paiement  et  au rééchelonnement en 1994. Renouveler cette expérience en 2016 ,  déconnectée tant des réalités locales et mondiales par  ceux qui défendent des intérêts de rente, sous un faux  discours nationaliste,  ne peut que conduire  à l’épuisement  dans trois ans  des  réserves  de change,( après nous le déluge), et le retour  au FMI  entre 2018/2019 avec des incidences  de tensions sociales  et géostratégiques au niveau de la région. Certes, le  pouvoir algérien a été traumatisé  par le recours au FMI en 1994, alors qu’il faille   analyser  les mauvaises politiques  de l’époque, mais l’endettement ciblé n’est pas synonyme de sous développement. C’est que la majorité des pays développés sont endettés mais ont un appareil productif performant, gérant leur endettement avec précaution afin de ne pas faire supporter ce fardeau aux générations futures. Ainsi, la dette publique mondiale s’élève entre 2014/2015 à près 55 000 milliards de Dollars contre 26 000 milliards en 2005. Si l’on ajoute les dettes privées, la dette mondiale atteint même les 100 000 milliards de dollars selon une étude publiée récemment par la Banque des règlements internationaux. A titre de comparaison, le PIB mondial en 2013 était de 74 000 milliards. La dette publique américaine s’élève en 2015 à 18.300 milliards de dollars, soit 110% du PIB national. La dette de la France a atteint plus de 2100 milliards d’euros en 2015 approchant 98% du PIB. L’endettement public de l’Italie dépasse les 135 % du PIB, le Portugal 130 % et le Japon 230% du PIB. Selon des études internationales la dette des ménages et entreprises atteint 270 % du PIB en Irlande 222 % au Danemark. Si l’on cumule emprunts publics et privés, la dette a atteint en 2015 environ 270 % du PIB.

4.- S’offre quatre solutions pour le gouvernement dont trois à court terme : soit le déficit budgétaire ;  soit réduire les dépenses de fonctionnement  (débureaucratisation) et mieux gérer les dépenses d’équipements  en ciblant les segments à valeur ajoutée réelle, éviter des investissements de prestige, supposant également d’assouplir la règle des 49/51% où l’Algérie supporte tous le surcoûts , soit   un endettement extérieur ciblé. Mais la  solution durable,  le grand défi à moyen et long terme est d’avoir une   vision stratégique dans le cadre des nouvelles mutations mondiales,  afin de réaliser tant  la transition tant énergétique (Mix) que la transition économique On ne relance pas l’activité économique  par décret ou des lois d’investissement sans objectifs stratégiques  (combien de codes d’investissement depuis l’indépendance politique) ou par le volontarisme étatique, vision de la mentalité bureaucratique rentière. Le nouveau modèle de croissance  doit assurer la suprématie à la sphère réelle sur la sphère financière, en les synchronisant, concilier la dynamique économique et la dynamique sociale pour une répartition « juste » du revenu national entre les différentes couches sociales, ce qui ne saurait signifier égalitarisme source  de démotivation. L’Algérie est à la croisée chemin. Il existe maintenant  une unanimité parmi les institutions internationales et les experts algériens crédibles : l’Algérie a deux choix : soit approfondir  les   réformes structurelles liées  à l’approfondissement  des libertés et à la cohésion sociale, soit aller  droit au FMI(1). 

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(1)-Interviews du professeur Abderrahmane Mebtoul à TV Ennahar- TVDzair- Tv Chorouk- 4/05 juin 2016  sur le nouveau  modèle de croissance 



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