Par Djazia Safta
Après un début plutôt difficile, les enfants desfamilles de réfugiés sont enfin scolarisés en 2015. Mieux vaut tard que jamais,la scolarisation de cette catégorie de migrants se déroule dans de bonnesconditions malgré certaines lacunes et difficultés liées à l’intégration.
Quelle est lasituation des enfants réfugiés en Algérie ? Se sont-ils intégrés dans lasociété ? Vont-ils à l’école ? Comment vivent-ils leur quotidien ?Espèrent-ils, un jour, retourner vers leur pays d’origine ? Autant de questionsposées dans ce reportage sur l’épineux dossier des réfugiés.
S’il est vrai que des calculs politiques onttoujours prévalu dans le traitement du phénomène, il n’en reste pas moins quel’Algérie a déployé des efforts considérables en vue de prendre en charge lesréfugiés fuyant la guerre dans leurs pays. Les conséquences du « PrintempsArabe » et de la déstabilisation de la bande sahélienne continuent d’affecterdes populations entières qui ont choisi le chemin de l’exil pour rester en vie.
L’Algérie a été l’une des destinations desréfugiés de certains pays. N’ayant pas été préparée à ce genre de situation,l’Algérie a, dû gérer dans l’urgence le flux migratoire en provenance del’Afrique Subsaharienne. Si certains médias ont seulement focalisé leurscomptes rendus de presse sur les opérations de rapatriements des étrangers ensituation irrégulière vers leurs pays d’origine, il n’en demeure pas moins quel’Algérie a considérablement amélioré les conditions d’accueils des famillesdes réfugiés et de la scolarisation de leurs enfants. Mieux, ce sont quelques14 000 enfants subsahariens qui ont été sauvés de la mendicité par lesautorités Algériennes soucieuses d’offrir les meilleures conditions d’accueilpour les migrants et les réfugiés.
Dans le cadre de notre reportage, nous noussommes intéressés au volet de la scolarité et surtout du niveau d’intégrationdes enfants au sein de la société. Nous avons également pris attache avec leCroissant Rouge Algérien, Médecins du Monde et le réseau NADA (réseau algérien pour la défense des droits del’enfant) afin de mieux comprendre la réalité du terrain.
La lente intégration des enfants scolarisés :
« La situation s’améliore et les élèvescommencent à nous accepter», relate Ely, un enfant Congolais de 10 ans réfugiéen Algérie depuis 6 ans. Pour Ely, lesdébuts étaient très difficiles. « Je suis inscrit dans une école publique àBelcourt. A mon arrivée, personne ne me parlait et on m’appelait kahlouch(NDLR, noir). Mais aujourd’hui je me suis fait trois amis algériens » Sous sonair joviale est blagueur, Ely ne veut pas en rester là et affiche sa volonté des’intégrer davantage non seulement à l’école mais également dans la société.
Même sens de cloche chez Monica âgée de 16ans et scolarisée au Lycée Descartes à El Mouradia. Pour cette jeune Centrafricaine, tout n’estpas rose à l’école. « C’est vrai que jeme suis faite des amis algériens, mais beaucoup de parents interdisent encore àleurs enfants de me parler », souligne-t-elle, avant d’ajouter « ce n’est pasgrave, je me suis habituée ». Pour cette adolescente arrivée en Algérie en 2014et ne pouvant rejoindre les bancs de l’école qu’une année plus tard, le soucimajeur résidait dans sa réussite. « Le plus dure pour moi est de suivre lescours. J’ai du mal à m’adapter aux méthodes d’enseignements en Algérie et jen’arrive toujours pas à améliorer ma moyenne», regrette-t-elle.
Pour la maman de Susan, une fillette de 6 ans et originaire du Congodémocratique, tout se passe bien pourles enfants. Ces derniers arrivent à s’adapter sans problème. « Ma fille aimeson école. Elle est vraiment heureuse », assure-t-elle.
Pour rendre la scolarisation des enfants desfamilles réfugiés possible en Algérie un grand travail de concertation a étéfait entre le mouvement associatif et les pouvoirs publics. Il est vrai quel’Etat algérien assure la scolarisation pour tous les enfants en âge d’aller àl’école, soit à 6 ans, mais le retard dans la prise en charge des enfants desréfugiés était dû au manque d’information les concernant.
Undispositif spécifique mis en branle :
Après plusieurs démarches entreprises pardes associations, à l’instar du réseau Nada et de Médecins du Monde France,Mission Algérie, un bon nombre d’enfants ont réussi à intégrer lesétablissements scolaires.
Selon SaidaBenhabyles, présidente du Croissant Rouge Algérien (CRA), l’Algérie assure unescolarisation gratuite pour les enfants de migrants et de réfugiés au mêmeniveau que ses propres enfants.
« Nous avonssupprimé tout le dossier d’inscription que doit fournir les parents d’élèves entemps normal et nous l’avons réduit à une simple déclaration sur l’honneur dela part des parents d’enfants, migrants ou réfugiés, sur le niveau de scolaritéde leurs petits. En plus de cela, le Croissant Rouge Algérien offre letrousseau scolaire aux enfants », nous déclare la première responsable du CRA.Et d’ajouter : « depuis l’instauration de cette démarche, beaucoup d’enfantssyriens ont été inscris dans les établissements publics, et que certains ontmême réussi leurs examens de fin de cycle »
Pour MmeBenhabyles, « le problème se pose pour les subsahariens à cause de leurmobilité ». Dans ce cadre, elle a précisé que « les centres d’accueils sontouverts, car l’Algérie respecte la liberté de mouvement des populations »
De son coté,Sofia Torche, coordinatrice générale de Médecins du Monde, mission Algérie, lascolarisation des enfants de réfugiés « n’est pas une mince affaire ». Card’après elle, les établissements scolaires exigent des parents des extraits denaissance. « Outre la déclaration sur l’honneur, les parents doivent fournirdes photos d’identités et des extraits de naissance. Ce dernier pose problèmepour beaucoup de familles surtout celles dont les enfants sont nés sur le solalgérien», précise Mme, Torche, tout en admettant que la procédure « n’est pascompliquée ». Selon la coordinatrice, la scolarisation des enfants estpossible, mais les obstacles liés à la langue et à l’évaluation des niveauxscolaires constituant de sérieux handicaps pour les enfants anglophones. « Lascolarisation des plus jeunes se passe mieux que pour les autres, car il esttrès difficile pour des enfants qui ont suivi un cursus francophone ouanglophone de s’adapter au programme arabophone », a-t-elle encore soulignéavant d’expliquer qu’en raison « de la difficulté de la langue, plusieursenfants se trouvent sous classés au-delà de l’incompréhension que cela peutgénérer à l’école ».
Pour Mme Torche, « cette situation pousseplusieurs parents à interrompre la scolarisation de leurs enfants » avantd’ajouter que le « mouvement migratoire des parents ne facilite pas égalementle suivi de la scolarisation des enfants ».
Mais quoi qu’il en soit, malgré les obstaclesauxquels font face les enfants, leur scolarisation a pu se faire grâce auxefforts fournis par le réseau NADA en partenariat avec le Haut-Commissariat desNations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) et le Ministère de l’Educationnationale.
Tout un programme d’intégration
Le réseau NADAet le UNHCR se battent depuis 2009 pour la protection et la promotion desdroits des enfants, adolescents et jeunes réfugiés en mettant en place unprogramme d’accompagnement des enfants réfugiés en Algérie. Selon lacoordinatrice du projet, Amani Madani, « le programme a pour objectifd’améliorer les conditions de vie de ces enfants et d’assurer un accès dequalité à l’éducation, à la formation et à la protection sociale et juridiqueet ce en étroite collaboration avec le Ministère de l’Education nationale, lesétablissements scolaires et les centres de formation professionnelle ».
« Grace à ceprogramme, 21 enfants réfugiés etdemandeurs d’asile de diverses nationalités ont pu être scolarisé et 15 autresont bénéficié d’une formation professionnelle », a attesté Mme. Madani qui tireun bilan plutôt positif du dispositif mis en place.
En plus de la scolarisation, le programmeambitionne à améliorer les performances scolaires des enfants réfugiés, la prise en charge des enfants âgées entre 3et 5 ans dans les structures d’accueils de la petite enfance ainsi que lasensibilisation et l’information de l’opinion publique sur les droits d’asileet l’insertion sociale des enfants et jeunes réfugiés.
A cet effet, le réseau NADA a organisé, lesamedi 12 mai dernier à Tipaza une rencontre conviviale entre des famillesalgériennes et des familles des réfugiés subsahariens, à l’occasion de lajournée Mondiale de la diversité culturelle sous le slogan « du vivre ensemble»
Une occasionpour chaque communauté de faire connaître ses traditions us et coutumes etfaciliter la compréhension et l’acceptation de l’autre. C’est une opportunité àsaluer et à encourager afin de permettre une meilleure intégration des réfugiésdans la société algérienne connue pour ses traditions d’accueils etd’hospitalité de par le monde.
Djazia Safta