« Nous pensons que c’est le peuple syrien qui doit décider de l’avenir de son pays, et il n’y a pas d’autre alternative ». C’est sans doute la phrase qui devrait régir toutes les rencontres destinées a régler le conflit syrien. Dans une énième concertation tripartite, qui a réuni le jeudi 14 février à Sotchi, les présidents russe, turc et iranien, toujours en l’absence des responsables syriens, le Président Vladimir Poutine a tenu à la rappeler. Tout en admettant être confiant que « la crise sera résolue par le processus politique et les négociations».
Outre cette note optimiste, il lui fallait mettre les points sur les i, en s’adressant tout particulièrement son homologue turc. Et pour cause: les deux thèmes qui étaient au menu de la rencontre touchent la Turquie, plus que quiconque d’autre: le retrait des troupes américaines de Syrie annoncé par Donald Trump le 19 décembre du nord-est syrien frontalier avec elle, et le sort de la province d’Idleb, où elle est la seule à entretenir des liens avec les groupes terroristes.
Soupçons sur le retrait américain… et condition à Ankara
S’agissant du premier, le numéro un russe a réitéré ses soupçons. Tout en estimant que, «la réalisation de cette étape serait un point positif qui aiderait à stabiliser la situation dans la région », il a dit appréhender un complot américain à l’est de l’Euphrate, compte tenu de l’ambiguïté qui accompagne cette décision de retrait. Là-dessus, Recep Tayyep Erdogan a semblé être d’accord avec lui.
Mais pas tant que ça lorsqu’il va stipuler sa condition: en cas de retrait, la Turquie n’avait pas le droit de rétablir une zone tampon en Syrie sans l’aval de Damas et le feu vert du président syrien .
M. Poutine déboutait de la sorte la demande formulée par Erdogan, avant son arrivée à une réunion bilatérale avec lui. Il avait souhaité devant les journalistes obtenir la permission de Moscou pour coordonner la création d’une zone sécurisée dans le nord de la Syrie.
Dans ce dossier, le sujet qui tient le plus au cœur du dirigeant turc, est celui des combattants kurdes, qui devraient d’après lui quitter le nord-est de la Syrie, faute de quoi «l’intégrité territoriale de la Syrie ne pourra pas être assurée et la région rendue à ses vrais propriétaires» tant qu’ils seront dans la région.
Idleb: la présence des groupes terroristes ne peut être tolérée
La situation dans la province d’Idleb a nécessité elle aussi que le numéro un russe lui mettre les points sur les i : le maintien du cessez-le-feu «ne veut pas dire que nous devons tolérer la présence de groupes terroristes à Idleb», a-t-il objecté.
Selon lui, il faut étudier «les mesures concrètes que la Russie, la Turquie et l’Iran pourraient prendre ensemble pour éliminer définitivement ce foyer terroriste», soulignant la nécessité de s’entendre sur ces mesures pour assurer une «désescalade définitive» à Idleb.
M. Poutine désignait par « foyer terroriste » la coalition jihadiste takfiriste Hayat Tahrir al-Cham qui a conquis la totalité de la province, sous les yeux de la Turquie qui l’a laissé faire. Alors qu’il était convenu d’y instaurer une «zone démilitarisée de 15 à 20 kilomètres de large», au terme d’un accord conclu avec Moscou le mois de septembre dernier.
La réponse d’Erdogan a été qu’il ne veut pas «que de nouvelles crises humanitaires et de nouvelles catastrophes surviennent à Idleb ou ailleurs en Syrie». Il a fait état de d’un accord avec Moscou sur des «patrouilles communes» afin de contenir les «groupes radicaux» dans la province d’Idleb, sans donner plus de détails.
Dans les propos du chef de l’Etat turc, il en ressort deux impératifs: « le régime devrait respecter le cessez-le-feu conclu », à Idleb et ailleurs, et la nécessité de former au plus vite la commission constitutionnelle, chargée de rédiger la nouvelle constitution, comme « introduction à la stabilité en Syrie».
Pour les observateurs, ils ont pressenti des efforts assidus déployés pour lancer le dialogue entre Damas et Ankara, coupé depuis le début de la crise syrienne, lorsque la Turquie a soutenu les groupes qualifiés de terroristes par le pouvoir syrien.
« Il a été convenu que les accords et les lois internationales régiront les relations entre la Turquie et la Syrie », a révélé le correspondant de la télévision libanaise al-Mayadeen Tv, qui était sur place.(Agences)