Algérie 1

Icon Collap
...

Réduire de 30 milliards de dollars les importations (Bouchouareb) est irréaliste

14-07-2016 16:48  Contribution

« Même avec un baril à 10 dollars l’Algérie peut s’en sortir » déclaration du ministre de l’Industrie, Abdesslam Bouchouareb, en visite d’inspection, le 31 août 2015, sur le site du chantier du complexe sidérurgique de Bellara à Jijel….. « L'Algérie peut réduire ses importations de près de 30 milliards de dollars en quatre ans, notamment à la faveur de nouveaux projets liés au ciment, aux mines et aux véhicules », le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, le 13 juillet 2016

Alors que les dernières orientations du président de la république sont claires, et que les discours de vérité récemment à Tiaret du Premier ministre, du Ministre de l’intérieur lors de la réunion des Walis, du Ministre de l’Energie et du PDG de Sonatrach ont été salués même par les plus sceptiques, voilà que le ministre de l’industrie, affirme sans retenue et sans analyse préalable, contredisant le président de la république et le premier ministre, que même avec un baril de 10 dollars l’Algérie pouvait s’en sortir ( 31 août 2015) et récemment le 13 juillet 2016, je le cite « l'Algérie peut réduire ses importations de près de 30 milliards de dollars en quatre ans, notamment à la faveur de nouveaux projets liés au ciment, aux mines et aux véhicules ». Or bon nombre d’observateurs, après analyse, ont montré chiffres à l’appui qu’un pays qui repose son développement sur les matières premières a peu d’avenir, et que les nouvelles technologies de construction au niveau mondial sont apparues avec des économies d’énergie, de ciment à béton, que les micros unités de voitures, à usage local, auront un impact limité sur la balance commerciale, devant gonfler la rubrique importation d'accessoires et de matières premières à terme avec un très faible taux d'intégration (plus de 17 milliards de dollars en 2015) et avec le dérapage accéléré du dinar posant la problématique de leur rentabilité à terme, les normes internationales étant de 100.000 unités minimum.

1.-Contrairement aux discours du ministre, ne parlant pas des institutions internationales ( voir les rapports 2016 du Word Economic Forum, de la Banque mondiale la dégradation de la note de la Coface ect…que j’ai analysés dans www.algerie1.com ) qui connaissent parfaitement la situation du pays, le peuple algérien, n’étant pas économiste mais confronté à la dure réalité quotidienne, est conscient de la gravité de la situation et est prêt à se mobiliser, à se sacrifier pour les intérêts supérieurs du pays, ne voulant pas renouveler l’expérience des impacts négatifs de 1986. Les discours irréalistes ne portent plus et discréditent ceux qui les colportent. Le ministre vit-il en Algérie et connait-il réellement la situation réelle du pays et les futures tendances énergétiques mondiales où l’Algérie est tributaire du cours des hydrocarbures avec les dérivées à 97/98%. La visite le 13 juillet 2016 du représentant du FMI qui affirme que pendant encore longtemps le baril tournera autour des 50 dollars. Selon les prévisions du FMI publiées le 25 avril 2016 dans son rapport sur les perspectives de croissance dans la région Moyen Orient-Afrique du Nord-Afghanistan-Pakistan (MOANAP), le Produit intérieur brut nominal de l’Algérie (PIB) devrait s’établir à 166 milliards de dollars (mds usd) en 2016 contre 172,3 mds usd en 2015 avec une croissance du taux de chômage. En 2016, les exportations devraient enregistrer une baisse à 27,7 mds usd contre 38,4 mds usd en 2015, mais devraient progresser en 2017 à 32,3 mds usd. Pour avoir un équilibre budgétaire toujours selon le FMI, l’Algérie aura besoin, en 2016, d’un prix de pétrole de 87,6 dollars/baril contre 109,8 dollars/baril en 2015. Le déficit budgétaire devrait s’élever à 15% du PIB en 2016 (contre 15,9% en 2015) et pourrait se réduire à 11,8% en 2017. Les importations en 2016 sont estimées à 57,5 mds usd contre 63,7 mds usd en 2015, et devrait atteindre en 2017 à 61,3 mds usd existant donc une contradiction puisque le FMI qui souligne une réduction du déficit budgétaire. Le déficit de la balance des comptes courants atteindra -28,3 mds usd en 2016 contre -27 mds usd en 2015. Et – 28,2 mds usd en 2017. Les réserves officielles de l’Algérie devraient reculer sous l’effet de la chute des prix de pétrole à 113,3 mds usd en 2016 en couvrant 22,2 mois d’importations, contre 142,6 mds usd en 2015 et poursuivront leur contraction à 92,3 mds usd en 2017.

2.- Tenons nous en aux données officielles du gouvernement. Je rappelle au Ministre de l’Industrie les statistiques douanières du 20 juin 2016, où le déficit commercial de l’Algérie a atteint 9,8 milliards de dollars sur les cinq premiers mois de l’année 2016 contre un déficit de 7,23 milliards à la même période de 2015, soit une hausse du déficit de 35,5%. Le taux de couverture des importations par les exportations est passé entre 2015 et 2016 pour les cinq premiers mois de 68% à 50%. Les exportations ont se sont établies à 9,82 milliards de dollars contre 15,39 milliards sur la même période de 2015, soit une baisse de 36,2%, qui pourrait donner une moyenne annuelle au même rythme à 24 milliards de dollars fin 2016. Les importations de biens non compris les services se sont établies à 19,62 milliards de dollars contre 22,62 milliards à la même période de 2015 (-13,26%), qui pourrait donner au même rythme fin 2016 environ 48 milliards de dollars donnant un déficit de la balance commerciale non compris les services fin 2016 de 24 milliards de dollars. Comme la valeur des services a été de 2010/2015 entre 10,5 et 12 milliards de dollars annuellement(les exportations de services étant nulles) , le déficit de la balance des paiement fin et pourrait s’établir entre 34 et 36 milliards de dollars.. Cette situation prolonge la tendance 2015 puisque selon les statistiques douanières. L’Algérie pour 2015 accuse un déficit de 13,7 milliards de dollars US (Mds US) en 2015 en raison de la baisse des cours des hydrocarbures et le taux de couverture des importations par les exportations s’ était réduit de 73% contre 107% en 2014. Pour l’année 2016, ce fonds sera sollicité pour couvrir le déficit budgétaire, même si on accélère le dérapage du dinar pour le gonfler artificiellement, le fonds risquant de s’épuiser début 2017. Quant au réserves de change établies fin mai 2016 à 135 milliards de dollars le 01 juin 2016, ils donnent un répit de trois ans maximum au vu du déficit de la balance des paiements, ne pouvant réduire à l’infini les importations, le tissu productif étant insignifiant. Il s’ensuit un impact négatif sur la sphère réelle (taux de croissance, inflation, chômage). Selon l’ONS, 83% de la superficie économique est constituée de petits commerce/services. Le secteur industriel représente moins de 5% du PIB et sur ces 5% 95% sont des PMI/PME peu initiées au management et à l’innovation, alors que s’impose des innovations technologiques impliquant un investissement massif dans la recherche développement, le capital argent n’étant qu’un moyen ne créant pas de richesses. Le problème qui se pose, avec la baisse des recettes de Sonatrach, le gouvernement pourrait-il continuer dans sa politique de subventions généralisées et non ciblées ? Outre le risque de tensions au niveau des caisses de retraite, la demande d’emplois entre 300.00/350.000 par an nécessite un taux de croissance en terme réel (devant raisonner à prix constants et jamais à prix courants) de 8/9% pendant 5 à 10 ans pour réduire les tensions sociales. Comme conséquence de la baisse des recettes de Sonatrach, la dynamisation des sections hors rente, il ne faut pas être utopique, ne le sera pas avant 2020/2025, si les réformes sont entamées en 2016. Quitte à me répéter, je rappelle aussi au ministre de l'industrie et des mines que 97% des ressources sen devises , y compris les dérivées , sont le fait d’hydrocarbures à l’état brut et semi brut, que 70% des besoins des ménages et des entreprises dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% sont importés, que 83% de la superficie économique est dominée par le petit commerce/services et que la sphère informelle marchande dominante contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation tissant des liens dialectiques avec la logique rentière.

3.-L’Algérie étant Sonatrach et Sonatrach l’Algérie, je rappelle au Ministre de l’industrie et des Mines le contenu des derniers rapports de SONATACH 2015/2016. La production de Sonatrach en hydrocarbures primaires s'est établie à 191 millions de TEP tous produits confondus en 2015, soit une baisse de 4,2 millions de TEP par rapport à 2014 selon Sonatrach . Cette légère baisse, prévue dans les plans 2013 et 2014, s'explique par "l'effet combiné du glissement de certains projets avec le déclin naturel de certains gisements matures. Toujours selon Sonatrach, la production de 2015 aurait été de 192,5 millions de TEP. Par catégorie d'hydrocarbures, la production primaire de pétrole brut a été de 49 millions de tonnes en 2015 alors que la prévision tablait sur un volume de 50,4 millions de tonnes (97% de l'objectif). Concernant la production primaire de gaz naturel en 2015, elle a dépassé de 2,14 milliards m3 l'objectif de production en effort propre. Ce qui a permis de compenser un manque de production primaire réalisée en association avec les compagnies étrangères, qui est de l'ordre de 2,39 milliards m3, dû principalement aux reports à 2016 de la mise en service du projet de compression d'In Amenas et de la mise en service des gisements sud d'In Salah phase 2. Par ailleurs, l'année 2015 a permis de confirmer le retour attendu des GPL avec une production de 8,4 millions de tonnes alors que l'objectif était de 8,2 millions de tonnes. Le segment raffinage a connu une production de 29,3 millions de tonnes de produits raffinés pour une prévision de 27,7 millions de tonnes ce qui a permis de réduire d'autant les importations. Quant aux complexes de liquéfaction de gaz naturel, elles ont produit 26,8 millions m3 de GNL en 2015 pour une prévision de 27 millions m3. Cet écart s'explique par des arrêts techniques consécutifs à la mise en service du nouveau complexe GL3Z. Par ailleurs, les ventes de la Sonatrach, sur les marchés interne et externe, ont été en 2015 légèrement supérieures aux objectifs: 53,5 millions de TEP ont été vendus sur le marché national tandis que 98,1 millions de TEP ont été exportés. Le groupe Sonatrach table sur une augmentation de 10% de ses exportations en hydrocarbures en 2016. Mais avec des prix moyens de pétrole qui ont reculé pour passer de 99,41 dollars en 2014 à 52,13 dollars en 2015, le chiffre d'affaires à l'exportation de la Sonatrach a baissé à 33,19 milliards de dollars en 2015 contre 58,45 milliards de dollars en 2014 (-43%). Par contre, le chiffre d'affaires sur le marché national, incluant la revente de produits pétroliers importés, à été de 297 milliards DA en 2015, en hausse de 4,46% par rapport à 2014. Cette augmentation résulte de l'augmentation de la consommation nationale de gaz naturel et des carburants. La fiscalité versée à l'Etat par Sonatrach a été de 2.204 milliards DA en 2015. Au premier trimestre 2016 par rapport au même trimestre 2015, la production du secteur des hydrocarbures selon Sonatrach a affiché une hausse de 3,3% où sur les trois premiers mois de 2016 a été notamment tirée par l'activité de liquéfaction de gaz naturel qui a enregistré une croissance de 21,5% comparativement au 1er trimestre 2015.

4.-Je rappelle au Ministre de l’Industrie, que selon la banque mondiale, le FMI et l’OPEP, entre le budget de fonctionnement et d’équipement l’Algérie a fonctionné entre 2013/2014 sur la base d’un cours de 115/120 dollars le baril. et en 2015 entre 85/90 dollars. Or, les recettes de Sonatrach selon la LFC 2015 à un cours de 60 dollars seraient de 34 milliards de dollars donnant un profit net déduit des charges de 26 milliards de dollars, à 40 dollars nous Ayant passé plus de 30 ans de ma vie dans le secteur énergie et de l’Industrie , n’étant pas un théoricien, connaissant parfaitement le secteur de l’intérieur , il ne faut pas être un grand sorcier il sera impossible de fonctionner à 10 dollars le baril, réduire les importations de 30 milliards de dollars durant les trois /quatre prochaine années quitte à provoquer la fermeture de toutes les unités productives et à provoquer une révolution sociale. Je recommande à Mr le ministre de l’industrie et des mines d’écouter mon interview donnée à Radio France Internationale le 20 décembre 2014 «ce que l’Algérie doit faire pour éviter la crise» qui faisait suite au débat pendant une heure à RFI -Paris - le 24 octobre 2014 que j’ai eu avec mon ami le professeur Antoine Halff ancien économiste en chef au secrétariat d’Etat à l’Energie US et actuellement directeur général de la prospective à l’AIE pour se faire une idée sur les nouvelles mutations économiques et énergétiques mondiales et agir en conséquence en concertation avec ses collègues, l’ère de la matérialité, vision mécanique du développement, étant dépassée. L’on devra éviter tant l’illusion organisationnelle sans objectifs stratégiques (combien d’organisations et de codes d’investissement depuis l’indépendance politique) que monétaire. Car le dinar est passé de 4 dinars un dollar vers les années 1975 à 16 dinars un dollar avant la dévaluation de 1994, 45 dinars un dollar après la dévaluation et actuellement 109 dinars un dollar en juin 2016 avec un discours de vérité et une nette volonté politique de réformes structurelles. L’on devra éviter tant l’illusion organisationnelle sans objectifs stratégiques (combien d’organisations et de codes d’investissement depuis l’indépendance politique) que monétaires. Le défi est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires de dynamiser le tissu productif, entreprises publiques et privées locales et internationales créatrices de valeur ajoutée interne , devant se fonder sur l’entreprise créatrice de richesses et l’économie de la connaissance. Ce genre de discours démobilisateurs, nous rappelle ceux des dirigeants en 1986 avec les conséquences dramatiques que l’on connait. D’une manière générale chaque ministre en cette situation difficile doit réfléchir avant de faire des déclarations hâtives émotionnelles, d’où l’urgence d’une cohérence gouvernementale sans faille et d’un porte-parole officiel du gouvernement.

5.-En résumé, évitons de vendre des rêves et soyons seulement réaliste. Le Ministre doit nous expliquer concrètement et par quel magie , comment il compte réduire de 30 milliards de dollars la rubrique importations. Certes, durant cette période, en raison de ses disponibilités financières, l’Algérie n’a pas besoin de recourir au FMI et c’est la vérité de la Palice. Mais pour l’éviter à terme et surmonter la situation actuelle, l’Algérie a besoin d’une vision stratégique, de cohérence, de visibilité, d’un discours de vérité et de leadership. Les ajustements économiques et sociaux à venir seront douloureux, impliquant un comité de crise indépendant, un discours de vérité, une moralité sans faille de ceux qui dirigent la Cité, devant tenir compte de toutes les sensibilités. Un large front national de toutes les Algériennes et les Algériens s’impose. L’Algérie doit profiter de sa relative aisance financière, dette extérieure très faible et bien utiliser ses réserves de change en transformant cette richesse virtuelle en richesses réelles, de libérer toutes les énergies créatrices, et donc de réaliser la transition difficile vers une économie hors hydrocarbures dont le sous segment la transition énergétique le cadre des valeurs internationales. Ayons une vison positive pour l’avenir par un discours de vérité afin de mobilier la population. L’Algérie à la différence de 1986, avec une dette extérieure faible et des réserves de change peut surmonter la baisse du cours du pétrole qui sera de longue durée au vu des nouvelles mutations énergétiques mondiales, pour peu que l‘on ait une gouvernance centrale et locale rénovée et une nouvelle vision du développement économique et social. Le cas contraire, le fonds de régulation des recettes s’épuisera courant 2017 et les réserves de change à horizon 2018/2019. Aucun patriote algérien ne souhaite l’expérience de 1994, du retour au FMI (Fonds monétaire international). Dès lors sans préjuger des incidences politiques, et géostratégiques au niveau de la région, les conditionnalités seront posées au préalable avant tout prêt avec une dévaluation importante du dinar, une paupérisation de la population et une perte de souveraineté de l’Algérie.

Professeur Abderrahmane MEBTOUL Expert International, professeur des Universités

[email protected]

(1)- Voir- nos différents interviews par un discours loin de toute sinistrose - entre janvier 2015 et 10 juillet 2016 à TV Ennahar – TV Chorouk- TV El Bilad - TV Dzair afin de sensibiliser la population algérienne qui a surtout une culture orale (disponibles sur google.com et Youtube )



Voir tous les articles de la catégorie "Economie"