La condamnation jeudi de l'islamologue Said Djabelkhir à la peine de 3 ans de prison ferme, pour "offense aux préceptes de l’islam et aux rites musulmans", a suscité une vague d'indignations parmi les organisations de défense des droits de l'hommes, des partis et des personnalités politiques. La presse internationale et les agences de presse internationales ont rapporté largement cette information sur la lourde condamnation de l'intellectuel spécialiste du soufisme.
Pour l'organisation non gouvernementale Amnesty International (AI), "il est scandaleux que Said Djabelkhir soit condamné à trois ans de prison simplement pour avoir exprimé son opinion sur des textes religieux. Les tribunaux n’ont pas à juger les croyances et les opinions religieuses des individus".
"La condamnation de Djabelkhir doit être annulée immédiatement. Toute disposition du code pénal algérien qui criminalise le droit à la liberté d’expression, d’opinion ou de croyance doit être abrogée de toute urgence", souligne AI dans un communiqué publié sur son site web.
De son côté, la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), a qualifié cette jugement de "scandaleux" sans manquer de dénoncer "la criminalisation des idées, du débat et de la recherche académique pourtant garanties par la Constitution".
La LADDH appelle au "respect des libertés de recherche académique, d’expression et d’opinion", elle rappelle au gouvernement "le respect de ses obligations contenues dans les conventions internationales ratifiées par l’Algérie dont le pacte international des droits civils et politiques".
Pour sa part, le porte-parole du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Athmane Mazouz, a posté sur Facebook que "le chercheur-islamologue, Saïd Djabelkheir, vient d’être condamné à trois ans de prison fermes" et que "dans l’Algérie nouvelle du pouvoir de fait, les idées et les opinions doivent être, aussi, otages du système et de sa justice aux ordres. Notre solidarité doit être aussi ferme et agissante contre les nouveaux inquisiteurs de l’ordre rétrograde".
Le Parti des Travailleurs a qualifie le verdict rendu par le tribunal de Sidi M'hamed (Alger) d' une "criminalisation de la recherche scientifique et de la liberté de penser" et réclame que "toutes les poursuites et accusations portées contre l’islamologue soient abandonnées".
Pour sa part, le sociologue Lahouari Addi, dans une longue déclaration sur sa page Facebook, écrit que "Said Djabelkhir est un chercheur qui pratique ce qu'on appelle dans la tradition musulmane al ijtihad. La définition de l'ijtihad est effort d'interprétation. Sur la base de ses recherches, il avance des interprétations de certains versets qui sont différentes de celles enseignées par la théologie classique. Les résultats de l'ijtihad ne font jamais l'unanimité. On peut être pour comme on peut être contre. C'est le temps qui finit par infirmer ou confirmer les résultats du moujtahid et non le tribunal. Ce dernier est jugé par l'opinion publique elle-même hétérogène. Les uns seront d'accord avec lui, d'autres s'opposeront à lui et d'autres encore seront indifférents. Le tribunal, c'est-à-dire, l'Etat n'a rien à voir dans ces controverses.
L'universitaire qui a porté plainte contre Said Djabelkhir aurait dû l'inviter à l'université de Sidi Bel Abbès pour un échange contradictoire devant la communauté universitaire. S'il faut réfuter Said Djabelkhir, c'est par le débat académique et non par le tribunal. La liberté académique et la liberté de conscience sont en dehors des domaines du tribunal que l'Etat charge de protéger l'ordre public et la liberté des citoyens. Said Djabelkhir n'a porté atteinte ni à l'ordre public ni à la liberté de celui qui a porté plainte contre lui.