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Rapport du Ministère des finances : d’inévitables tensions budgétaires 2017/2020 et urgence d’une transition économique, sociale et énergétique

21-09-2016 12:56  Contribution

Avec un déficit du trésor durant les six premiers mois de 2016 de 16,19 milliards de dollars, cours du dollar actuel, correspondant à 70% du déficit prévisionnel pour l’année 2016, l’Algérie va vers d’inévitables tensions budgétaires avec des incidences inflationnistes si le cours du baril est inférieur à 60/70 dollars. Le fonds de régulation des recettes devrait s’épuiser fin 2016. Il y a urgence de revoir tant la politique économique que le modèle social et énergétique actuel , devant concilier efficacité économique et justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme

Le fonds de régulation des recettes, ,moyenne annuelle du cours, du marché le prix de cession du gaz représentant environ 33% des recettes en devises, étant indexé sur celui du pétrole, et 37 dollars, selon les données du Ministère des finances, le reliquat après prélèvement du fonds de régulation des recettes a été de 5633,752 milliards de dinars en 2012, 5563,512 en 2013, 4408,465 milliards de dinars 2014, 2 072,5 milliards de dinars à fin 2015 et la loi de finances 2016 prévoyait un montant de 1.797 milliards de dinars à fin 2016 au cours de 50 dollars le baril, avec un solde global du Trésor déficitaire de 2.452 mds DA. Mais beaucoup plus si l’on s’en tient aux dernières tendances des six premiers mois de 2016 selon les données du Ministère des finances en date du 20 septembre 2016. Avec des dépenses de fonctionnement de 2.527,76 mds DA et d'équipement de 1.572,52 mds DA à la fin du 1er semestre 2016, avec des recettes en forte baisse, la fiscalité pétrolière recouvrée entre janvier et fin juin 2016, s’ étant établie à 883,13 mds DA-contre 1.255 mds sur la même période de 2015- baisse de 30%-, le déficit réel du Trésor s’est établi, durant les 6 premiers mois de 2016, à près de 1 770 milliards de dinars soit au cours du 20 septembre 2016 de 109,36 dinars un dollar 16,19 milliards de dollars. A ce rythme le déficit du trésor dépasserait fin 2016 les 30 milliards de dollars. Car uniquement pour les six premier mois, ce montant correspond à 70% du déficit prévisionnel pour l’année 2016. Ce déficit semestriel a été financé par le Fonds de régulation des recettes (FRR), avec un prélèvement de 1 333,84 milliards, près de 76% du déficit enregistré. Or, le seuil légal minimum est de 740 milliards de dinars. Selon l’APS citant le Ministère des finances, , le déficit du Trésor à fin juin 2016 a été couvert par des financements bancaires (21 mds DA) et non bancaires (98,4 mds DA) et par l’emprunt obligataire. Or, comme je l’avais annoncé dans une contribution parue sur le site www.algerie1.com et dans plusieurs interviews télévisés ( Ennahar TV et Chourok TV), l’ emprunt obligataire, au moment ou certains soi disant experts parlaient de réussite, a eu un impact mitigé puisqu’il n’ a couvert qu’environ 18% du déficit du Trésor. Bien plus, il , encore qu’il a contribué à assécher les liquidités bancaires avec des actes spéculatifs , pour bénéficier du taux de 5 à 5,75% au lieu de 2% des banques , ayant donc concerné surtout le capital argent de la sphère réelle alors que l‘objectif était de drainer celui de la sphère informelle qui faute de confiance en la valeur du dinar ne s’est pas bousculé aux portes, ce qui pourrait pousser la banque d’Algérie à l’émission monétaire accentuant le processus inflationniste avec l’accroissement du déficit budgétaire. . La loi de finances 2016 prévoyait un déficit de 2 542 milliards de dinars, ce qui risque d’être plus important avec la baisse des recettes budgétaires qui ont été de de 2 316 milliards de dinars durant le premier semestre de l’année 2016, contre une prévision annuelle de la LF 2016 de 4 747,43 milliards de dinars et des dépenses budgétaires qui se sont établies à 4 100 milliards de dinars durant le premier semestre 2016 contre une prévision annuelle de la loi de finances 2016 de 7 984 milliards de dinars. En réalité, le déficit budgétaire est plus important, le calcul en dinars dévalués tant par rapport à l’euro que du dollar pour estimer le montant du Fonds voile l’importance du déficit budgétaire, biaisant les comptes publics. En dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures, et par rapport à l’euro de la fiscalité ordinaire. Les besoins des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% sont importés, les taxes douanières se calculant sur la partie en dinars, avec une amplification (cascade de taxes en plus des marges de profit) sur les prix des équipements, matières premières et produits finis importés. Cette dévaluation accélère l’inflation intérieure que l’on essaie d’atténuer par les subventions généralisées, source de gaspillage et d’injustice sociale. Du fait de l’importance du déficit budgétaire au rythme de la dépense actuelle, risque de fondre fin 2016. L’inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis-à-vis du dinar où le cours officiel se trouve déconnecté par rapport au cours du marché parallèle se cotant en ce mois septembre 2016 à plus de 180 dinars un euro. Ce dérapage du dinar tant sur le marché officiel que sur le marché parallèle ( qui sera encore déprécié avec la décision d’importer des voitures de moins de trois ans) accélère le processus inflationniste. Ainsi selon l’Office national des statistiques (ONS) nous avons une hausse des prix à la consommation de 8,1% sur la période allant d’août 2015 à juillet 2016, soit près du double de ce que prévoyait le gouvernement pour 2016. Avec une détérioration du pouvoir d’achat du dinar approchant le taux de 2012 qui faisait suite aux augmentations salariales dans la Fonction publique qui avaient ont entraîné une hausse des prix de 8,9%. Si ce taux persiste, il sera impossible aux banques de continuer à donner des taux d’intérêts bonifiés, quitte à aller vers la faillite , le taux d’intérêt dans toute économie étant supérieur au taux d’inflation avec des incidences sur l’investissement.

2.-Qu’en est-il de l’évolution des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar 70% avec la polémique récente entre la banque mondiale qui prévoit 60 milliards de dollars courant 2018 et la banque d’Algérie ? Les réserves de l’Algérie ont été estimées à 56 milliards de dollars en 2005, 77,78 milliards en 2006, 110 milliards en 2007 à 138,35 milliards de dollars en 2008, à 147,2 milliards en 2009, à 157 milliards de dollars fin 2010 , 2011 avec 188,8 milliards de dollars en 2011, 190, 66 en 2012, 194 milliards de dollars en 2013, 179,9 milliards de dollars en 2014, 152 milliards de dollars fin 2015, et selon le rapport du FMI d’avril 2016,113,3 mds usd en 2016 ( couvrant 22,2 mois d’importation) , la banque d’Algérie donnant un montant d’environ 120 milliards de dollars .Selon le FMI, pour avoir un équilibre budgétaire l’Algérie aura besoin, en 2016, d’un prix de pétrole de 87,6 dollars/baril contre 109,8 dollars/baril en 2015. Avec la tendance à la diminution des réserves de change, la banque d’Algérie sera contrainte de continuer à dévaluer le dinar et il sera impossible de continuer à verser des salaires sans contreparties productives, et consacrer le montant faramineux de subventions et transferts sociaux, non ciblés qui ne s’adressent pas essentiellement aux plus démunis, représentant 27/28% du PIB quitte à conduire le pays au suicide collectif. Aussi, il s’agit d’éviter de fausses solutions à des problèmes mal posés en s’attaquant aux apparences et non à l’essence. L’Algérie avec l’amenuisement de ses recettes d’hydrocarbures peut-elle continuer à dépenser sans compter ? Toutefois évitons la sinistrose. La situation est différente de la crise de 1986 avec le niveau relativement élevé des réserves officielles de change, bien qu’en baisse et le niveau historiquement bas de la dette extérieure pouvant surmonter les «chocs» externes, mais transitoirement , sous réserve d’une nouvelle gouvernance centrale et locale et d’une réorientation urgente de toute la politique socio-économique actuelle.. Cinq solutions urgentes dont trois à court terme et deux à moyen et long terme pour éviter l’épuisement des réserves de change horizon 2019/2020 et donc le retour au FMI.

- une plus grande rigueur budgétaire ciblée, la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale- revoir la politique des subventions généralisées destinées qu’aux couches les plus défavorisées et mieux cibler les intérêts bonifiés- aller vers un endettement extérieur ciblé à moyen et long terme, atténuant l’épuisement des réserves de change, qui s’adresse qu’aux projets productifs concurrentiels, tout en assouplissant la règle des 49/51%- déterminer concrètement les segments de filières à avantage comparatif, distinguant le marché intérieur et le marché extérieur, tenant compte de la quatrième révolution économique qui peuvent dynamiser la croissance ,devant toujours dresser les balances technologiques, managériales, et devises en dynamique et non en statique, étant une utopie de se reposer sur l’ancienne vision mécanique largement dépassée.- et comme finalité avoir une vision stratégique dans le cadre des nouvelles mutations mondiales, passant par de profondes réformes structurelles, dont les effets ne se feront sentir positivement que vers 2020/2025 si les réformes sont entames en 2016, le temps ne se rattrapant jamais en économie.

3.-En résumé, l’Algérie qui a d'importantes potentialités pour relever les défis de la crise, ne doit plus vivre sur l’illusion de la rente éternelle et déterminer dès maintenant sa transition énergétique, économique et sociale pour des raisons de sécurité nationale. Elle doit impérativement redéfinir son modèle social, conciliant efficacité économique et justice sociale, qui n’est pas l’antinomie de l’efficacité. C’est fini contrairement à certaines supputations hasardeuses, raisonnant sur un modèle de consommation énergétique linéaire, le cours entre 80/90 dollars le baril. L’Algérie a besoin en ces moments difficiles de redonner confiance à la population algérienne, d'une intermédiation politique et sociale reposant sur de nouveaux réseaux efficaces collant à la société, afin d'éviter l’affrontement direct citoyens et forces de sécurité, d’une autre politique économique et de rassembler tous ses enfants tenant compte de leurs différentes sensibilités, et non de se diviser sur des sujets secondaires. Ce ne sont qu’à ces conditions réalisables que l'on évitera les sombres prévisions pessimistes de la Banque mondiale. Évitons comme le Venezuela de vivre de l’illusion de la rente éternelle, généralisant les emplois improductifs, notamment dans l’administration, continuant à distribuer des revenus sans contreparties productives et des transferts sociaux généralisés et non ciblés. Evitons la sinistrose mais également l’autosatisfaction source de névrose collective. L'histoire depuis des siècles, nous enseigne que l'Algérie a eu à surmonter d'innombrables crises grâce à la mobilisation de sa population supposant une plus grande moralisation de la société. Mais soyons réaliste : sans des objectifs stratégiques précis, le retour à la confiance et la moralité supposant une autre gouvernance reposant sur des institutions réalisant la symbiose Etat-citoyens, et sans de profondes réformes structurelles, micro-économiques et institutionnelles, certes difficiles, car déplaçant d’importants segments de pouvoir assis sur la rente, devant éviter tant l’illusion monétaire, que mécanique, l’Algérie va droit au mur . Je ne saurai trop insister que la solution ne réside ni en le FMI, ni en la Banque mondiale. Le mal est en nous et la guérison dépend avant tout des Algériennes et Algériens et que toute déstabilisation de l’Algérie aurait un impact négatif sur toute la région euro-méditerranéenne et africaine avec des interférences étrangères du fait des nouvelles mutations géostratégiques militaires, sécuritaires et économiques qui se dessinent entre 2017/2020.

Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

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