Par Nourredine Bouteldja (*)
Dans sa pathétique infortune et sa déchéance naissante, l’EN aura révélé un homme au talent immense sur les deux matches joués jusque là en CAN, tant il est vrai que Ramy Bensbaïni, pour ne pas le nommer, a incontestablement époustouflé de sa classe adversaires et partenaires mais dont la performance a été, hélas, noyée dans la médiocrité ambiante chez les verts.
Il ne serait pas futile de souligner que l’actuel sociétaire du Stade Rennais a été sollicité comme une cinquième roue du carrosse pour répondre à un cas de force majeure, la défense algérienne s’apparentant à une passoire ces derniers mois en dépit de quelques alchimies indigentes, tentées par des apprentis sorciers encore ou alors délibérément inoculées.
Dans le propos qui nous intéresse, c’est indubitablement la deuxième alternative qui s’impose au vu de la politique du «Tout professionnel» prônée par un authentique « sénateur en poste » à la tête des affaires du football national voilà maintenant presque deux décennies. Pour être plus concis, force est d’admettre que c’est plutôt à la tête de l’EN, tellement le premier responsable de la chose a marché sur le cadavre d’une discipline cherchant à oxygéner et revivifier un terreau fertile par axiome- quoique l’on puisse dire- pour s’accaparer du onze national, donnant souvent la nette impression d’en faire un bien privé. Le bon petit peuple pour qui l’EN est devenue la seule vraie constante nationale par les temps qui courent est relégué au rang d’indigène auquel on doit montrer la juste voie.
Taillé dans une nature qui ne souffre, à priori, d’aucun débat contradictoire ou jouissant peut-être d’un grand soutien en quelques hauts lieux, le président de la FAF s’enfonce et s’engonce dans une position qui frise la mégalomanie, le despotisme et le népotisme.
Faconde frisant l’insolence par moments, Mohamed Raouraoua n’écoute aucune autre voix- fusse- t-elle autorisée comme celle des authentiques constructeurs de la grande épopée de Gijon- que la sienne.
Pour mener à bien sa stratégie, l’homme s’appuie sur des cercles médiatiques proches et des satellites dont on ne peut jurer qu’ils œuvrent exclusivement pour l’intérêt de l’équipe nationale, des entraîneurs « cools » et une diabolisation du joueur du crû. L’opinion se rappelle avec amertume l’épisode de ce grand lot de joueurs locaux éconduits comme des malpropres lors de la campagne du Mondial 2010 sous la férule de Rabah Saâdane. Tout comme elle se rappelle du cri de révolte de l’immense Halilhodzic, étalé en grosses manchettes sur les colonnes de la presse « Je ne suis pas un mouton !»
Alea Jacta est ?
Le Bosnien allait en payer le prix fort, doucement mais sûrement et pas seulement pour son coup de gueule qui dénonçait implicitement les interférences du président de la FAF dans le domaine proprement technique du onze national.
En effet, et presque à son corps défendant, ce grand stratège de Rio 2014, aura entretemps battu en brèche la politique « raouraouienne » de ne pas compter sur le produit du crû. Et alors que l’EN péchait par une stérilité offensive navrante, Halilhodzic eut le grand mérite de puiser dans la richesse du terroir, occultée à bon escient, pour résoudre définitivement la problématique : en appelant Hilal Soudani et Islam Slimani atteignait le Graal. A postériori, le nec+ultra puisque les deux avants allaient devenir les buteurs patentés et historiques de l’EN !
Il est important de rappeler que durant la campagne 2010, Soudani, avant même de s’expatrier, finissait meilleur goléador de la L1 au sein de sa formation originelle, l’ASO Chlef. Pour sa part, Islam Slimani, percutant mais encore noyé dans l’anonymat, verra d’abord la sagacité de Abdelhak Benchikha plaider pour lui, quand le coach des A’ lui fit appel avant que l’œil avisé de Halihodziz ne le confirme à haut rang. Il fallait le faire et le Bosnien l’a fait ! Pas Saâdane, ni Raouraoua, consigne l’Histoire. Pire, l’EN A’ qui a constitué la rampe de lancement de l’actuelle star de Leicester est tombée en désuétude, Raouraoua se permettant même de la déprogrammer de l’édition de la CHAN précédente.
Une orientation qui trahit encore les desseins inavoués de ne rien offrir au joueur local pour lui permettre d’exploser un talent atavique et qui constitue justement le cauchemar de parvenus de tout bord, grands fossoyeurs du football national. Hélas, Un tel crétinisme est répercuté en amont et en aval même si c’est dans des proportions moindres : quasiment, tous les grands clubs du championnat national ont pris de la graine sur la politique fafienne et privilégient ainsi, la formule «pieds en main» pour les résultats que l’on sait ! On pourrait se perdre en exemples mais l’on résume, pour les plus avertis, par cette interrogation : sur quel profil de joueur pour composer son ossature ,la JSK s’appuyait-elle pour rafler ses titres nationaux et continentaux ?Idem pour le Mouloudia, l’USMA, l’ESS etc.
Mais le plus édifiant encore reste cette référence à l’Histoire tissée d’or du football national pour mieux comprendre le présent en faillite et un futur à tutoyer . On parle ici de l’épopée 82. La composante était à 80% de locaux et 3 à 4 pros venaient en appoint. L’on comprend quelque peu que Mohamed Raouraoua se trouvât à chaque fois échaudé à la moindre évocation de cette équipe culte et dont les faiseurs de décisions tranchantes, plus que les autres, durant cette glorieuse épopée de Gigon avaient pour noms Madjer de Hussein Dey, Belloumi, Belloumile minime -prodige de Tighenif ou encore Assad le Chéragois. Quand on renie sa propre Histoire, l’on ne peut, d’évidence, construire son avenir ! Cette équipe là avait terrassé l’ogre allemand au summum de sa gloire et de sa suprématie. Trente deux ans plus tard, la Mannschaft prenait , certes, sa revanche au Brésil mais non sans avoir été malmenée tactiquement comme elle ne l’a jamais été, au point de perdre son b.a.-ba du football ! A la base d’une telle performance, un maitre tacticien nommé Halihodzic et surtout un meneur d’hommes - dans le sens le plus complet du terme - comme l’EN n’avait plus connu depuis l’ère Méziane Ighil.
Pourtant, à quelques encablures de l’échéance de Rio, le Bosnien avait déjà commencé à subir les crasses d’un employeur allergique à toute posture dans l’ombre. L’on se rappelle bien qu’en stage à Sidi Moussa, Raouraoua osa la pire des lèse- majesté en football en ramenant sur place Christian Gourcuff. Au départ au Brésil, il prit en charge le déplacement du Breton et enfin au retour, il chargea ses relais médiatiques pour achever l’ex coach national en écornant son image arguant que Vahid avait méprisé les algériens au motif de l’argent en refusant l’offre du président de la République de rester à la tête de l’EN. Fieffé mensonge sur le dos d’un homme que les Algériens ont bien senti comme un des leurs en pleurant d’émotion dans la gagne, en gueulant bien fort sur le banc pour défendre l’intérêt du pays et en mâtant surtout ses stars quand elles « voulaient se faire plus grosses que le bœuf » !
En vérité, Halilhodzic avait eu l’élégance de comprendre que même s’il avait la caution et la bénédiction de Bouteflika en personne, il n’y avait plus de place pour lui à côté de Raouraoua.
On revient à Bensbaïni, et pourquoi Bensbaïni ? Ce jeune talent qui s’affirme et confirme, même s’il évolue actuellement au Stade Rennais, est un pur label algérien, bercé et formé et à l’Académie du Paradou AC où d’autres talents regorgent à profusion. Cette Académie n’a jamais fait l’objet du moindre égard de la part de la FAF et semble horripiler son boss. A tel point que sollicitée une fois pour déléguer des arbitres officiels devant officier un tournoi international organisé en Algérie par l’Académie du PAC, il lui fut opposée un niet catégorique ! En parallèle, Raouraoua décide de la saborder en créant sa propre Académie FAF qui n’aura pas fait long feu, preuve, si besoin est, que le projet n’était ni fiable, ni viable. Il en émergea toutefois quelques individualités que le système FAF, incohérent et contradictoire, va vite broyer. Le cas le plus édifiant est celui de Zinedine Ferhat, qui s’est retrouvé banni à vie des rangs de l’EN. La raison ? Il avait zappé un regroupement de l’EN Olympique en raison de négociations avec son nouveau club pro. en France.
Ainsi, on laisse entendre aux pestiférés «d’ici» que pour accéder à l’EN, il faille impérativement jouer «là-bas». Mais quand ils le font, sans assistance de la FAF du reste, on use du bâton. Vous avez dit privatisation de l’EN ?
Aujourd’hui, le drame s’étale en grand au Gabon. Si nous avons échappé à une véritable correction face au sans grade Zimbabwe ( merci encore à MBolhi aux deux éclairs de génie et …à nos amis Zimbabwéens qui ont refusé de jouer en seconde mi temps !) nous avons bu le calice jusque la lie face à une Tunisie dont la cuvée est l’une des plus faibles ces dernières années, ses attaquants n’arrivant même pas à la passe correcte devant. Pire, la veille du match, des échos ont fait état d’une véritable bataille de chiffonniers entre Slimani et Cadamuro. Un cadamuro qui ne se trouve pas la moindre petite place ailleurs mais qui est convoqué au lieu et place d’un Medjani «exécuté» froidement pour se l’avoir ouvert dans une interview ainsi que son compère Feghouli d’ailleurs. Manque de compétition ? Mbolhi a répondu à la question lors du premier match. On achève bien les chevaux ? Il parait que c’est le film culte de Mohamed Raouraoua. Mais un adage bien de chez nous ne souligne-t –il pas que dans certains cas , « Dieu rend expressément aveugle ». Le vrai Dieu, pas « Rab el football ». Raouraoua a trop longtemps joué avec la fibre des algériens, profondément épris de leur équipe nationale et le mal inoculé au football national sur près de 15 ans est incommensurable. Quelque peu, quelque part, la justice divine a fait que la première équipe d’Afrique va sortir au premier tour. Ca fait mal mais parfois le mal est nécessaire dans le sens où il autorise une juste remise en cause des choses et une remise en question des hommes, fussent-ils «r’boub de quelque chose ».
Enfin, nous ne terminons pas cet à propos sans avertir que loin d’enfourcher l’air du temps et suivre la mode qui tourne avec la girouette, nous ne nous livrons point, par là, au tir sur l’ambulance. Grosso modo, cette contribution reprend des termes et des critiques que nous n’avons jamais cessé d’écrire sur journal depuis la campagne du Mondial 2010, convaincus comme nous l’avons toujours été que ce pays si fécond en talents ne peut être frappé de stérilité du jour au lendemain. Il va de soi qu’une telle prise de position nous a attiré, alors, invectives, noms d’oiseaux et un peu glorieux répertoriage dans la catégorie anti nationaliste. Pour l’EN et l’Algérie , nous l’avons assumé. Si le temps nous a donné raison, nous aurions pourtant, tellement aimé, nous être trompés !
(* Ancien journaliste au Soird’Algérie et au Courrier d’Algérie)