Trois rapports viennent d’être publiés en ce mois de juillet 2018 sur les perspectives de l’économie algérienne: le rapport du FMI, le rapport du département d'Etat US et celui de la COFACE. La situation sécuritaire, politique et socio- économique, notamment suite à l’affaire récente de la cocaïne qui a pris une dimension internationale et nuit considérablement l'image de l'Algérie, les tensions géostratégiques au niveau de la région , la chute des prix du pétrole, avec la baisse drastique des réserves de change, ont suscité à l’extérieur des analyses prévoyant de sombres scénarios sur l’avenir de l’Algérie 2018/2023. Pourtant, en ce mois de juillet 2018, l’Algérie n’est pas au bord de l’effondrement contrairement aux vues de sinistrose. Mais il faut être réaliste et ne pas verser dans la démagogie. La situation pourrait prendre une autre dimension et s’aggraver sans un changement sérieux dans le système de gouvernance s'adaptant tant aux nouvelles mutations internes et mondiales. Comme je viens de l’analyser le 23 juillet 2018 au niveau de la radio chaîne 3 commentant la baisse du déficit commercial, devant être réaliste et éviter l’euphorie, malgré toutes les mesures souvent bureaucratiques sans vision stratégique, certaines restrictions des importations qui ont paralysé certains secteurs et favorisé le processus inflationniste des produits importés, le résultat est très mitigé. La baisse du déficit commercial annoncé le premier semestre 2018 , environ 98/99% est due aux recettes de Sonatrach et non à la baisse des importations.
1.- La balance commerciale concernant les exportations et les importations de 2012 à 2017 a évolué ainsi.
En 2012 les exportations ont été de -71,7 milliards de dollars dont 70,5 constituées d’hydrocarbures (H).
- En 2013 : 64,8 milliards de dollars dont 63,8 (H),
- En 2014 : 60,1 milliards de dollars dont 58,4 milliards de dollars (H),
- En 2015 : 34,5 milliards de dollars dont 33,1(H) ;
- En 2016 : 29,3 milliards de dollars dont 27,9 milliards de dollars (H),
- De 32,9 milliards USD en 2017 dont 31,6 provenant des hydrocarbures (H).
Parallèlement, les exportations de biens hors hydrocarbures entre 2012- 2017 ont fluctué entre 1 et 1,5 milliard de dollars dont 1,3 pour 2017 mais concentrées sur trois catégories de biens, les engrais minéraux ou chimiques azotés, « les ammoniacs anhydres et les sucres qui représentent à eux seuls près 72 % du total.
Quant aux importations elles ont évolué ainsi :
- 51,5 milliards de dollars en 2012,
- 54,9 milliards de dollars en 2013,
- 59,6 milliards de dollars en 2014,
- 52,6 milliards de dollars en 2015,
- 49,7 milliards de dollars en 2016,
-48,7 milliards de dollars en 2017
Quant à la sortie des revenus hors facteurs (débit) souvent oubliés pouvant facilement faire l’objet de surfacturations, constitués des services elles ont été de
- 10,8 milliards de dollars en 2012,
10,7 milliards de dollars en 2013,
-11,7 milliards de dollars en 2014,
-10,9 milliards de dollars en 2015,
-10,7 milliards de dollars en 2016,
- environ 9/10 milliards de dollars en 2017
Ce qui nous donne le solde de la balance des paiements entre 2012 et 2017.
- Pour 2012 : positif 12,05 milliards de dollars,
- 2013 : positif 0,1 milliard de dollars,
- 2014 : négatif(-) 5,8 milliards de dollars,
- 2015 : négatif (-) 27,5 milliards de dollars,
- 2016 : négatif (-) 26,3 milliard de dollars,
-2017 : négatif (-) à 23,3 milliards de dollars.
Le déficit commercial de l'Algérie au 1er semestre 2018, s'est chiffré à 2,956 milliards de dollars contre un déficit de 5,657 milliards de dollars durant la même période de 2017, soit un recul du déficit de 47,75%, selon le Centre national de l'informatique et des statistiques des Douanes (Cnis). Entre janvier et fin juin 2018, les exportations ont augmenté à 19,828 milliards de dollars (mds usd) contre 17,616 mds usd sur la même période de 2017, soit une hausse de 2,21 mds usd (+12,56%), précise le Centre national de l'informatique et des statistiques des Douanes (Cnis). Pour les importations, elles sont estimées à 22,784 mds usd contre 23,273 mds usd à la même période de l'année écoulée, soit une diminution de 489 millions de dollars (-2,1%).Les exportations ont assuré la couverture des importations à hauteur de 87% contre 76% à la même période de l'année précédente(voir notre interview sur ce sujet - radio publique chaine 3 -23/07/2018 12h30)
Ainsi les réserves de change ont évolué ainsi :
-2012 :190,6 milliards de dollars,
-2013 :194,0 milliard de dollars,
-2014 :178,9 milliards de dollars,
-2015 :144,1 milliards de dollars,
-2016 : 114,1 milliards de dollars,
-2017 : 97,3 milliards de dollars
-2018 (mars) 94,5 milliards de dollars devant clôturer entre 85/87 milliards de dollars fin 2018
Au même rythme annuel les exportations devraient tendre fin 2018 vers 38/39 milliards de dollars, le chiffre d’affaires devant soustraire 25% pour avoir le profit net. Les importations devraient tendre vers 45 milliards de dollars fin 2018,(donc une baisse dérisoire restant presque au même niveau qu’en 2017)) auquel il faudrait ajouter les services (9/10 milliards de dollars) et les transferts légaux de capitaux donnant une sorties de devises solde brut entre 57/58 milliards de dollars et un solde net tenant compte des exportations et entrées de devises de services légaux ( 2/3 milliards de dollars ) entre 15/16 milliards. Si l’on soustrait aux réserves de change fin 2017 de 97 milliards de dollars cela donnerait 81/82 milliards de dollars de réserves de change fin 2018, ce montant dépendant essentiellement à la hausse ou à la baisse des recettes d’hydrocarbures, la réduction du déficit commercial de ce premier semestre 2018 étant due à 98/99% aux recettes d’hydrocarbures.
Cela influe sur le taux de change corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%.
1970 : ……………….. ………………………………………..4,94 dinars un dollar
2001 ………………69,20 dinars un euro…………… 77,26 dinars un dollar
2002…………………75,35 dinars un euro…………….. 69,20 dinars un dollar
2003…………………87,46 dinars un euro……………… 77,36 dinars un dollar
2004…………………89,64 dinars un euro……………… 72,06 dinars un dollar
2005…………………91,32 dinars un euro……………… 73,36 dinars un dollar
2006…………………91,24 dinars un euro……………… 72,64 dinars un dollar
2007…………………95,00 dinars un euro……………… 69,36 dinars un dollar
2008…………………94,85 dinars un euro……………… 64,58 dinars un dollar
2009………………..101,29 dinars un euro…………… 72,64 dinars un dollar
2010………………..103,49 dinars un euro…………… 74,31 dinars un dollar
2011………………..102,21 dinars un euro…………… 72,85 dinars un dollar
2012………………..102,16 dinars un euro…………… 77,55 dinars un dollar
2013………………..105,43 dinars un euro……………... 79,38 dinars un dollar
2014………………..106,70 dinars un euro……………… 80,06 dinars un dollar
2015………………..108,60 dinars un euro…………… 99,50 dinars un dollar
2016………….........116,57 dinars un euro…………… 109,43 dinars un dollar
2017 (24/07/ 2017) 126,72 dinars un euro………… 108,79 dinars un dollar
2018 (22/07/2018) 137,08 dinas un euro 118,07 dinars un dollar
2.- Selon le FMI dans son rapport de juillet 2018, en 2022, les réserves de change permettront moins de 5 mois d’importation et en 2023 estimées à 12 milliards de dollars avec moins de 3 mois d’importation. A ce niveau, le réserves de change tenant la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctuera en fonction du taux d’inflation entre 300/400 dinars un euro. Mais beaucoup plus si le taux d’inflation dépasse les 20/30%. En cas d’hyperinflation de plus de 100%, nous nous retrouverons dans le scénario vénézuélien ou le dinar officiel fluctuerait entre 1000% l’euro et sur le marché parallèle à plus de 2000% du fait d’une masse monétaire excédentaire en circulation ne correspondant pas au niveau de production locale. Pour 2017, le niveau du cours du pétrole est d’environ 75 dollars sur la base des dépenses et du déficit clôturé. contre 110/115 dollars entre 2014/2015, 85 dollars pour 2016 et pour 2018, il faut un baril proche de 100 dollars, pour ne pas puiser les réserves de change et éventuellement les augmenter, au vu du de la Loi de finances complémentaire de 2018, approuvé le 5 juin 2018 , par le Conseil des ministres qui prévoit une enveloppe de 500 milliards dinars supplémentaire ( environ 4,4 milliards de dollars) en autorisations de programme, de la dépense publique actuelle, des dépenses improductives, des subventions généralisées sans ciblage, des surcoûts et une mauvaise gestion pour ne pas dire corruption. Il s’ensuit que la croissance devrait ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage. Elle se traduira aussi par la persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont dispose l’Algérie. Pour le FMI et la majorité des experts internationaux, les slogans politiques sont insensibles aux lois économiques applicables dans tous les pays et l’Algérie ne fait pas exception. Le recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire aura un impact négatif à terme, qui selon la banque d’Algérie, les montants prêtés au Trésor seraient de l’ordre de 5723,1 milliards de dinars à fin mars 2018 (plus de 40 milliards de dollars). Certes, la poussée inflationniste n’est pas encore perceptible en 2018 et la croissance tirée essentiellement par la dépense publique devrait être de 3% en 2018, contre 1,6% en 2017. Mais pour le FMI ce ne sont que des mesures conjoncturelles sans vision stratégique, le financement non conventionnel représentant 23% du PIB qui aura permis le financement au premier trimestre 2018, Mais ce mode de financement aura aussi atteint ses limites à partir de 2020 avec des taux d’inflation élevés , risque de la dérive vénézuélienne, et de chômage record risquant de dépasser 2020/2022 les 15% avec plus de 25/30% pour le jeunes. Les mêmes projections sont reprises récemment par la note de conjoncture du trésor français qui influe sur la note de la Coface ainsi que plusieurs instituions internationales.
3.- Trois paramètres stratégiques déterminent l’avenir de l’économie algérienne : le cours du pétrole, l’évolution des réserves de change et la pression démographique (plus de 50 millions d’habitants en 2030) , devant créer minimum 300.000/400.000 postes de travail nouveaux par an nécessitant un taux de croissance annuel sur plusieurs années de 8/9% en termes réel. Mais évitons la sinistrose mais également certaines déclarations généreuses et les actes il ya un fossé car dans la pratique des affaires il n’ y a pas de sentiments. Dans son rapport 2018 sur le climat d’investissement dans le monde, le département d’Etat relève que l’Algérie est un marché lucratif, offrant un potentiel important pour les compagnies américaines en matière d’investissement comprennent l’agriculture, le tourisme, les technologies de l’information et de la communication, l’industrie, l’énergie (fossile et renouvelable), la construction et la santé. Au plan financier, les banques en Algérie affichent une solide santé financière malgré la baisse des liquidités. Les actifs non performants du secteur bancaire avoisinent un taux de 5%, qui représente la norme pour les marchés émergents. Si le département d’Etat soutient que la règle dite “51/49”, régissant l’investissement étranger, “pose des défis” aux investisseurs américains, il constate que cette mesure “entrave” en particulier l’accès des PME au marché algérien car ces petites et moyennes entreprises ne disposent pas de ressources humaines et financières qui leur permettent de répondre aux exigences de l’investissement.par ailleurs le rapport note l’instabilité du cadre législative constitue un autre frein à l’investissement, relève le rapport. « Les firmes internationales actives en Algérie se plaignent parfois que les lois et les régulations changent souvent et sont appliquées de manière inéquitable, renforçant la perception du risque commercial pour les investisseurs étrangers. Cependant, les échanges selon les statistiques douanières algériennes entre les USA et l’Algérie ont été en 2017-non compris les services (clients sur un total de 34,763 milliards de dollars ) de 3,394 milliards de dollars concentrées dans les hydrocarbures, avec un déclin, et 1,816 milliards de dollars ( fournisseurs sur un total de 45,957 milliards de dollars ) soit au total environ 5,2 milliards de dollars contre environ 10/11 milliards de dollars entre 2007/2008. Les USA sont devenus un concurrent potentiel (pétrole/gaz de schiste), alors que et la Chine, volet uniquement importation, est de 8,309 milliards de dollars contre une exportation dérisoire ne figurant même pas dans les statistiques. Les pays de l’Union Européenne sont toujours les principaux partenaires de l’Algérie, avec les proportions respectives de 44,03% des importations et de 58,37% des exportations.
4.- Comme je viens de l’analyser le 23 juillet 2018 au niveau de la radio chaine 3 commentant la baisse du déficit commercial, devant être réaliste et éviter l’euphorie, malgré toutes les mesures souvent bureaucratiques sans vision stratégique, certaines restrictions des importations qui ont paralysé certains secteurs et favorisé le processus inflationniste des produits importés, le résultat est très mitigé. Les pronostics d’une importation de biens de 30 milliards de dollars en 2018 par plusieurs ministres (ce montant avait été avance pour 2017) est-il réaliste lorsqu’on sait que la superficie économique est représentée par 83% de petits commerce-services, que le secteur industriel représente 6,3% du PIB, 97% de ces entreprises sont des PMI-PME peu innovantes et concurrentielles et que la majeure partie des entreprises publiques et privées fonctionnent à plus de 70/75% à partir des matières premières importées ? Il faut être réaliste : en ce mois de juillet 2018, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. Cependant, l’économie algérienne l’Algérie possède des potentialités mais a besoin d’une vision claire, d’une cohérence dans sa politique socio-économique qui lui fait cruellement défaut , les plus grands planificateurs en management stratégique, étant les multinationales, étant de la responsabilité des seuls algériens, et donc de leurs gouvernants qui doivent cesser leurs discours euphorique, cat la situation est grave, (personne ne peut faire des réformes à notre place). L’Algérie étant confrontée à des défis importants, posés de la baisse des prix du pétrole il y a quatre ans, les choix économiques risquent également de compliquer la gestion macroéconomique, nuire à la croissance et aggraver les risques pour la stabilité politique et financière à terme. Pour relever les défis futurs, se projeter sur l’avenir, loin de tout populisme dévastateur, un une nouvelle gouvernance, un langage de vérité et la moralité des gouvernants s’imposent. Il y va de la sécurité nationale. Avec grande rigueur budgétaire, une meilleure gouvernance, un changement de cap de la politique économique actuelle, avec un baril entre 60/70 dollars, l’Algérie peut sens sortir, possédant des atouts. L’endettement est faible, 20% du PIB et la dette extérieure 2,5% du PIB. Mais attention, en cas de non changement de la politique socio-économique, donc de gouvernance, le scénario dramatique du FMI 2022, ce qu’aun algérien ne souhaite, est plausible avec des incidences économiques, sociales, politiques et géostratégiques , sauf miracle d’un cours du pétrole à plus de 100 dollars. Aussi, l’Algérie a besoin d’une nouvelle stratégie, loin des slogans creux populistes, s’adaptant au nouveau monde , d’un retour d’une vision claire de sa politique socio-économique( visibilité et cohérence) , de à la CONFIANCE pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence , de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, évitant la division sur des sujets secondaires . Il y va de la sécurité nationale. Le patriotisme et le devenir de l’Algérie doivent l’emporter sur les intérêts personnels et partisans étroits. Et que vive l’Algérie éternelle.