Le cours du pétrole après l’accord avec l’Iran qui devrait entraîner un grand bouleversement géostratégique et énergétique, le 18 janvier 2016 a clôturé 29,98 dollars pour le WIT et 28,61 dollars le BRENT qui est la référence pour l’Algérie. L’Iran détient la quatrième réserve pétrolière mondiale avec plus de 160 milliards de barils ( 13/14% des réserves mondiales), l’Algérie seulement 10 milliards de barils ( données 2015) lui permettant facilement d’exporter entre 4/5 millions de barils jour et le deuxième réservoir de gaz traditionnel avec plus de 34.000 milliards de mètres cubes gazeux soit plus de 16% des réserves mondiales, l’Algérie 2700 milliards de mètres cubes gazeux (données 2015) , sans compter que l'Iran aura alors accès avec des données contradictoires entre 50/100 milliards de dollars bloqués dans les banques étrangères, qui pourront augmenter ses exportations et attirer les investissements étrangers.
1.-La loi de finances 2016 a été établie pour un cours de 98 dinars un dollar et 37 dollars le baril. Si on applique le cours de la loi de finances 2016, les dépenses sont de 79,84 milliards de dollars et les recettes de 47,47 milliards de dollars donnant un déficit d e 32,37 milliards de dollars .Le fonds de régulation toujours selon la loi de fiances 2016 clôturerait à 18,36 milliards de dollars. Si ce fonds n’est pas alimenté le cours devant être supérieur à 37 dollars, il s’épuiserait courant 2017.Selon le FMI pour 2014 entre le budget de fonctionnement et d’équipement l’Algérie fonctionne selon un cours de 110/115 dollars.
2.-Si on émet l’hypothèse qu’ une baisse en moyenne d’un dollar occasionne un manque à gagner de 600 millions de dollars, du même volume d’exportation de pétrole et de gaz qu’en 2014, la LFC2015 pour un cours de 60 dollars avait établi les recettes de Sonatrach à 34 milliards de dollars devant retirer 20% de coût ce qui donnerait un bénéfice net pour Sonatrach de 27 milliards de dollars de profit net . A 50 dollars le profit net de Sonatrach s’établirait à 21 milliards de dollars, à 40 dollars de 15 milliards de dollars, à 30 dollars 8 milliards de dollars , à 20 dollars environ 3 milliards de dollars.
3.- La production pétrolière à court terme est moins gouvernée par le coût du capital initial que par la dépense d’exploitation au comptant par baril (cash cost), devant donc distinguer le court, le moyen et le long terme pour avoir une appréciation objective du coût, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables économiquement .Entre 15/20 dollars nous serions au seuil de rentabilité (profit net zéro) et doit être posé le problème des coûts de production pour l’Algérie. Dans ce cadre l’on devra distinguer les anciens gisements, des nouveaux gisements et au sein de chaque compartiment les grands gisements des petits gisements. Pour les grands gisements comme Hassi Messaoud le cout devrait tourner autour de 10 dollars, le coût s’accroissant progressivement en fonction de l’épuisement du gisement. Pour les grands gisements nouveaux du fait de l’amortissement élevé à court terme pouvant aller vers dollars. Pour les petits gisements anciens le coût devrait tourner autour de 15 dollars et pour les gisement nouveaux du fait des investissements non amortis , le cours plancher devrait se situer à 20 dollars. Globalement le coût moyen tourne entre 15/20 dollars, et en dessous l’Algérie devrait exporter à perte, afin de remplir ses engagements internationaux.
4.-Selon l’Agence américaine pour l’énergie (EIA), L’estimation du coût du baril de pétrole varie entre 5/10 dollars pour l’Arabie saoudite et entre 5/7 dollars pour l’Irak et pour le Venezuela, il est proche de 40 dollars. Pour les compagnies américaines les compagnies cotées du secteur pétrolier ont des coûts d’exploitation situés entre 10 et 30 dollars le baril grâce aux récentes innovations technologiques. Par contre pour les 400 000 anciens puits en fonctionnement, dits strippers, qui contribuent à environ 11% de la production américaine, les frais directs sont en moyenne nettement plus élevés. Certains petits producteurs ont «hedgé» leur prix de vente jusqu’à fin 2015 et trouvent des moyens pour améliorer l’efficience et réduire les coûts. Mais cela ne peut qu’être transitoire avec un cours inférieur à 40 dollars. . Pour que les producteurs américains pompent significativement moins, il faudrait que le baril reste autour de 40 dollars selon Goldman Sachs. Le cabinet Rystad Energy Research a identifié «des zones dans les gisements de pétrole de schiste d'Eagle Ford (Texas), Niobrara (Nebraska, Kansas, Colorado) et Bakken (Dakota du Nord) où le point d'équilibre est inférieur à 40/50 dollars». En revanche, dans des régions de l'ouest du Texas, comme Wolfbone et Clineshale, les puits ne sont rentables qu'au-dessus de 50/60 dollars le baril. Il convient de souligner la forte intensité capitalistique de ces pétroles de schiste, qui nécessitent un nombre de forages très important, bien plus conséquent que pour les pétroles conventionnels en raison d’un taux de déplétion bien supérieur à près de 50% contre 5% pour le conventionnel. Cet épuisement rapide des forages impose un renouvellement permanent de ces derniers, et donc des investissements constants. A titre d’exemple, il faut environ 300 puits à l’Arabie Saoudite pour produire 11 Mb/j alors qu’il en faut 30 000 pour produire le même niveau de production de pétrole de schiste. Pour le Canada, selon un bureau d’études spécialisé, pour les coûts d'exploitation au comptant des sables bitumineux, ils ont fluctué entre 27,40 et 36,85 $ par baril en moyenne entre 2014 et novembre 2015.
5.-L’Algérie au 31/12/2014 avait une dette inférieure à 4 milliards de dollars contrairement aux années 1986 grâce au remboursement par anticipation. Mais le capital argent n’est qu’une richesse virtuelle qu’il s ‘agit de transformer en richesse réelle. C’est le travail et l’intelligence qui ont été toujours à l’origine de la richesse des Nations, le fondement de la réussite de toute entreprise publique ou privée étant l’économie de la connaissance. Les réserves de change ont été établies pour les trois premiers trimestres par la banque d’Algérie à 152 milliards de dollars, elles devraient tourner entre 140/145 milliards de dollars au 01 janvier 2016. Or les sorties de devises pour 2014 ont été de 71,3 milliards de dollars pour les biens et services (11,5 milliards de dollars seulement pour les services) montant auquel il faut ajouter 5 milliards de dollars de transferts légaux de capitaux nous donnant un total de plus de 76 milliards de dollars. Pour 2015, si l’on retranche environ 7 milliards de dollars, les sorties de devises auraient été de 69 milliards de dollars. Si on émet l’hypothèse, du fait de l’incompressibilité de certaines importations, quitte à germer toutes les unités dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%( plus de 18 milliards de dollars d'importation de matières premières en 2014) et dont les besoins des ménages sont corrélées aux importations à plus de 70%, d’une baisse par rapport à 2014 de 15 milliards de dollars, les sorites de devises seraient de l’ordre de 61 milliards de dollars.
6.- Il .existe une corrélation entre le niveau des réserves de change, elles mêmes fonction de la rente des hydrocarbures à 98%, et le cotation du dinar à 70%. La baisse proportionnelle de ces réserves occasionnera une dévaluation rampante du dinar qui pourrait s’établir au cas où les réserves seraient inférieures à 20 milliards de dollars à 200 dinars un dollar. Il s’ensuivrait une diminution inéluctable des transferts sociaux et des subventions qui représentent environ 27% du PIB en 2014, et donc un processus inflationniste avec un impact négatif sur le pouvoir d’achat des Algériens, notamment un nivellement par le bas des couches moyennes. Le taux de croissance étant irrigué directement et indirectement par la dépense publique via la rente des hydrocarbures, 83% de la superficie économique étant constituée de petits services/commerce, le secteur industriel pesant moins de 5% du PIB, bon nombre de projets notamment d’infrastructures devront être gelés, accroissant le taux de chômage déjà sous évalué par les sureffectifs au niveau des administrations et des entreprises publiques.
7.- Le cours du dinar officiel le 18 janvier 2016 est coté à 106,805 dinars un dollar et pour un euro 116,847 dinars et au cours sur le marché parallèle dépasse 180 dinars un euro. Ce dérapage du dinar et les anticipations d’une inflation élevé, qui sans les subventions devrait dépasser les 10% en 2016, rendant inopérantes les taux d’intérêts bas des banques à terme, explique en grande partie, selon nos informations, les résultats mitigés de la décision du ministère des finances d’intégrer les 40% de la masse monétaire en circulation de la sphère informelle au sein de la sphère réelle. Les agents économiques sont rationnels comme nous l’ont appris les classiques de l’économie et pour se prémunir contre l’inflation ou la mauvaise monnaie, placent leur capital argent dans l’immobilier, l’or ou dans l’achat de devises fortes. Ce énième échec, après les mesures précédentes d'obligations de chèques (50.000 puis 500.000 dinars) était prévisible comme je l’ai annoncé à maintes reprises à la presse nationale car ne s’étant pas attaqué à l’essence de la sphère informelle. Lorsqu’un Etat pond des lois qui ne correspondent pas à l’état de la société, accentuant la méfiance, celle-ci enfante ses propres lois (lois informelles) qui lui permettent de fonctionner. Le contrat, fondement de la confiance est avant tout moral car les mesures administratives bureaucratiques autoritaires accentuent la méfiance.
En résumé, face tant aux tensions géostratégiques dans la région qu’avec la baisse du cours des hydrocarbures qui sera de longue durée, évitons cette mentalité rentière qui croit au miracle du retour à un cours entre 80/100 dollars, l’Algérie est à la croisée des chemins. Nous assisterons entre 2016/2030 à de parfondes mutations géostratégiques, technologiques et énergétiques ne devant plus jamais raisonner sur un modèle de consommation linéaire du passé. L’Algérie doit se projeter sur l’avenir grâce à une nouvelle vision, stratégique. Elle a les potentialités pour surmonter cette situation difficile sous réserve d’une mobilisation de tous les algériennes et algériens sans exclusive, mobilisation possible grâce à un langage de vérité, ni sinistrose, ni autosatisfaction par des discours démagogiques auxquels plus personne ne croit, par une plus grande moralisation de la société, supposant une gouvernance renouvelée.
Professeur des Universités, expert international, expert comptable, Dr Abderrahmane [email protected]
NB –Abderrahmane Mebtoul est Professeur des Universités, expert international, expert comptable de l’Institut supérieur de gestion de Lille ( 1973-France ) –Docteur d’Etat en sciences économiques (1974) directeur d’Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/2007- auteur de nombreux ouvrages ,contributions nationales et internationales dans le domaine de l’Energie et membre de plusieurs organisations internationales