A entendre le P-DG de l’entreprise italienne ENI faire un beau discours racoleur sur l’investissement pétrolier en Algérie on a presque envie de rire. Qu’est ce qui vaut à l’Algérie cet honneur d’être redevenue soudainement le Mecque des investissements ? Pourquoi le patron d’ENI a-t-il décidé d’offrir cette belle fleur à notre pays sur la tribune très distinguée du «The Council on Foreign relations» américain ?
Ce n’est pas que cette publicité (gratuite ?) pose problème mais elle suscite des questionnements de la part d’un chef d’une firme pétrolière qui a la particularité d’avoir trempé dans l’argent sale en Algérie. Est si finalement Paolo Scaroni qui a tenu le crachoir à New York à l’occasion d’un débat sur «l’avenir de l’énergie dans le monde», ne soit simplement motivé par son souci de réparer le grave préjudice qu’il a causé à la Sonatrach ?
De quelque bout que l’on prend sa belle plaidoirie en faveur de l’Algérie et son attractivité aux investissements pétroliers, le propos de Scaroni sent la volonté de repentance. Pour cause, il a été inculpé par le parquet de Milan dans le cadre de la sulfureuse affaire de corruption dite «Sonatrach 2», pour avoir versé, par le biais d’une société basée à Hong Kong et dirigé par Farid Bedjaoui, 200 millions de dollars de pots-de-vin pour arracher, en 2007, auprès de Sonatrach le contrat Medgaz.
Le prix d’un pardon
Le patron de l’ENI avait à cœur de se faire pardonner par l’Algérie en offrant ses services de marketing et gratuitement. Paolo Scaroni dont l’entreprise a été gravement éclaboussée dans une série de scandales de pots-de-vin durant cette année, vise certainement à redorer le blason terni de l’ENI.
«Les conditions d’investissement dans le secteur des hydrocarbures en Algérie demeuraient favorable», a-t-il déclaré devant l’aréopage de pétroliers du monde réunis à New York. Une façon pour lui d’inviter les majors à tenter l’aventure en Algérie malgré les discours craintifs diffusés dans le sillage de l’attaque terroriste de Tiguentourine.
«Contrairement aux autres producteurs de pétrole de l’Afrique du Nord, tout va bien en Algérie jusqu’à maintenant pour l’investissement pétrolier», soutient en effet Paolo Scaroni. Mieux encore, il avoue que : «personnellement, je suis confiant et convaincu qu’en Algérie, il existe des institutions très fortes ».
Marketing politique
Scaroni a même cité l’armée algérienne qu’il a qualifiée de «forte» et de l’UGTA un «syndicat puissant». De quoi faire plaisir aux autorités politiques algériennes qui ne cracheraient pas sur une telle opération de marketing politico-économique. Ceci d’autant plus que le patron de la compagnie publique italienne est également conseiller en énergie auprès du Council on Foreign relations qui est l’un des plus influents Think tanks sur la politique étrangère aux Etats-Unis.
Assurément, le gouvernement algérien ne peut pas trouver meilleur avocat à New York pour plaider la cause de son marché pétrolier-gazier. En retour, Paolo Scaroni espère évidemment que l’Algérie passe l’éponge sur les scandales de corruption dont Eni et sa filiale Saipem se sont rendus coupables. «Nous irons de l’avant en Algérie où jusqu’à présent, nous n’avons pas perdu un seul dollar dans la production», s’est encore engagé le patron de l’ENI, en guise d’assurance tous risques. Cette plaidoirie va-t-elle pour autant suffire pour blanchir ENI ? A moins que cette prestation ne soit carrément la condition d’un deal avec les autorités algériennes.