L’Algérie s’est placée à la 108e position (sur 127) del’Indice global d’innovation (Global Innovation Index), un classement mondialdes pays selon leurs capacités et résultats d’innovation économique publiéchaque année par l’université américaine Cornell, l’Institut européend’administration des affaires (INSEAD) et l’Organisation mondiale de lapropriété intellectuelle (WIPO), organisme onusien, en ce mois de juin 2017. Ornous sommes à l’aube d’une quatrième révolution économique et technologiquemondiale, ne devant jamais oublier oubliant que le monde ne nous attend pas.
L’Algérie ne vit pas isolée et que les discourstriomphalistes démagogiques sont sources de névrose collective. Le bilan dresséà partir des documents officiels et internationaux, montre les limites de ladémarche bureaucratique administrative, qui peut conduire à un échec programmé,du fait que, pour masquer cet échec, l’on réalise des replâtragesorganisationnels. Cette brève synthèse, du volume VI de l’audit pluridisciplinaire,remis au Gouvernement le 03 janvier 2013 (1) fait suite à nos précédentescontributions sur le site www.algerie1.com
1- Qu’est-ce letransfert de technologie ?
Selon l’OMPI (Organisation Mondiale de la PropriétéIntellectuelle « le transfert technologique est le processus désignant letransfert formel à l’industrie de découvertes résultant de la rechercheuniversitaire et la commercialisation de ces découvertes sous la forme denouveaux produits et services ».
Pour la recherche académique, le transfert de technologieest une opération qui consiste à transmettre les connaissances issues d’unerecherche, formalisées ou non sous forme de brevet(s) ou de droits de propriétédéposés, à un autre centre de recherche, public ou privé, destiné à les poursuivreà des fins de développement industriel ; ou à transformer la recherche eninnovation industrielle, en cédant ses découvertes à une société de Si l’on selimite à l’industrie, un transfert de technologie consiste à vendre, parcontrat, à un acquéreur, les droits d’utilisation d’une technique, d’unprocédé, d’un produit (bien marchand ) dont on est propriétaire, ainsi que lesavoir-faire nécessaire à sa production industrielle. Le propriétaire de latechnologie reste donc propriétaire, et l’acquéreur est contractuellementlimité à un marché (limites géographiques, type de clientèle, volumes, parexemple) et soumis à des contraintes de diffusion (l’acquéreur ne peut pas lui-mêmetransférer la technologie).
Comme on ne doit pas confondre un transfert detechnologie avec une cession de licence, le transfert de technologie incluantla communication d’un savoir-faire adapté au contexte de l’acquéreur. Droitpublic ou privé. Quelles sont lesdifférentes formes de transfert de technologie ? Nous pouvons classer cela endifférentes formes d’ailleurs souvent complémentaires. D’abord, la diffusiondes connaissances, parfois nommée diffusion et transfert de connaissances, quiest une discipline pratiquée par les centres de recherche à des finsd’information des organismes publics, des entreprises. Cette diffusion estpratiquée lors de congrès, par des publications constituant une des sources d’information de la veille technologique,veille qui permet de surveiller l’évolution des connaissances, du savoir-faire,de la faisabilité et des inventions dans un domaine et ses environnements dedéveloppement. Mais à proprement parler la veille technologique n’est pas untransfert de technologie mais facilite le transfert. Vient suite le siphonagetechnologique qui consiste à déterrer les projets somnolents dans leslaboratoires de recherche, les universités, qui n’ont pas trouvé de débouchésindustriels, pour les promouvoir à fin de créations d’entreprises.
Une autreméthode de transfert souvent utilisé dans l’industrie pour faciliter lamaîtrise du savoir-faire est le recrutement des cadres et des spécialistesd’une technologie. C’est une des activités des chasseurs de têtes, des cabinetsde recrutement ou parfois cela débouche sur l’espionnage industriel si lesbénéficiaires des informations savent les exploiter. Il n’y a pas véritablementde phase de formation, sauf si la transmission d’informations comprend deséléments didactiques. Egalement on peut citer comme facilité de transfert dansune première phase la rétro-ingénierie appliquée dans l’enseignement technique,la contrefaçon ou piratage (souvent prohibée selon les clauses de l’OMC qui aintroduit la protection de la propriété intellectuelle qui consiste à la baseen une copie débouchant parfois sur une acquisition du savoir-faire, par laméthode des tâtonnement. Enfin nous avons le transfert partiel de technologie àtravers la licence de production accordée à l’acquéreur mais exclut certainestechnologies (la protection du secret d’un savoir-faire). Le bon management abesoin de ses connaissances et ses compétences.
2.- Le savoir élément fondamental du transfert detechnologie
Face à la pression de la concurrence par l’innovation, audéveloppement de produits sur-mesure et de technologies de plus en pluscomplexes, à la production de services de plus en plus personnalisés, letravail demandé aux salariés n’a plus rien d’immédiat. De plus en plus, lesdirections d’entreprises demandent aux salariés de produire la connaissance deleur propre travail d’où l’importance d’une formation permanente.
Cetteproduction de connaissances repose sur des formes d’engagement et d’implicationqui font jouer un rôle central à l’initiative, à l’intuition, aux jugements,(la fameuse boite à outils japonaises source d’innovation par le collectif destravailleurs ) mais aussi aux capacités des individus et plus largement aux «savoirs sociaux » Le Knowledge Management) qui stratégique pour chaqueentreprise qui veut continuer à réussir. Le management des connaissancess’appuie sur les leviers de succès à savoir, les connaissances incorporées dansles produits et services ; les connaissances et compétences humaines au sein del’entreprise (le capital humain) ; les connaissances contenues dans lesprocessus (la structure interne) ; la mémoire organisationnelle ; la mémoiretransactionnelle et enfin les connaissances en tant que biens immatériels(capital intellectuel).
Cette ouverturetraduit la nécessaire rupture avec les formes de gouvernance centralisées, disciplinaireset mutilantes héritées de l’ère fordienne. Aussi, le capital se socialise dans différents dispositifstechno-organisationnels influant dans le rapport des individus au travail. Lesenquêtes montrent clairement que cette extension des savoirs sociauxs’accompagne de nouvelles formes de segmentation (qualifiés/non qualifiés ;mobiles/immobiles ; jeunes/vieux ; homme/femme et d’un partage des activités etservies qui deviennent de plus en plus marchands (délocalisation avecl’informatique en Inde l’électronique au Japon, Coréee du Sud … etc.
Cette approche socio-culturelle qui rend compte de lacomplexité de nos sociétés dont le transfert de technologie en est l’aspectapparent doit beaucoup aux importants travaux sous l’angle de l’approche del’anthropologie économique de l’économiste indien Nobel Amartya SEN oùd’ailleurs, selon cet auteur, il ne peut y avoir de développement durable sansl’instauration de l’économie de marché concurrentielle et d’une véritabledémocratie solidaires qui seule permet à la fois la tolérance, la confrontationdes idées contradictoires utiles et l’épanouissement des énergies tenant compte des anthropologies culturelles dessociétés.
C’est qu’existe un lien dialectique entre transfert detechnologie et la culture d’une manière générale. La culture nationale n’étantpas figée, mais évolutive fortement marqués par l’ouverture de la société surl’environnement englobant l’ensemble des valeurs, des mythes, des rites et dessignes partagés par la majorité du corps social est un constituant essentiel dela culture d’entreprise et du transfert technologique.
Les expériences réussies du Japon, des pays émergents commela Chine et l’Inde montrent que l’on peut assimiler la technologie sans reniersa culture. D’ailleurs le transfert est favorisé lorsqu’existe une meilleurecompréhension des valeurs convergentes et divergentes qui s’établissent entredeux groupes et vouloir imposer ses propres valeurs, c’est établir une relationde domination qui limite le transfert.
Aussi, la culture d’entreprise est un sous-produit de laculture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de mythes, derites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés et unélément essentiel pour expliquer les choix stratégiques en renforçant lesvaleurs communes :exemple , les règlement de conduite , les descriptifs despostes, ainsi que par le système de récompense et de sanctions adopté etce pour que les salariés soientmobilisés, pour qu’ils s’identifient à leur entreprise et s’approprier sonhistoire.
Tout cela facilite le transfert de technologie qui ne doitpas se limiter à l’aspect technique, mais également managériale,organisationnel et commercial …ect. L’indice de développement humain ou IDH développé en 1990 parl’économiste pakistanais Mahbub ul Haq et l’économiste indien, prix Nobeld’économie Amartya Sen traduit l’importance du développement du capital humaindont l’éducation et la santé.
3.-Le changement de cadre juridique bloque l’investissementet le transfert de technologie
Il est utile de rappeler que de l’indépendance politique ànos jours, l’économie algérienne a connu différentes formes d’organisation desentreprises publiques. Avant 1965, la forme d’autogestion était privilégiée ;de 1965 à 1980, nous avons de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988,nous assistons à une première restructuration découpant les grandes sociétésnationales. Comme conséquence de la crise de 1986 qui a vu le cours du pétroles’effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988 : l’Etat crée 8 fondsde participation qui étaient chargés de gérer les portefeuilles de l’Etat.
Comme conséquence de la cessation de paiement en 1994 (avecle rééchelonnement), en 1996, l ‘Etat crée 11 holdings en plus des 5 régionauxavec un Conseil national des privatisations ; en 2000, nous assistons à leurfusion en 5 mega holdings et la suppression du Conseil national desprivatisations ; en 2001, nouvelle organisation et l’on crée 28 sociétés degestions des participation de l’Etat (SGP) en plus des grandes entreprisesconsidérées comme stratégiques et en 2004, ces SGP sont regroupées en 11 et 4régionaux.
Lors de différents Conseils de Gouvernements tenus duranttoute l’année 2007, une nouvelle organisation est proposée par le ministère dela Promotion de l’Investissement, ( les deux grandes sociétés hydrocarburesSonatrach et Sonelgaz, régies par des lois spécifiques n’étant pas concerné),articulée autour de quatre grands segments : des sociétés de développementéconomique qui relèvent de la gestion exclusive de l’Etat gestionnaire ; dessociétés de promotion et de développement en favorisant le partenariat avec lesecteur privé international et national ; des sociétés de participation del’Etat appelées à être privatisées à terme ; et enfin, une société chargée dela liquidation des entreprises structurellement déficitaires.
Courant février 2008, cette proposition d’organisation, quin’a pas fait l’unanimité au sein du Gouvernement et certainement au niveau dedifférentes sphères du pouvoir, est abandonnée. Une commission est créée pourdéterminer l’organisation du secteur public économique entre 2011/2016 avec desgroupes industriels.
Tout en n’oubliant cette règle de 49/51% instaurée en 2009et généralisée aux banques en 2010 sans distinction des secteurs stratégiqueset non stratégiques qui a fuir les capitaux étrangers, l’Algérie supportanttous les surcouts.
Ces changementsd’organisation périodiques démobilisent les cadres du secteur économiquepublic, et même les investisseurs locaux et étrangers montrant clairement ladominance de la démarche administrative et bureaucratique au détriment de ladémarche opérationnelle économique assistant à un gaspillage des ressourcesfinancières et à un renforcement de la dynamique rentière et bloque touttransfert de technologie. Car le blocage essentiel de l’investissement local etétranger est le terrorisme bureaucratique qui se nourrit du manque devisibilité et de cohérence dans la réforme globale.
En effet, cette situation est imputable fondamentalement aumanque de visibilité et de cohérence dans la démarche de la réforme globale(absence de consensus politique et neutralisation des rapports de force)n’ayant jamais abordé une manière claire le futur rôle de l’Etat face auxmutations tant internes qu’internationales.
En effet, les enjeux futurs étant essentiellementéconomiques, base de tout pouvoir, et comme dans tous les pays en transition lasociété algérienne se trouve naturellement confrontée à deux tendances lourdes,avec au milieu une majorité « le marais » qui ne comprend pas les enjeux, quiseront entre 2017/2000/2030 essentiellement économiques, entre les acteursdéfavorables et les acteurs favorables aux réformes d’où l’importance desdossiers éminemment politiques comme celui des hydrocarbures, lieu de laproduction de la rente, du système financier, lieu de distribution de la rente,et celui du partenariat-privatisation , couplé avec celui d’un systèmesocio-éducatif performant, lieu de la production de la plus-value qui endynamique engendrera de nouvelles forces sociales soit rétrogrades si l’ons’oriente vers un nouveau monopole privé, soit porteuses de progrès si l’oninstaure une totale transparence pour une économie de marché véritablementconcurrentielle.
Aussi, la tendance rentière consiste à gérer le dossier desréformes selon une vision bureaucratique à partir d’injonctions administrativesreposant sur des relais administratifs – le bureau, nécessaire dans toutesociété, mais à la différence des pays développés analysés par Max weber, étantun facteur bloquant qui participe pour plus de 60% au blocage del’investissement utile.
4.-Quelle conclusion pour l’action du Gouvernement ?
Concilier l’efficacité économique et une profonde justicesociale dans le cadre d’une économie ouverte, la maîtrise du temps étant leprincipal défi des gouvernants au XXIème siècle, constitue en fin de parcours,le défi principal de l’Algérie entre 2017//2020/2030.
Force est de constater qu’au moment où les entreprisesgrandes et PMI/PME s’organisent en réseaux correspondant à une phase historique,où l’entreprise tend à se concentrer sur ses métiers de base en externalisantbon nombre d’activités secondaires, où l’industrie manufacturière connaît unecrise rarement égalée au niveau mondial, il y a lieu d’éviter desexpérimentations théoriques avec des coûts faramineux pour le pays, qui ne peut que conduire le pays à l’impassefaute de vision stratégique tenant compte tant des mutations internes quemondiales étant à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale quipréfigure un bouleversement mondial.
C’est la résultante de la nouvelle configuration de ladivision internationale du travail, produit de l’évolution du développement ducapitalisme, la mondialisation processus historique non achevée avec la priseen compte du nouveau défi écologique technologique. Le savoir avec la stabilité del’environnement politique, économique et social sont déterminants selonl’ensemble des rapports internationaux, étant un élément déterminant dudéveloppement des Nations au du XXIème siècle avec la bonne gouvernance.
Toute analyse opérationnelle devra relier le processus detransfert de technologie tant aux nouvelles mutations au niveau mondial , devant entrainer un profond changement à la foisgéopolitique, socio-économique , managériale et technologique horizon2017/2020/2030) que de la future politique du Gouvernement ballottée entre deuxforces sociales : la logique rentière épaulé par les tenants de l’import, et dela sphère informelle malheureusement dominante et la logique entrepreneuriale.
En fait le transfert de technologie ne saurait se limiter àl’aspect technique mais renvoie à l’organisation de la société algérienne d’unemanière générale face aux mutations tant internes que mondiales. Le passage de l’Etat de « soutien contre larente » à l’Etat de droit « basé sur le travail et l’intelligence » est un paripolitique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social etun nouveau contrat politique entre la Nation et l’Etat.
Dr Abderrahmane MEBTOUL - Professeur des universités –expert international
(1)- Cette brève synthèse provient du volume VI remis au Gouvernement le 03 janvier 2013