Près de 6,8 millions de Maliens sont appelés à se rendre dimanche aux urnes, dont environ 30 000 électeurs potentiels résidant dans le nord du pays, encore très troublé. Le second tour devrait avoir lieu le 11 août, dans l’hypothèse probable où aucun des candidats ne parviendrait à réunir 50% des sondages sur son nom.
En compétition pour dimanche, pas moins de 27 candidats se disputent la magistrature suprême. Quatre personnalités au moins se dégagent.
Poids lourd de l’élection à venir, et considéré comme le candidat de la France, l’ancien Premier ministre de 1994 à 2000 Ibrahim Boubacar Keita (alias « IBK ») est un vieux routier de la politique malienne.
Chef du Rassemblement pour le Mali (RPM), il peut se prévaloir d’une certaine expérience du gouvernement, et de deux campagnes présidentielles, en 2002 et 2007.
Il est donné comme le probable vainqueur de cette élection, notamment par un sondage en ligne -à la fiabilité certes limitée- du journal «Jeune Afrique». Ses principaux opposants sont notamment l’économiste Soumaila Cissé, qui a été accusé de corruption par la junte militaire.
Modibo Sidibé, ancien Premier ministre du président déchu, Amadi Toumani Touré (ATT), doit faire face lui aussi à des accusations de corruption.
Enfin, l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), parti historique au Mali, a choisi un profil plus atypique avec un géologue de 46 ans, sans grande expérience politique, et exempt de toute accusation de corruption, Dramane Dembélé.
Un pays à reconstruire
Pour ce pays durement marqué par une année de guerre, l'élection doit marquer le retour d’un processus d’ouverture démocratique.
En mars dernier, François Hollande avait été intraitable sur la nécessité de tenir des élections présidentielles. Il s’agit de redonner une légitimité démocratique à une classe politique bien écornée par les récents évènements.
Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement de transition, Tiéman Coulibaly, confiait au «Journal du Dimanche» que «ce sera une élection imparfaite».
«Mais compte tenu du contexte, on ne pourra pas faire mieux. Et cela vaut mieux que pas d’élections du tout», expliquait-il.
Ouverte en 1992 avec la chute du dictateur Moussa Traoré, la période démocratique malienne a en effet été violemment interrompue, le 22 mars 2012, par le putsch des «bérets verts» du capitaine Sanogo.
Troupes d’élites entraînées et armées par les USA, ces militaires se retournent contre le président, démocratiquement élu, Amadi Toumani Touré.
Accusé par les putschistes de corruption et d’avoir «abandonné l’armée», le président malien doit prendre la fuite en pleine nuit, quelques jours à peine avant les élections présidentielles, où il ne se représentait pas. Loin de rétablir la paix, cette action brutale plonge le pays dans une crise politique et militaire.
Le Mali, menacé par la rébellion touareg du Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA) frôle alors le pire. Pas plus que le président déposé, le capitaine Sanogo n’a été en mesure de remettre sur pied une armée malienne démoralisée.
L’armée malienne se délite face à de puissantes «katibas», ou brigades, revenues de Libye après l’effondrement de Kadhafi.
Lourdement armées, elle se sont alliées avec des mouvements djihadistes, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui contrôle la région de Gao, et Al-Qaida au Magreb islamique (Aqmi), héritière du Groupe salafiste pour la prédication et le combat qui opérait en Algérie. Ces combattants fanatisés ne tardent pas s’emparer des villes du nord du Mali.
Si l’intervention militaire française à l’hiver 2013 a permis de repousser efficacement les groupes djihadistes, la menace terroriste, aussi bien à Gao dans le Nord, que dans les environs même de Bamako, au sud, reste bien présente.
La sécurité du scrutin ne peut être assurée par les forces maliennes, encore décomposées. Les 3.000 soldats du contingent français encore sur place veilleront au bon déroulement des opérations de vote, tout comme la Mission d'observation électorale de l'Union européenne et les observateurs de l'Union africaine et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest.
La mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), censée aligner 12.600 hommes au 31 décembre, n'en a pour l'heure déployé que la moitié.(Paris Match)