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Pourquoi Lamamra n’a-t-il pas été reconduit dans le Gouvernement Tebboune ?

10-06-2017 14:29  La Rédaction

L'absence du nom de Ramtane Lamamra dans la liste du nouveaugouvernement issu des dernières élections législatives sous la conduite deAbdelmadjid Tebboune, a suscité beaucoup d’interrogations et a même sembléconstituer une surprise pour nombre de nos confrères. 

 Ces interrogations et la parution la semaine dernière, del’interview de l’ancien diplomate et Secrétaire d’Etat Halim Benatallah, paruesimultanément dans El Khabar et Le Quotidien d’Oran, ont incité notre rédactionà aller au fond des choses pour livrer aux lecteurs les vraies raisons ayantempêché Lamamra d'être reconduit dans le gouvernement Tebboune. Selon denombreux diplomates sondés, les collègues de l’ancien Ministre d’Etat sontunanimes : l’observateur averti qui n’a pas vu venir le départ de Lamamraau lendemain des élections législatives n’en est pas un.

 Un diplomate en exercice à l’étranger a bien voulu nous faireune rétrospective du passage de Lamamra à la tête du Département des Affairesétrangères, pour expliquer son échec annoncé et son éviction du gouvernementqui était devenue inéluctable et même fortement souhaitée de l’intérieur mêmede ce Département. A partir de là, ajoute-t-il, la suppression du poste deMinistre d’Etat chargé de la Coopération internationale n’a pas surpris dans lamesure où il n’a apporté aucune plus-value à notre diplomatie.

 De nombreux fonctionnaires et observateurs proches de ceDépartement révèlent qu'à la veille de l’annonce du nouveau gouvernementl’ambiance était devenue mortifère et le moral des troupes était tombé au plusbas de peur que le statut quo ne soit maintenu. Fort heureusement, dira-t-il,le Président de la République qui a opté pour la rupture, a tranché en faveurde celui des deux ministres qui avait acquis le plus de crédit au sein del’appareil diplomatique algérien. 

 Sous le sceau de l’anonymat, plusieurs diplomates ont acceptéégalement de livrer leur appréciation, parfois même leur expérience, du passagede Lamamra en tant que Ministre des Affaires étrangères. De manière générale,ils n’ont pas contredit Halim Benatallah en ce sens que le MAE sortant a pêchépar les mêmes erreurs qu'il avait commises lors de son passage en tant queSecrétaire Général du MAE sous Mohammed Bédjaoui de 2005 à 2007. Pourtant,cette expérience aurait dû lui servir, s’étonnent-ils tous. 

On nous révèle que les prémices de l’échec de Lamamra à la têtedu Département des Affaires étrangères sont apparues dès les premiers mois deson installation, à travers un manque de soin et de profondeur apportés à lapréparation des dossiers des activités diplomatiques présidentielles interneset externes et une gestion plus qu’aléatoire de l’appareil diplomatique où l’onconstatait notamment l’absence totale de consultation interne dans lesdécisions touchant les dossiers politiques et les réajustement au sein del’appareil diplomatique. Ajouté à cela, un mépris consommé des critèresd'objectivité, d’équité et d’égalité dans la gestion des carrières desdiplomates.

On nous explique notamment que dans toute gestion il y a desrègles générales qui régissent le processus de prise de décision, puis il y ales exceptions qui sont le fait plus ou moins accepté du pouvoirdiscrétionnaire du Ministre. Dans le cas de Lamamra, ces règles ont étéinversées voire carrément balayées d’un revers de la main. 

Ainsi, on nous rappelle que les écarts et les échecs se sontaccumulés au grand dam des diplomates et de la Présidence de la République quiavait, au moment de sa nomination en 2013, fondé énormément d’espoir sur lescapacités escomptées du diplomate Lamamra.  

 Le choix des hommes et des femmes :

Il n’est un secret pour personnes que la bonne gouvernance et lesuccès de toute politique dépend du choix des hommes et des femmes choisis poursa mise en œuvre. En cela, nous dit-on, toute la posture de Lamamra à l’égardde la gestion d’un département qui, en principe, ne lui était pas inconnu, futbasée sur de faux calculs. Des collègues avertis et soucieux de le voir réussirsa mission, lui avait déjà signalé le mauvais départ durant ses premiers moisquant il avait procédé à la constitution de l’équipe qui devait le seconder etassurer le suivi de son plan de travail. En fait, nous explique-t-on, sestoutes premières décisions prises lui seront fortement préjudiciables tout aulong de son séjour au Palais des Annassers et jusqu’à son départ définitif.  

Le premier cas sans doute le plus révélateur fût sa décision denommer, et contre toute attente, le très controversé porte-parole du MAE. Cettenomination a choqué au sein de la corporation d’autant que l’intéressé nejustifiait d’aucune expertise particulière dans le domaine de la communicationet était connu de surcroit par son absence de diplomatie comportementale tout àfait incompatible avec la mission dont il a été investi. D’ailleurs, il ne tarderapas à griller toutes ses cartes avec le monde des médias y compris les médiaspublics dont il était censé incarner l’interface privilégié au nom du MAE. Il avite révélé à l’opinion son caractère agressif, impulsif et insouciant desconséquences de ses actes, diront certains journalistes.

Nous avons voulu comprendre le pourquoi d’un tel choix de lapart de Lamamra. Des diplomates nous ont confié qu’il s’agissait bien là dupremier faux calcul fait par ce dernier qui, voulant amadouer un anciensyndicaliste et prévenir toute tentation de sa part de lui perturber lasérénité d’un Ministère de souveraineté, a décidé de le nommer à la tête d’unestructure dont il pensait maitriser lui-même toutes les ficelles, enl’occurrence l’Information et la Communication. 

Cela a valu à Lamamra sa première note éliminatoire, car il n’apas tardé, contrairement à tous ses calculs, à devenir le Ministre des AffairesEtrangères qui a enregistré, en un temps record, le plus grand nombre de grèveset de sit-in des personnels des Affaires étrangères dans lesquels avaientparticipé même des cadres supérieurs du Ministère nommés par décret !

S’en est suivi, nous dit-on, une série de nominations à despostes aussi stratégiques que prestigieux à l’instar de New York, de Moscou etde Bruxelles, dans lesquels le choix des tempéraments et des aptitudes deshommes est plus déterminant que les affinités avec le Ministre. Là également,nous dit-on, Lamamra s’est distingué par les mauvais choix que nous connaissonset qui continuent de grever le rendement de notre appareil diplomatique.

A New York, Lamamra a préféré nommer un homme proche et deconfiance qui ne disposait malheureusement pas de la personnalité et ducaractère trempé requis pour un aussi grand poste multilatéral. Timide etréservé, l’Ambassadeur Sabri Boukadoum continue d’avoir de sérieusesdifficultés à assumer la mission délicate de Représentant permanent à New York.

A Bruxelles où la technicité des dossiers qui nous lient àl’Union européenne aurait commandé le choix d’un diplomate bucheur, discret etpeu hâbleur, Lamamra a préféré nommer un cadre à la personnalité extravertieexagérément portée sur l'exhibitionnisme médiatique au détriment du travail decoulisse.

Toujours durant ses cent premiers jours, et alors qu’il nesouffrait d’aucun bicéphalisme qui aurait pu entraver sa mission ou justifierses errements, Lamamra décide de créer, sans permission de l'autoritésupérieure, une douzaine d’antennes diplomatiques au statut hybride à traversles quatre continents. On nous a précisé qu’aucune consultation n’a été menéeavec les hauts responsables du Ministère pour, à tout le moins, déterminer lescritères géopolitiques de l’emplacement de ces antennes ou évaluer leuropportunité. L’ouverture de postes à l’instar de Kingston en Jamaïque ou de Riode Janeiro au Brésil demeurera une énigme à ce jour en dépit des longuesenvolées rhétoriques déployées, à posteriori, par le porte-parole du MAE pourjustifier ces bureaux dont le budget annuel dépasse les 100.000 euros.

Il faut cependant dire que d’anciens diplomates estiment quel’ouverture d’ambassades ou de consulats dans d’autres pays aurait étébienvenue à l’instar de Shanghai en Chine qui dénombre aujourd’hui plus d’unecentaine de consulats généraux et où l’ensemble des pays occidentaux y sontreprésentés compte tenu de l’importance de cette ville dans l’économiemondiale. En réalité, nous confie-t-on, la création de ces postes, conçue dansla plus grande discrétion, était destinée à placer des personnes bénéficiantd'une sollicitude purement népotique de la part du Ministre…

Les mouvements diplomatiques opérés par Lamamra en 2014 et 2015ont également apporté leur lot de surprises, puis de déceptions, y compris auMinistre lui-même, confient ses proches. De nombreux chefs de postes nommés àl’occasion de ces Mouvements ont vite prouvé leur inaptitude à assumer etassurer avec résultat. Certains d’entre eux n’ont pas tardé à garnir les pagesde la presse à scandales comme ce fut le cas à Montréal, Istanbul, Londres, etailleurs.

Le dossier Afrique : Lamamra aurait-il fait tout faux ?

A cette question, ses collègues répondent malheureusementoui ! De l’adhésion surprise du Maroc à l’UA jusqu’au ratage du foruméconomique africain en passant par les séminaires africains «Paix et Sécurité»organisés annuellement à l’initiative de Lamamra mais qui n’avaient aucunerésonance palpable sur les travaux du Conseil de sécurité de l’ONU ni sur lacoordination interafricaine et la collecte d’informations stratégiques.  

A l’Union Africaine, on lui reproche de ne pas avoir vu venir lamanœuvre du Maroc, alors qu’il a longtemps été Commissaire «Paix et Sécurité»au sein même de cette institution. Cela dénote à tout le moins d’un faibleréseau de communication et d’information tissé durant cette période. Sinoncomment expliquer l’effet surprise du débarquement du Maroc à l’UA et sonadhésion passée comme une lettre à la poste.

Le forum africain d’investissements a également révélé lesfaibles capacités de gestion de l’équipe installée par Lamamra pour préparerces assises qui ont tourné au scandale lors de la cérémonie d’ouverture. Làégalement, reprochent ses collègues, «gouverner c’est prévoir» et un diplomatechevronné ne doit rien laisser au hasard, supervise de près les chantiers qu’illance, buche ses dossiers et voit venir lorsque ça sent le vinaigre. Maismanifestement, cela ne semble pas être le fort de Lamamra de voir venir…

Qu’en est-il de la gestion financière des Affaires ?

Elle n’était pas en reste dans les critiques et commentaires descollaborateurs de l’ancien MAE. A titre d’illustration, on nous indique que leMinistère a dû changer de contrôleur financier à trois reprises en l’espaced’une seule année. Pour cause, des irrégularités de gestion financière que toutcontrôleur financier n’est pas prêt à endosser. Des dépenses inutiles, desredites et des rallonges. Certains dossiers de médiations internationales ontcoûté très cher à la République, confie évasivement un diplomate. Et pour quelrésultat ? 

Pour résumer, un diplomate nous dira que Lamamra a toujours étéun bon communicateur avec tendance à la diplomatie «spectacle». D’ailleurs, ilse prête avec brio et en toute circonstance au jeu des caméras et aux questionsdes journalistes. Mais sa négligence de l’effort de gestion des ressources, dematuration des dossiers et surtout de la sensibilité du choix des hommes et desfemmes sur la base du mérite et de l’obligation de résultat indépendamment dessentiments et des affinités, demeure et demeurera toujours son talentd’Achille. 



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