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Pour mettre fin aux scandales financiers, nécessité d'un contrôle transparents et d’une vision stratégique de la politique socio-économique

20-04-2015 20:05  Contribution

Les différents procès récents de Sonatrach, l’ autoroute Est-Ouest sans compter d’autres scandales financiers  souvent non médiatisés  par la presse,  la baisse vertigineuse des réserves de change,  montrent  l’urgence  d'une meilleure gestion, du  contrôle efficace qui doit avant tout se fonder sur un Etat de droit, avec l’implication des citoyens à travers la société civile, une véritable opposition sur le plan politique, une véritable indépendance de la justice, des organismes techniques indépendants, tout cela accompagné par une cohérence et visibilité dans la démarche de la politique socio-économique et donc d’  un renouveau de la gouvernance.

1.-Si l’on veut lutter contre la corruption à travers les surfacturations, les transferts illégaux de capitaux, rendre le contrôle plus efficient, il y a urgence de revoir le système d’information qui s’est totalement écroulé depuis plus de 30 ans, posant la problématique d’ailleurs de la transparence des comptes, y compris dans une grande société comme Sonatrach. Il est anormal qu’un organisme  comme l’ ONS soit sous la tutelle d’un simple ministre.  Ayant eu à diriger plusieurs  audits financiers sur Sonatrach pour le compte du  gouvernement  avec l’ensemble des responsables du Ministère  de l'Energie et cadres de Sonatrach et d’experts, la première fois, jeune docteur d'Etat à l'age de 26 ans, entre 1974/1977, 1990/1994, puis entre 2004/2005,  il nous a été impossible à chaque fois, de cerner avec exactitude la structure des coûts de Hassi R’mel et Hassi Messaoud tant du baril du pétrole que le MBTU du gaz arrivé aux ports,  la consolidation  et les comptes de transfert entre la division amont, la division canalisation et la division aval  de Sonatrach faussant la visibilité et la transparence des comptes. Sans une information interne fiable, tout contrôle externe est difficile et dans ce cas la mission tant du parlement que de la Cour des comptes serait biaisée. Dans les administrations, disons que c’est presque impossible, du fait que leurs méthodes de gestion  relèvent de méthodes du début des années 1960 ignorant les principes élémentaires de la  rationalisation des choix budgétaires. Dans son rapport rendu public dont la presse algérienne s’est fait l’écho le 7 novembre 2012 le rapport de la Cour des comptes met en relief la mauvaise gestion des deniers publics et le manque de transparence. Le rapport  dénombre 105 comptes spéciaux du Trésor, dont 16 n’ont pas connu de mouvements. Le nombre de comptes d’affectation spéciale reste prépondérant avec 77 comptes, soit 73% des CST. Pour les autres catégories, il est recensé 11 comptes de prêts, 9 comptes de participation, 4 comptes d’avance, 3 de commerce et un compte d’affectation spécial «dotation». Les ministres des Finances, de l’Agriculture, de la Culture, de l’Intérieur, de l’Industrie et de la PME se sont vu confier la gestion de 35 comptes, soit 45% de la liste en vigueur. Les investigations de la Cour des comptes ont mis en exergue, la gestion défectueuse  des comptes d'affectation spéciale (CAS), étant  sollicités pour la réalisation des projets inscrits dans le cadre des plans quinquennaux 2004-2009 et 2009- 2014. Le rapport note outre la non-conformité aux principes de la comptabilité publique et aux dispositions de la loi, concernant tant les objectifs assignés, que la réalisation de projets et de programmes, afférents au budget d’équipement par l’intermédiaire des CAS. La quasi-totalité des CAS n’a pas été réalisé malgré le soutien de l’Etat et le volume des subventions. De plus, les banques ne produisent pas les états faisant apparaître la liste des bénéficiaires (particulier ou organisme) des bonifications sur les crédits accordés. Il a été noté également les insuffisances du contrôle fiscal. Sur un nombre de 376.770 dossiers fiscaux, 1465 ont été programmés pour la vérification de la comptabilité, le rapport soulignant les insuffisances et les dysfonctionnements relevés, faute de programme de modernisation de l'administration fiscale. Pour le seul exercice 2010, selon la Cour des comptes, le ministre des finances a déclaré un montant exorbitant de 430 MDA, (près de 5 milliards de dollars) au titre des dépenses fiscales sans pour autant décliner la base de calcul, ni fournir de détails ou d'explications sur les segments d'activité et les bénéficiaires pour lesquels celles-ci avaient été consenties. La Cour des comptes note également dans son rapport que le taux de recouvrement des impôts est très faible.  À titre indicatif et pour les seuls restes à recouvrer (RAR) portant sur l’IRG et l’IBS, leurs montants ont totalisé 543 milliards de dinars à fin 2010.  La contribution des entreprises nationales à l’IBS n’est que de 44,885 MDA, soit 17 %, les 83 % restant, soit plus de 210 MDA, sont réalisés avec des entreprises étrangères par voie de retenues à la source. Plus grave, le document  fait état de détournements et l’opacité dans la gestion des dossiers du microcrédit, une bonne partie de ces dépenses étant  constituée par des exonérations fiscales, dans le cadre de mesures incitatives introduites par les différentes lois de finances afin d'encourager l'investissement et l'emploi. Malgré l'importance des exonérations accordées, le suivi des projets retenus n'a pas été au rendez-vous. L'absence de contrôle a encouragé certains promoteurs à ne pas respecter leurs obligations ou engagements. Cette situation s'est aggravée par une défaillance dans la coordination des différents intervenants, Douanes, Impôts, Ansej et Andi. Ce qui a amené certains investisseurs à détourner les projets de leur destination initiale et, dans certains cas, à la cession des équipements acquis dans ce cadre.

2.-D’une manière générale, et au vu de la situation actuelle,  il est évident que  l’impact de la dépense publique, montant colossal    est très mitigé comme le montre la disproportion avec le  taux de croissance période d’une moyenne  de 3% entre 2000/2014 alors qu’il aurait du être de plus de 10%. Rappelons que selon le rapport de la banque mondiale, globalement tenant compte des importations et exportations de 2014,  les recettes de Sonatrach ont été de 760 milliards de dollars entre 2000/2014, plus environ 20 milliards de dollars hors hydrocarbures durant cette période, nous aurons  une exportation totale d’environ  780 milliards de dollars. Les importations des biens et services ont été de 602 milliards de dollars et uniquement pour 2014 selon la banque d’Algérie plus de 71 milliards.  La différence sont  les réserves de change estimées à 178 milliards de dollars fin 2014 non compris les 173 tonnes d’or, ayant puisé 15,6 milliards de dollars de réserves de change durant le second semestre 2014.  Dans un rapport élaboré le 27 février 2013, repris par l’agence officielle algérienne APS, de la Caisse nationale d’équipement pour le développement (CNED), il est mentionné qu’uniquement que les grands projets (non compris les petits projets , ni ceux de Sonatrach/Sonelgaz non inclus dans le calcul) inscrits au titre du plan de relance économique 2004/2009 ont connu un surcoût global de 40% pour l’ensemble de ces projets, c’est-à-dire un surcroît d’argent public de l’ordre de 1 050 milliards de dinars, (plus de 13 milliards de dollars).  Le rapport note que le maître d’ouvrage élabore souvent une offre financière et un délai de réalisation prévisionnel en croyant qu’il maîtrise tous les facteurs qui entourent son projet, ne prenant pas en considération des contraintes,  ce qui engendre des réévaluations des autorisations de programmes récurrentes et coûteuses pour le budget de l’Etat. Le manque de maturation des études n’est pas le seul obstacle des réévaluations. Ces difficultés sont généralement liées à la libération des assiettes foncières et des emprises, aux retards dans le déplacement des réseaux divers, le retard dans le choix et l’installation des bureaux et suivi de contrôle des travaux, la faiblesse des capacités nationales de gestion et de suivi des grands projets, la  non-maîtrise» des prix en Algérie en raison de l’existence de «marchés déstructurés».

3.-Qu’en a-t-il été en réalité  du contrôle  et la lutte contre la corruption, devant  s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire, c'est-à-dire le fonctionnement réel de la société, l’Algérie ayant les meilleures lois du monde mais rarement appliquées ,  avec des institutions de contrôle  qui se télescopent dont certaines dépendant  de l’exécutif étant juge et partie alors que leur indépendance est primordiale. Ainsi a été adoptée entre 2010/2012 la Loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption prévoyant la création d'un office central de répression de la corruption (OCRC), qui vise «la consolidation des règles de transparence, de probité et de concurrence loyale concernant les marchés publics. Comme il a été procédé durant cette période à l'adoption d'autres textes de loi traitant, également, de la lutte contre la corruption, ainsi qu'à la répression des infractions de change et des mouvements des capitaux  vers l'étranger.  Dans tous les pays du monde où existe un Etat de droit, la Cour des comptes est une institution hautement stratégique et est composé de 100 magistrats financiers ne pouvant pas contrôler environ 17.000 entités (administration et entreprises publiques), notant qu’uniquement le contrôle de Sonatrach nécessiterait 200 magistrats financiers. Ayant eu l'occasion de visiter ces structures au niveau international et de diriger en Algérie par le passé ( en 1982 pendant la présidence de feu docteur Amir, ex-secrétaire général de la présidence de la république ), trois importants audits sur l'efficacité des programmes de construction de logements et d'infrastructures de l'époque, sur les surestaries au niveau des ports et les programmes de développement des wilayas, en relation avec le ministère de l'Intérieur, et celui de l’Habitat assisté des 31  walis de l’époque, je ne saurais  trop insister sur son importance en évitant, comme par le passé, qu'elle ne soit pas instrumentalisée à des fins politiques, expliquant d’ailleurs ma démission fin 2003. Comme je ne  ne saurais trop insister que le contrôle efficace doit avant tout se fonder sur un Etat de droit, avec l’implication des citoyens à travers la société civile, une véritable opposition sur le plan politique, une véritable indépendance de la justice, tout cela accompagné par une cohérence et visibilité dans la démarche de la politique socioéconomique,  un renouveau de la gouvernance au niveau global afin de délimiter clairement les responsabilités. Concernant les responsabilités, il y a lieu de tenir compte que l'Algérie est toujours en transition depuis 1986 ni économie de marché, ni économie planifiée, existant un lien dialectique entre la logique rentière bureaucratique et l’extension de la sphère informelle qui draine plus de 50% de la masse monétaire en circulation et accapare autant pour la superficie économique ( voir mon étude réalisée pour l’Institut Français des Relations Internationales IFRI décembre 2013 – « poids de  la sphère informelle au Maghreb). C'est cette interminable transition qui explique les difficultés de régulation, avec une tendance nettement affirmée, depuis 2009, à un retour à la gestion administrée bureaucratique, posant d'ailleurs la problématique de la responsabilité du manager de l'entreprise publique en cas d'interférences ministérielles, donc du politique, où la loi sur l’autonomie des entreprises publiques de 1990 n’a jamais été appliquée, car la majorité des cadres algériens sont honnêtes. Dans ce cas, la responsabilité n'est-elle pas collective et renvoie au blocage systémique, les managers prenant de moins en moins d’initiatives ? Cela explique la bureaucratisation de la société et la déperdition  des entreprises productives.

Et pour conclure:-Sans vision stratégique en ce monde turbulent, instable, mondialisée,  certains responsables habitués à dépenser,  rêvent du retour d’un cours du pétrole à plus de 100 dollar  alors que d’autres  pensent que des lois ou nouvelles organisations, avec  des changements  de cadres  juridiques  qui ont un coût important en plus de la démobilisation, peuvent changer le fonctionnement de la société. L’histoire économique mondiale montre clairement  que  sans entreprises publiques, privées locales ou internationales créatrices de valeur ajoutée interne, compétitives  en termes de coût et qualité , sans la valorisation de la connaissance,  dans le cadre des  filières  internationales, un pays  peut  investir des dizaines  de milliards de dollars dans les infrastructures qui ont constitué plus de 70% de la dépense publique entre 2000/2014 en Algérie , qui ne constitue qu’un moyen , sans connaître de développement, voire régresser. Ainsi, si l'Algérie échoue à diversifier leur économie en  différant  les réformes institutionnelles et microéconomiques, le cadre macroéconomique actuel étant artificiellement stabilisé par la rente des hydrocarbures, au rythme de la dépense publique, l’on irait  vers l’épuisement du fonds de régulation des recettes   et des réserves de change. Nous aurons les séquences suivantes : épuisement successivement du fonds de régulation des recettes, des réserves de change, pénurie de recettes fiscales, des difficultés croissantes pour financer les importations, les investissements publics et la demande sociale en  récession, le retour à l’inflation avec l’inévitable dévaluation officielle du dinar, la  détérioration du pouvoir d’achat de la majorité et  la progression du chômage. Comme conséquence finale une diplomatie en berne, l’Algérie ne pourra jouer le rôle de stabilisateur au niveau de la  région, et des  troubles sociaux avec des possibilités d’interférences étrangères. Espérons que la  raison l’emportera pour nous éviter ce scénario. Une explication du gouverneur de la banque d’Algérie s’impose avec cette information inquiétante  en date du 19 avril 2015 oùselon les données du FMI reprises par l’agence américaine Bloomberg, les réserves de change de l’Algérie ont baissé de 11,6 milliards de dollars en janvier 2015,  après avoir puisé 15,6 milliards de dollars entre juillet et décembre 2014. Les réserves se sont établies  à 178, milliards de dollars fin 2014, ne restant donc au 31/12/2015  que 156 milliards de dollars. A ce rythme, les avoirs du pays en devises étrangères seront consommés en 15 mois  selon  Bloomberg.  Quand nos responsables, loin de la culture rentière bureaucratique  comprendront que la structure des sociétés modernes qui dominent le monde se bâtit d'abord sur une morale,  le développement des libertés fondement de toute initiative  créatrice, en fait  les principes universels de bonne gouvernance.

 Dr Abderrahmane MEBTOUL -Professeur des Universités, Expert International

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Abderrahmane MEBTOUL -Professeur des Universités, (docteur d’Etat –expert comptable 1974) - Expert InternationalAncien haut  magistrat (premier conseiller) et directeur général du département des études économiques à la Cour des Comptes (1980/1983) 

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