Algérie 1

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Pour assurer la transition économique et réduire les tensions sociales, dynamiser l’investissement privé productif local et étranger

29-03-2013 22:53  Contribution

Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur des Universités, Expert International en management stratégique

L’illusion du bureaucrate est de gouverner en s 'appuyant sur une société minoritaire sans concertation, en ignorant la société majoritaire , de croire qu’un changement de lois est la seule solution alors qu’il s‘agit d’agir sur le fonctionnement de la société. Or un changement de textes juridiques n’apporterait rien de nouveau, si l’on maintient le cap de l’actuelle gouvernance politique et économique

1.-. Les remous sociaux qui touchent toutes les régions du pays montrent clairement les limites de cette politique où avec une dépense publique de 500 milliards de dollars entre 2004/2013, nous avons un t aux de croissance dérisoire, en moyenne d’à peine 3% alors qu’il aurait du être de 10/15%. Les réserves de change de 200 milliards de dollars non compris les réserves d’or de 173 tonnes (paradoxe le même stock, à ne pas confondre avec la valeur ) en 2013 qu’en 2009 alors qu’existe une importante production dans le Hoggar, dont 86% placées à l’étranger , à un taux fixe de 3% pour les bons de trésor américain et en obligations européennes, 0,08% pour ceux placés au FMI ( environ 9 milliards de dollars y compris le récent prêt de 5 milliards de dollars ) ne doit pas faire illusion.. Il est maintenant admis comme je l’annonçais déjà dans maintes contributions en 2006, qu’ à l ’horizon 2020 l’Algérie sera importatrice nette de pétrole et qu’horizon 2025/2030 importatrice nette de gaz conventionnel au moment où la population atteindra 50 millions d’habitants Un pays peut découvrir des milliers de gisements mais non rentables économiquement du fait de l’actuelle transition énergétique notamment la concurrence de nouveaux producteurs , la révolution du gaz de schiste et d’autres sources d’énergie, dont les renouvelables, les réserves se calculant selon le couple cout/vecteur prix international.

2.-Sans changement de système politique et une nouvelle orientation économique, il ne sert à rien de changer de personnel politique Les Algériens et les étrangers voient toujours les mêmes têtes depuis plus de 13 ans, certains ministres étant en fonction depuis 30 ans, sans bilans avec des permutations perpétuelles, comme si l’Algérie était stérile avec ce discours lassant et qui ne porte plus, on prépare la relève pour la jeunesse. L’essentiel est d’éviter l’inertie. Or, les enquêtes des instituts de psychologie du travail internationaux montrent clairement que pour les managers économiques (PDG de grandes entreprises) ou des managers politiques (ministres), qu’au delà de cinq années, pour 75% de cas, 25% étant des femmes ou hommes exceptionnels - ils deviennent amorphes et incapables d’innovation, avec le risque de s’entourer d’une cour aussi stérile d’où le danger d’une inertie générale alors que le monde évolue. Cela explique que souvent dans les grands pays démocratiques on limite les mandats présidentiels à deux. En dynamique, une nation qui n’avance pas recule forcément, la maîtrise du temps étant le principal défi des gouvernants au XXIème. Il semble bien que la majorité de nos dirigeants ne tiennent pas compte de ce facteur temps, surtout que les réserves d’hydrocarbures iront vers l’épuisement dans 20/25 ans au maximum, posant l’urgence d’un nouveau modèle de consommation énergétique

3.- Comme analysé dans plusieurs de mes contributions, le gouvernement invoquant la crise économique, prône le patriotisme économique. Mais que l’on s’entende bien sur ce mot en évitant la confusion du fait de l’ancienne culture bureaucratique entre le tout Etat, la diabolisation du secteur privé national et international, et un rôle plus accrue de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché. C’est une différence de taille pour toute politique économique fiable devant tenir compte de cette dure réalité, malgré la crise mondiale, d’une économie de plus en plus globalisée. Il ne s’agit pas d’opposer le secteur d’Etat au secteur privé mais de soumettre le secteur d’Etat aux principes de l’efficacité dans un environnement concurrentiel supposant un management stratégique et non une gestion administrative. Lorsqu’on sait que l’assainissement des entreprises publiques en Algérie a coûté au Trésor public plus de 50 milliards de dollars entre 1971/2012 sans résultats probants, 70% des entreprises publiques étant revenues à la case de départ alors que ces montants auraient pu être consacrés à la création de nouvelles entreprises dynamiques de quoi créer tout un nouveau tissu productif et des millions d’emplois à valeur ajoutée. Bon nombre d’institutions internationales classe l’Algérie à un niveau déplorable entre 2006/2013, classement qui ne reflète pas les potentialités énormes du pays. Les experts nationaux ont tous souligné le poids de la bureaucratie, l’instabilité juridique et le manque de clarté dans les nouvelles dispositions du gouvernement algérien.

4.-C’est dans cet esprit sans études d’impacts qu’ont été prises les décisions du passage sans transition du Remdoc au Crédoc (crédit documentaire), qui n’ont pas eu d’impacts ni sur la traçabilité (existant déjà au niveau du Remdoc) ni sur la baisse de la valeur des importations tout en pénalisant la majorité des PMI/PME constituant 90% du tissu productif. Comme la décision depuis la loi de finances complémentaire 2009 de la règle des 49/51% qui pourrait s’appliquer uniquement aux secteurs stratégiques. Pour les autres secteurs, il fallait privilégier une balance devises excédentaires, l’apport technologique et managérial par un partenariat gagnant /gagnant donnant une valeur ajoutée interne positive. Ce qui a entrainé une chute des idE entre 2009/2012 hors hydrocarbures sans compter les litiges au niveau des tribunaux internationaux, une loi n’étant jamais du point de vue du droit international rétroactive sauf si elle améliore la précédente. Par ailleurs, le changement perpétuel de cadres juridiques a démobilisé tant les cadres du secteur économique public que les opérateurs privés nationaux et internationaux qui n’ont pas eu la visibilité nécessaire pour investir à terme se réfugiant par conséquent dans le commerce. Cela montre clairement la dominance de la vision administrative et non économique liée à l’absence de cohérence dans la démarche de la réforme globale, renvoyant au blocage systémique intiment lié aux aspects de gouvernance (Etat de droit notamment) du fait que l’on ne peut isoler la gouvernance de l’entreprise de la gouvernance globale. C’est que l’Algérie est toujours dans cette interminable transition depuis 1986 vers l’économie de marché où cohabite une gestion administrée toujours dominante avec des embryons de libéralisation anarchique. Comme en témoigne le poids de la bureaucratie, la corruption qui se socialise (renvoyant à la refonte de l’Etat), la léthargie du système financier, l’épineux problème du foncier et enfin l’inadaptation du système socio-éducatif. La dominance des emplois/salaires rentes (dévalorisation du savoir) montre l’absence d’une politique salariale fondée sur le travail et l’intelligence malgré des discours que contredisent les pratiques sociales.

5.-La régionalisation économique au sein d’un espace équilibré et solidaire, au sein de chambre de commerce régionales me semble la plus apte à dynamiser l’investissement productif à ne pas confondre avec le régionalisme avatar de l’esprit rentier qui remet en cause l’unité nationale. La chambre qui regrouperait l’Etat, les entreprises publiques/privées, les banques, les centres de formation professionnelle, et les universités/centres de recherche. L’action des chambres de commerce, lieu de concertation mais surtout d’impulsion pour la concrétisation de projets serait quadruple : premièrement, dynamiser les infrastructures de base et préparer des sites confiés à des agences de promotions immobilières publiques et privées ; deuxièmement, mettre à la disposition des sociétés une main-d’œuvre qualifiée grâce à un système de formation performant et évolutif allant des ingénieurs, aux gestionnaires, aux techniciens spécialisés et ce, grâce aux pôles universitaires et des centres de recherche, évitant ce mythe d’une université par wilayas. Exemple la chambre de commerce offrirait un poste pour 10 candidats en formation, les 90 % non retenus ne constituant pas une perte pour la région. L’apprentissage en dynamique est un capital humain pour de futures sociétés qui s’installeraient dans la région, une société installée payant des impôts qui couvriront largement les avances en capital de la formation avancée. Cette formation devra être adaptée pour tenir compte de la norme qualité standard, le label qualité étant exigé pour tout exportateur (y compris le Maghreb) en direction de la CEE, des USA ou de l’Asie. Ainsi, nous assisterons à une symbiose entre l’université et les entreprises. Car les sociétés ont besoin de l’accès aux chercheurs, aux laboratoires pour les tests d’expérimentation et l’université a besoin des sociétés comme support financier et surtout d’améliorer la recherche. Les étudiants vivent ainsi la dialectique entre la théorie et la pratique ;la troisième action est de favoriser des entreprises souples reposant sur la mobilité et les initiatives individuelles ; la quatrième action, à travers cette structure régionale animée par la chambre de commerce, lieu de concertation et de dialogue , intensifier les courants d’échange à travers différentes expériences entre les régions du pays et l’extérieur et l’élaboration de tableaux de prospectifs régionaux, horizon 2015/2020. La mise à la disposition des futurs investisseurs de toutes les commodités nécessaires ainsi que des prestations de services divers (réseau commercial, loisirs) est fondamentale Cette symbiose entre ces différentes structures et certains segments de la société civile doit aboutir à des analyses prospectives fondamentales d’orientation des futures activités de la région.

6.-Car, l’Algérie a deux options : soit satisfaire distribuer la rente sans contreparties productives, en croyant créer des emplois par décret alors que cela relève de l’entreprise, c’es tune loi économique, allant ers un suicide collectif, ou aller vers une mutation systémique avec de nouveaux réseaux crédibles. Et si l’on veut avoir des impacts sur la société, les anciens étant incapables de mobiliser et de sensibiliser, laissant lors d’émeutes les citoyens face aux services de sécurité. Sans intermédiation crédible de réseaux politiques, économiques et sociaux, combinée avec la panne économique où tout est irrigué par les hydrocarbures, 98% des exportations et important 75% des besoins des entreprises et ménages, donnant des taux de croissance et de taux de chômage fictifs, cela ne peut que conduire à une déflagration sociale à terme, le mal étant avant tout en nous évitant de brandir ce slogan qui ne porte plus « l’ennemi extérieur » qui ne peut agir qu’en cas de faiblesse du front social intérieur. L’Algérie, qui pourtant a d’importantes potentialités pour assurer la transition démocratique, toujours en gestation depuis la révolte sociale de 1991, ne saurait invoquer sa spécificité face aux tensions qui la secouent et secouent le monde en général et devrait méditer les nouvelles mutations géostratégiques mondiales, ne devant pas rendre à la légère les évènements notamment du Sud, où nous avons assisté au rejet des députés et des notables proclamés par l’Etat comme moyen d’intermédiation par les citoyens. D’où l’urgence d’une profonde reconfiguration politique, loin des visions centralisatrices. Avec l’avènement d’Internet qui modèle l’opinion et l’entrée des sociétés civiles, ces discours ne portent plus ce qui préfigure d’ailleurs une reconfiguration des nouvelles relations internationales prenant en compte les exigences de dignité et de liberté au niveau des populations. La répartition inégalitaire des richesses et la corruption d’une certaine caste, favorisent largement le terrorisme et l’islamisme radical. Aussi, comme je viens de le démonter dans une récente conférence à Paris (1), je pense qu’il faille miser sur l’investissement privé productif local et étranger, pouvant être élargi dans le cadre d’un partenariat gagnant /gagnant au secteur d’Etat concurrentiel, pour assurer la transition économique et politique (l’économie étant avant tout politique). C’est la condition afin de réduire les tensions sociales qui deviennent de plus en criardes, les bouleversements géostratégiques entre 2013/2020 impliquant que l’Algérie s’insère au sein de l’espace euro-méditerranéen et euro –africain, l'Afrique étant le continent de l’avenir horizon 2030 qui tirera la croissance de l’économie mondiale.. [email protected]

(1)-Voir intervention ronéotypé - du professeur Abderrahmane Mebtoul : « L’Algérie doit dès maintenant préparer l’après hydrocarbures en dynamisant le tissu productif grâce à un partenariat gagnant-gagnant» Paris le 21 mars 2O13 suite à l’invitation lors de la Confédération française des PME-CGPME et l’ACFA92 (Association pour la Coopération Franco Algérienne)



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