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Polémique autour des propos du Premier ministre : le devenir de l’école conditionnera l’avenir politique et économique de l’Algérie

03-09-2013 11:05  Contribution

Une polémique a lieu actuellement en Algérie suite aux propos du premier ministre algérien Abdelmalek Sellal en date du 01 septembre 2013, qui aurait dit qu’il fallait privilégier les sciences exactes au détriment de la poésie si l’on veut aller vers un réel développement.

1. Certains, déformant les propos du Premier ministre veulent occulter les vrais problèmes qui sont le niveau alarmant de l’école algérienne avec des surcharges qui rendent impossible un suivi sérieux. Etant professeur à l’université depuis 1974 dans les sciences de gestion, et parlant en connaissance de cause, j’ai pu constater au fil des années de ma carrière l’effritement du niveau de mes étudiants de fin de licence et parfois en magister qui d’ailleurs ne maîtrisent ni l’arabe, ni le français et encore moins l’anglais, excepté pour environ 20%. Les nombreuses infrastructures (moyen et non comme fin) que l’on brandit souvent pour faire le bilan et le nombre n’ont jamais été à l’origine des meilleures compétences.

Et se pose cette question : gravite t-on en Algérie dans la hiérarchie pour les postes de responsabilités, en fonction des compétences ? Le manque de considération pour l’élite (mentalité de la rente) n’explique t-il pas l’exode massif de cerveaux ? Ce n’est pas la faute seulement à l’enseignement supérieur. Si l’on fait passer des élèves du primaire au lycée avec un bas niveau l’on aura au niveau de nos facultés un niveau déplorable. Et ce sont parfois des personnes de bas niveaux qui enseignent tant au niveau du secondaire qu’au supérieur, misant actuellement sur la quantité et non sur la qualité. D’où l’important d’avoir un grand ministère de l’éducation nationale avec des secrétariats d’Etat techniques afin d’assurer la cohérence et une stratégie d’ensemble qui colle aux réalités locales et mondiales.

2.-Concernant l’option de privilégier uniquement les sciences exactes, je ne pense pas pour l’avoir écouté attentivement que le Premier ministre ait usé d’un tel langage. Il faut donc nuancer et avoir une approche du juste milieu. Le poète, le philosophe , l’écrivain e le journaliste, dans leur diversité, favorisant la tolérance et la lutte contre toute forme de xénophobie sont le miroir de la société, reflet du niveau du développement. Ils permettent d’ailleurs de dynamiser certaines filières productives au XXIème siècle comme les maisons d’édition, les médias le cinéma, la musique etc ... Les plus grands savants sont d’ailleurs devenus à la fin de leur vie des philosophes se questionnant si leurs inventions ont contribué à faire avancer dans le bon sens l’humanité. Il s’agit de réaliser la symbiose entre les sciences exactes et les sciences humaines car tout processus de développement a pour but une finalité humaine.

Avec la dérive mécanique, le risque est de fabriquer des robots pouvant conduire à des comportements extrémistes dangereux. D’ailleurs, ceux qui sortent de polytechnique en France ou dans des grandes écoles spécialisés d’ingénieurs aux USA, en Europe ou en Chine sont contraints d’avoir une formation solide dans les sciences de gestion notamment en matière d’informatique, de management stratégique et ont une large culture générale. C’est qu’en ce XXIème siècle, nous ne sommes plus à l’ère de l’accumulation mécanique des années 1960/1970, mais à l’ère du primat de la connaissance, devant donc revoir notre système de formation, car les nouvelles technologies préfigurent un nouveau modèle de développement complexe, impliquant la pluridisciplinarité.

3.-C’est dans ce cadre où les sciences humaines ont une importance capitale, sans compter l’éveil de l’esprit critique du devenir de la société. On ne plaque sur une société des schémas élaborés sous d’autres cieux sans connaitre la morphologie sociale dont, l’anthropologie culturelle, d’où l’importance des différentes branches de la sociologie et de la psychologie (branche essentielle pour les études de marché et analyser les comportements). Dans toute étude de rentabilité de projet et d’analyse stratégiques de prospective, tant micro que macro d’ailleurs solidaires, l’analyse de l’environnement est déterminante afin d’organiser et formaliser l'activité de veille. Il existe un théorème en sciences politiques : 80% d’actions mal ciblées et désordonnées que l’on voile par de l’activisme, ont un impact de 20% sur les objectifs et 20% d’actions bien ciblées ont un impact sur 80%.

Aussi, aujourd’hui l'enjeu d’une Nation et sa survie impliquent de mettre en place des instruments opérationnels capables, d’identification, d’anticiper les modifications de comportement des acteurs économiques, politiques, sociaux et miliaires. Il s’agira donc de définir l'environnement pertinent, identifier les sources, détecter, analyser, diffuser l'information recueillie, se fondant sur la collecte d'information fragmentaire et qu'il est donc important de bien l'analyser. C’est dans ce contexte, que les plus grandes armées, sont organisées en réseaux et non plus en structures hiérarchiques, dont le noyau du commandement avec un rôle déterminant pour les services de renseignement, (la maîtrise de l’information au temps réel étant primordiale) regroupent des équipes pluridisciplinaires complexes où cohabitent ingénieurs, économistes, psychologues, politologues, experts de l’information, et sociologues de différentes spécialités. Vient seulement ensuite, l’opérationnel certes animé par des techniciens. Il en est de même pour toute action stratégique au niveau des présidences des grands pays.

4.-Mais que l’on s’entende bien, privilégier ou pas les sciences exactes sans relance économique s’insérant dans le cadre des valeurs internationales, en ce monde instable et turbulent, d’où l’importance de la recherche opérationnelle devant porter sur des segments à valeur ajoutée (l’administration ne crée pas de valeur) équivaut à fabriquer des chômeurs potentiels. Sans compter les nombreuses déperditions scolaires entre le cycle moyen et l’université, et les nombreux universitaires en chômage, que deviendront les 1,5 millions d’étudiants qui sortiront des universités horizon 2016/2017, une véritable bombe à retardement ? Pour l’instant c’est le statut quo, un manque de vision stratégique de la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures , devant reposer sur l’entreprise concurrentielle ( cout/qualité) et son fondement le savoir, la rente des hydrocarbures par des distributions de revenus sans contreparties productives , pour calmer le front social, ainsi que les réserves de change, richesse artificielle, étant une illusion de court terme.

Aussi, évitons les fausses polémiques, toute analyse unilatérale et attachons nous à l’essentiel à savoir un large débat national sur l’école qui déterminera la future trajectoire du développement économique, social et politique de l’Algérie an sein d’un monde en plein bouleversement, notre adaptation étant une question de survie. Pour terminer, je rappelle qu’un grand économiste indien, prix Nobel d’économie en 1998, Amartya SEN n’a t-il pas démontré que sur le long terme, existe un lien dialectique entre développement et démocratie. Et là se pose les liens dialectiques entre les sciences exactes et les sciences humaines.

Professeur des Universités, Expert International en management stratégique Dr Abderrahmane MEBTOUL 

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Nb- Abderrahmane MEBTOUL ancien émigré ayant effectué des études primaires, secondaires, une fraction du supérieur à Lille ( France) est Docteur d’Etat en Gestion ( 1974), diplômé d’expertise comptable de l’Institut supérieur de Gestion de Lille ( 1973), auteur de plus de 20 ouvrages et de plus de 500 contributions et conférences nationales-internationales dont une grande partie a été consacré aux mutations énergétiques mondiales et internationales est professeur des Universités et Expert International.



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