L'ouvrage de l'écrivain algérien Salim Bachi "Dieu, Allah, moi et les autres", qui est publié chez l'éditeur français Gallimard, a raté d'un cheveu, ce lundi 6 novembre, à Paris, le prix Renaudot de l'essai. Ce livre serait, selon les échos parus dans la presse parisienne, une sorte de témoignage sur une génération algérienne sacrifiée "précipitée dans l'abîme, qui a donné quelques artistes et beaucoup de fous, de terroristes, de criminels nourris au songe éveillé".
L'auteur dans son livre revendique son incroyance mais son essai n'est pas pour autant un pamphlet anti-religieux ni une apologie de l'athéisme. Il y fait néanmoins la distinction "entre Dieu et Allah dont le nom ne veut plus rien dire puisqu'il sert à justifier l'horreur et la barbarie". Cette stigmatisation du Dieu de l'Islam n'étonne guère, par les temps malheureux qui courent.
En Occident, aujourd'hui, et dans une partie du vaste monde (par ricochet?) c'est Dieu, en général, et pas seulement Allah, qui est voué aux gémonies et comme "personnage" positif, n'intéresse plus personne dans l'intelligentsia, et n'inspire l'œuvre d'aucun grand écrivain, à l'instar, par exemple, d'un Djalal ad-Dîn Rûmî, au 13e siècle en Asie mineure, ou un Paul Claudel ou un François Mauriac, en France au siècle dernier.
Pour des raisons liées (en gros) à la place qu'y a acquise, surtout depuis la seconde moitié du 20e siècle, la notion de liberté individuelle, l'Occident a décrété "la mort de Dieu", et son "décès" est vérifié, régulièrement depuis, dans les idées produites par ses maîtres-penseurs et ses écrivains.
Chacun peut constater, qu'à l'époque moderne, "l'homme qui réfléchit" s'est émancipé assez souvent de l'idée de Dieu et que le "fond de l'air du monde" et le "vacarme" qu'il produit, ont rendu inaudible la Parole divine.
Dieu est la plus grande "victime" de l'histoire moderne de l'humanité. Il n'est plus le moteur du monde, et pour certains, il en est même le frein. La réussite de "l'Occident sans Dieu" fascine une bonne partie de l'intelligentsia des pays musulmans où la passion de Dieu a été dévoyée par le fanatisme, la violence et les conséquences de la misère sociale et intellectuelle, où on ne soupçonne plus le visage de Dieu dans la simple fraternité quotidienne, dans la beauté et l'intelligence gagnées au jour le jour.
"On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments" prédisait un dicton célèbre. Le territoire des mots autres que prophétiques, est, par excellence, le lieu du doute et de la transgression. De ce point de vue, Dieu ne sera jamais un bon sujet pour un écrivain, sinon comme bouc-émissaire.
Rappelons, tout de même, pour conclure, qu'après avoir "écrit" (si on peut dire) quelques Livres, le Seigneur des mondes a décidé de se taire. Et Dieu sait que ce silence est troublant et qu'il n'arrête pas de hanter, d'une manière ou d'une autre, le discours des hommes.