Les diplomates des grandes puissances et de l'Iran ont repris mercredi de délicates discussions sur le programme nucléaire iranien, dans un climat de «confiance perdue» selon les négociateurs iraniens à Genève tandis que, depuis Téhéran, le guide suprême a lancé une charge contre Israël et ses «soutiens».
Le président français, François Hollande, a vivement réagi, affirmant que «l'Iran doit apporter des réponses et pas des provocations».
Signe ou pas de cette crise de confiance ? L'unique réunion plénière entre l'Iran et les grandes puissances du groupe 5+1 (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine et Allemagne) s'est achevée après moins de 10 minutes mercredi en fin d'après-midi aux Nations unies à Genève.
«C'était une brève séance introductive», a commenté un diplomate. Des réunions bilatérales se sont poursuivies dans la soirée. Les Iraniens ont d'abord rencontré la délégation russe, puis ils ont vu les pays européens et ont terminé avec la délégation américaine, a précisé le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, cité par l'agence Isna.
Alors que des déclarations plutôt optimistes avaient été faites ces derniers jours par les différentes parties sur la «possibilité» d'un accord, les Iraniens ont estimé mercredi qu'il fallait «retrouver la confiance perdue», selon le négociateur Abbas Aragchi.
Lors du précédent round de négociations, du 6 au 9 novembre à Genève, un accord avait à un moment semblé très proche, mais le projet de texte a été durci, notamment à la demande de la France, et les négociateurs s'étaient finalement séparés sans conclure.
«Jusqu'ici nous avons progressé conformément à nos plans et nous nous sommes mis d'accord pour démarrer des discussions sérieuses et détaillées sur un accord définitif avec Lady Ashton demain» jeudi, a affirmé M. Zarif dans un commentaire publié sur sa page Facebook après un déjeuner avec la chef de la diplomatie européenne.
«Voué à la disparition»
Quelques heures avant la reprise des discussions, le guide suprême iranien Ali Khamenei s'est invité dans le débat et a mis la pression sur la négociation en fixant des «lignes rouges» et en répétant que son pays ne reculerait pas sur ses «droits nucléaires».
«J'insiste sur la consolidation des droits nucléaires de l'Iran», a déclaré M. Khamenei dans un discours diffusé en direct à la télévision, insistant sur les «lignes rouges» du programme nucléaire, qui sont notamment l'enrichissement d'uranium sur le sol iranien et le refus de fermer le site souterrain d'enrichissement de Fordo.
Surtout, le guide s'est livré à une violente charge contre Israël, déjà accusé la veille par l'Iran d'être derrière le double attentat suicide contre l'ambassade iranienne à Beyrouth, revendiqué par Al-Qaïda.
Israël est «voué à la disparition», a lancé M. Khamenei, accusant le «régime sioniste» d'être «la vraie menace» pour le monde. Il s'est également lancé dans une diatribe contre les «soutiens» d'Israël qui «depuis l'Europe se précipitent pour aller chez les dirigeants sionistes - dont il est dommage de les appeler des humains - pour les flatter», une référence claire à la visite de François Hollande en début de semaine en Israël.
Paris, qui affiche une position intransigeante sur le dossier du nucléaire iranien, a été accusé, notamment en Iran, d'avoir fait capoter le précédent round de négociations de Genève.
Les déclarations «inacceptables» de M. Khamenei «compliquent la négociation» à Genève, a immédiatement réagi à Paris la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.
«Il est vrai que les propositions de M. Khamenei ne peuvent pas aller dans le sens de l'apaisement et de la compréhension. Donc l'Iran doit apporter des réponses et pas des provocations», a déclaré le président français.
Netanyahu à Moscou
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, arrivé en urgence à Moscou, a essayé de convaincre le président, Vladimir Poutine, de la dangerosité d'un compromis avec l'Iran.
«Nous souhaiterions tous une solution diplomatique mais il faut que ce soit une véritable solution», a déclaré M. Netanyahu lors d'une conférence de presse au Kremlin, ajoutant que cela signifiait pour l'Iran de cesser l'enrichissement d'uranium et les travaux des centrifugeuses, de la même manière que la Syrie permettait la destruction de son arsenal chimique.
Quant à M. Poutine, il a émis l'espoir qu'une solution «mutuellement acceptable» soit trouvée rapidement à Genève.
Les Etats-Unis n'accepteront pas d'accord avec l' qui serait un moyen pour Téhéran de «gagner du temps» dans le but de développer ses capacités nucléaires, a averti une nouvelle fois à Washington le secrétaire d'Etat, John Kerry.
Les négociations ont principalement buté sur le devenir du stock d'uranium déjà enrichi à 20%, facilement transformable en uranium militaire enrichi à 90%, sur le devenir des 1.000 centrifugeuses hautement performantes, sur la centrale à l'eau lourde en construction à Arak susceptible de produire du plutonium, l'autre moyen d'accéder à la bombe nucléaire. (Afp)