Suite et fin en attendant un autre épisode aussi croustillant que les précédents de ce long film à rebondissement qu’est l’affaire de l’assassinat des moines trappistes de Tibhirine.
A force d’en parler à satiété, on en a presque envie d’oublier cette affaire qui fait couler beaucoup d’encre, de salive et évidemment de sang des sept moines. Et, force est de constater que le dossier n’est prés pas d’être classé par la justice française.
Les conclusions de l’expertise menée sur les têtes des sept moines de Tibhirine révélées aujourd’hui à Paris sont tout simplement déroutantes. L’option est donnée plutôt «en faveur d’une décapitation post mortem », selon le document écrit par les experts du juge Trevidic consulté par l’AFP.
En clair, cette conclusion, sous réserve quelle soit soutenue et démontrée, accréditerait la thèse d’une «manipulation» par les responsables algériens d’alors pour masquer les véritables causes de la mort, selon les commentaires des salons parisiens.
Et c’est justement ce long combat (douteux ?) que mènent certains milieux en France aidés par le juge Bruguière puis Trevidic depuis 1997 pour montrer que les moines avaient été assassinés non pas par les islamistes armés mais par l’armée nationale populaire.
Malgré le fameux communiqué du GIA revendiquant l’assassinat de sept moines, la thèse de la manipulation n’a jamais été abandonnée.
Des conclusions déroutantes
C’est dire que ces fumantes conclusions apportent de l’eau au moulin de ceux qui ne se font pas d’illusions sur la prétendue implication des éléments de l’armée dans l’assassinat des moines.
Ces nouveaux éléments révélés par les trois experts relancent en tout cas les questions sur cette affaire quoique qu’ils ne permettent pas de soutenir que l’ANP est bel et bien impliquée ne serait-ce que par erreur. «En l’absence des corps qui n’ont jamais été retrouvés, cette cause ne peut pas être affirmée commentent les experts qui gardent bien de tirer des conclusions hâtives.
Il précisent pourtant que les têtes des moines «ne présentent pas de traces de balles » ; ce qui balaye la thèse farfelue soutenue par un général français en poste à Alger à l’époque (Buchwater) qui a évoqué une bavure militaire suite à des tirs depuis un hélicoptère de l’ANP en direction d'un bivouac jihadiste.
En revanche, les experts sont formels s’agissant du sort des têtes des moines. « (…) elles auraient pu être découpées plus tard et déplacées d’un endroit à l’autre. Les experts sont catégoriques : les restes des crânes indiquent « une décapitation post mortem ».
La version algérienne fragilisée
Les experts suspectent que les têtes aient été découpées «plus tard et sans doute enterrées une première fois avant d’être exhumées et à nouveau enfouies sous terre».
Autrement dit, la version algérienne de l’affaire s’en trouve légèrement remise en cause. Commentaire du juge Marc Trevidic, en charge de l’affaire, et qui a clairement accusé les autorités algériennes de vouloir «orienter l’enquête» et demandé en vain que lui soit remis les prélèvements effectués sur les crânes des moines.
«Les experts ont pu faire des conclusions, je dirais à 80%, sur les causes de la mort et la date de la mort. Mais pour avoir des certitudes, il faut vraiment qu’on ait ces prélèvements »a-t-il fait savoir aujourd’hui.
Mais au-delà de ces détails techniques certes décisifs, il y a lieu de s’interroger sur la récurrence ces derniers temps de la polémique sur l’assassinat des moines. Que cherche-t-on à prouver ? Qui veut-on mettre en accusation ? Cette affaire est-elle un chantage politique qu’utilise la France pour faire plier le pouvoir et négocier au mieux des contrats juteux ? Tout est possible.
Une chose est certaine, les malheureux moines ne reposent pas en paix à Tibhirine.
Pour l’Algérie, ce sont des cadavres devenus encombrants prés de vingt ans après l’horrible massacre. Pour certains milieux français, il n’est jamais trop tard pour rouvrir la plaie de la décennie noire quitte à sucer le sang des victimes…