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Manifestations au Brésil à l'appel des syndicats

11-07-2013 16:19  Abbès Zineb

Au Brésil, les cinq principaux syndicats ont appelé à la mobilisation ce jeudi 11 juillet, qu'ils ont appelé «la journée nationale des luttes».

Un appel lancé fin juin en plein mouvement de contestation et de manifestations dans tout le pays, déclenché par la hausse du prix des transports publics et dénonçant les dépenses engagées pour la Coupe du monde de football l'an prochain et la corruption de la classe politique. Mais depuis, la pression de la rue semble être retombée et s'est muée en crise politique.

C'est la première grande mobilisation syndicale à laquelle la présidente Dilma Rousseff sera confrontée. Il s'agit d'un appel lancé par les principales centrales syndicales du pays comme la puissante CUT, la Centrale unitaire des travailleurs, proche du Parti des travailleurs, favorable à un référendum sur la réforme politique proposée par Dilma Rousseff, ou encore Força Sindical, et CSP-Conlutas qui eux y sont hostiles.

Une division ce sont des organisations très structurées, contrairement aux mouvements qui ont surgi spontanément début juin.

Le mouvement de contestation, sans leader, s’essouffle

L’absence de figure désignée dans ces grandes manifestations de rue a entraîné un essoufflement du mouvement de juin, fait remarquer Jean-Jacques Kourliandsky, en charge de l’Amérique latine à l’IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques).

«Il se produit ce qui s’est passé en Espagne avec le mouvement des Indignés. Quand il faut passer du mécontentement dans la rue à des propositions, cela suppose qu’il y ait des discussions avec les autorités, ce qui n’est pas possible sans structure ni organisation, donc les gens se fatiguent et la mobilisation diminue ».

Pour Alfredo Valladao, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris et directeur de la chaire Mercosur, l’appel des syndicats à manifester ne se traduira pas par une grève générale.

« C’est plutôt une mobilisation des syndicats, une tentative du gouvernement de reprendre la main après les grands mouvements de masse de ces dernières semaines. Ces mouvements de masse n’ont pas de leader, pas d’organisation. Donc l’idée, c’est de mettre les syndicats dans la rue pour trouver des interlocuteurs avec lesquels discuter et négocier, et surtout laisser le grand mouvement de côté ».

La « République syndicale » du Brésil

Cinq principales centrales syndicales ont lancé l’appel à manifester ce jeudi. La très puissante CUT appelle à des manifestations dans tout le pays « en défense de la classe des travailleurs », écrit-elle sur son site.

Son président veut aussi que ces mobilisations servent à établir un dialogue avec la société, sur leurs revendications de juin, comme l'amélioration du système de santé, de l'éducation publique et des transports collectifs, car dit-il, « ce sont des revendications que les syndicats portent depuis longtemps ».

Força Sindical appelle les travailleurs « à croiser les bras en masse pour exiger des changements économiques et lutter contre l’inflation ».

Mais comme l'explique Alfredo Valladao, seulement 15% des employés sont syndiqués au Brésil, et les syndicats sont très liés au parti du gouvernement. « Les syndicats brésiliens sont très peu représentatifs : dans le meilleur des cas, l’ensemble des syndiqués tourne autour de 15% des employés et travailleurs ».

Et la classe dirigeante du Parti des travailleurs (au pouvoir) est issue de ces grands syndicats de l’époque de Lula. « Ce sont ces gens-là qui sont accusés aujourd’hui de corruption et d’incompétence. Donc ça m’étonnerait que cette journée de lutte des syndicats aille beaucoup plus loin que le noyau dur de la base syndicale ».

Les syndicats très liés à la classe politique

Depuis les années 30, les syndicats sont directement financés par l’Etat par un impôt sur les salaires, explique Alfredo Valladao. « Aujourd’hui nous avons 15 000 syndicats, dont certains qui n’existent pas vraiment, mais qui reçoivent de l’argent. Il y a donc beaucoup de corruption dans ce système.

Les mouvements sociaux comme l’Union nationale des étudiants, le Mouvement des Sans Terre sont totalement liés au gouvernement du Parti des travailleurs qui les finance et qui les contrôle.

Donc l’idée avec ces manifestations syndicales ce jeudi, c’est d’utiliser ces organisations sociales pour reprendre la main dans le mouvement de contestation ».

Le mouvement « Passe Livre » appelle à descendre dans la rue

Le mouvement à l’origine de la mobilisation de juin contre la hausse du prix des transports appelle à manifester pour obtenir des services de transport public de qualité et bon marché, voire gratuits. Il ne se dit pas hostile à l'appel des syndicats, mais leur reproche des revendications trop floues comme l'explique André Ciola du mouvement Passe Livre à Sao Paolo.

« Les centrales syndicales appellent à une mobilisation beaucoup trop générale, et au mouvement Passe Livre nous avons peur que nos revendications soient dissoutes. De notre côté, nous nous battons pour des solutions concrètes. Nous serons présents ce jeudi avec les travailleurs du métro à Sao Paolo, pour demander de meilleures conditions de travail, et dans la banlieue de Sao Paolo où le prix du ticket de bus n’a pas encore baissé ».

Journée test pour la présidente Dilma Rousseff et ses promesses de réformes

Dilma Rousseff, dont la cote de popularité a chuté de près de 30 points, avait assuré avoir entendu les appels de la rue. Elle a promis un plan national en cinq points : une réforme fiscale, une réforme politique – à soumettre à référendum, une solution que le Parlement ne souhaite pas entériner et qui crée des divisions au sein du PT et entre les syndicats - et l’amélioration des services publics - transports, éducation et santé.

Tout cela avec des promesses chiffrées, dont 50 milliards de reais, soit 19 milliards d'euros destinés à de nouveaux investissements pour améliorer les transports publics.

Mais le gouvernement a demandé au ministère de l’Economie d’en chiffrer le coût, et ces mesures ne pourraient être concrétisées qu’à moyen ou à long terme. « On voit mal comment ces mesures pourraient permettre à Dilma Rousseff de rebondir en si peu de temps », fait remarquer Jean-Jacques Kourliandsky.

La présidentielle de novembre 2014 en toile de fond

Car l’élection présidentielle de novembre 2014 approche à grands pas, et cette mobilisation sera aussi pour la présidente brésilienne un baromètre. « Elle va sans doute suite très attentivement le nombre de manifestants dans les différents cortèges », souligne Jean-Jacques Kourliandsky.

« Car c’est un des éléments de reconquête de l’opinion, avec la réforme politique qui passe mal devant le Parlement, et les promesses sur les mesures en faveur de la santé, de l’éducation et des transports ».

Mais il n’y aura pas de miracle, d’autant que les dépenses qu’engendreraient les promesses de Dilma Rousseff sont difficilement conciliables avec le ralentissement de la croissance (seulement 0,9% en 2012 contre plus de 7% il y a quelques années).

« Que va faire le gouvernement pour maintenir sa légitimité ? », s’interroge Alfredo Valladao. Le pouvoir en place est constitué d'alliances dont les partis commencent aussi à viser le calendrier électoral de 2014.

Il sera difficile pour Dilma Rousseff du PT, le Parti des travailleurs, de répondre en moins d’un an concrètement, comme le demande Passe Livre, à toutes les revendications qui s'exprimeront dans la rue ce jeudi.(Rfi)

 



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