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L'inflation et la dévaluation du dinar : facteurs de démobilisation de la population et menaces pour la stabilité sociale et la sécurité nationale

26-03-2021 11:38  Pr Abderrahmane Mebtoul

L’analyse objective de  l'inflation et de la cotation du dinar, qui ont  un impact direct sur le pouvoir d’achat de la population et des différentes activités économiques,  doit tenir compte   des aspects de structures de l'économie internationale et  de l'économie interne de l’Algérie  qui après plusieurs décennies d’indépendance politique repose  toujours  sur la  rente des hydrocarbures. Cette contribution est une brève synthèse du thème  que je développerai à l’invitation de la fondation  allemande Friedrich Ebert  en collaboration avec l’Union européenne   « l’impact de la dépréciation du dinar Algérien, et la chute des réserves de change sur les indicateurs macro-économiques et sur la dynamique économique générale de l’Algérie ».  le  mercredi 31 mars à 17h30. 

1.Le taux d’inflation qui influe sur le pouvoir d’achat, taux faible en T1 par rapport à un taux d’inflation élevé par rapport à To donne cumulé un taux d’inflation élevé. Le taux officiel a été selon le site international financier Index Mundi de 2000 à fin 2019 :  – 2000, 2,0%. – 2001, 3,0% – 2002, 3,0%  – 2003, 3,5% – 2004, 3,1% – 2005, 1,9% – 2006, 3,0% – 2007, 3,5% – 2008, 4,5% – 2009, 5,7%, – 2010, 5,0% – 2011, 4,5% – 2012, 8,9% (après les augmentations de salaires)  – 2013, 3,9% – 2014, 2,9% – 2015, 4,2% – 2016, 5,9% – 2017, 5,6% – 2018, 5,6% – 2019, 5,6%  et selon l’ONS,   2020,  2,4% et prévision  4,2% en 2021( ce chiffre pour 2021 étant largement dépassé).  L’inflation officielle et donc la réduction du pouvoir d’achat entre 2000/2020 a été officiellement de plus de 82%, devant être redressé de 10/15% donnant plus de 100% malgré une stagnation des salaires, l’inflation réalisant une épargne forcée au détriment des revenus fixes. D’où l’importance d’un  organe de la statistique comme  l’INSEE en France ou en Allemagne, indépendant du gouvernement et une révision de l’indice  non réactualisé depuis 2011, ne reflétant plus la réalité. Il y a lieu  de tenir compte de l’évolution des besoins nouveaux, où l’immatériel tend à prendre une proportion croissante et devant impérativement analyser les liens entre croissance, répartition du revenu national et modèle de consommation par couches sociales, un indice global ayant peu de signification.

Nous avons depuis quelques mois, avec une  amplification entre janvier et mars 2021, de 30 à 50% avec une tension sur l'huile  de table,  une  envoilée de la majorité des prix  tant des matières premières, biens d’équipements et  des biens de consommation comme par  exemple les produits des pauvres  les pates, lentilles, haricots, la sardine, le poulet, les légumes, pomme de terre, la tomate, les fruits, pour ne pas parler   de la viande et les autres poissons, inaccessibles aux bourses moyennes… et beaucoup plus pour les produits informatiques. Alors que doit être un revenu pour une famille avec trois enfants payant les factures de loyer, d’électricité et gaz  et sans voiture ? Concernant  le blocage des importations de voitures, qui ne sont pas un  produit de luxe ( la voiture d’occasion ayant augmenté entre 40/50%) du fait de la faiblesse des moyens de transport public, pour la majorité des couches moyennes l’utilisant comme moyen de locomotion pour aller travailler, et la majorité  des pièces détachées avec des pénuries toutes catégories de voitures  ayant augmenté entre 50 et 100% ce qui lamine le pouvoir d’achat des couches moyennes , pas ceux des hauts fonctionnaires qui ont une voiture de services.. Certes on peut économiser la valeur des importations, sans bonne gouvernance,  mais c’est comme un ménage mal nourri, il fait des économies mais avec des répercussions  à travers différentes maladies qui se répercute à travers les importations  de médicaments en devises.

2.- La valeur d’une monnaie  dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité interne et la capacité d’un pays à pénétrer le marché international et où l’évolution du cours officiel du dinar est fortement corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%.  nous avons la cotation suivante avec une cotation administrative jusqu’à fin 1992.    – 1970 : 4,94 dinars un dollar   – 1990 : 12,02 dinars un dollar  – 1991   18,05 dinars un dollar – 1994 : 36,32 dinars un dollar ( cessation de paiement  et rééchelonnement conséquence de l’impact de la crise pétrolière de 1986/1992)  – 1995 : 47,68 dinars un dollar  – 1999 :  66,64 dinars un dollar  – 2001 :   77,26 dinars un dollar 69,20 dinars un euro  – 2005,   73,36 dinars un dollar, 91,32 dinars un euro    – 2010,  74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro    – 2015,  100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro   – 2016  :100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro  – 2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro  – 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro    – 2019 :119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro : - 2020  127,95 dinars un dollar et 150,93 dinars un euro.  Le 25 mars 2021 le dinar a été coté à  158,4466 dinars un euro  et 134,2199 dinars un dollar.  paradoxe, pourquoi déprécier le dinar plus que l’euro trois mois nous avons  1,2156 dollar un euro et  1,1774 dollar un euro   au 25/03/2021, contredisant les  règles boursières, l’explication étant de  gonfler  artificiellement la fiscalité hydrocarbures, ainsi que certaines importations  de biens libellés en dollars ou en euros pour la fiscalité ordinaire . Toujours dans cette lancée de dépréciation   le PLF 2021 prévoit une cotation annuelle moyenne du dollar de 142,20 dinars en 2021 à 149,31 dinars en 2022 et 156,78 dinars en 2023. Il existe un  théorème en économie mais s’appliquant à  une économie de marché  productive structurée où  toute dévaluation d’une monnaie permet la dynamisation des exportations et une substitution aux biens importés ; Or en Algérie, la cotation du dinar  est passée de 5 dinars un dollar vers les  années 1974 et à plus de 130 dinars un dollar en mars 2021 et toujours 98% d’exportation provenant des hydrocarbures brut et semi – brut , montrant que le blocage est d’ordre systémique et que les mesures purement monétaires  sans  réformes structurelles renvoyant à la refonte de l’Etat, peuvent conduire le pays à la dérive économique et sociale.

En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars,( 42 milliards de dollars fin 2020 contre 62 fin 2020  et 194 au 31/12/2013 ) qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%,et le non retour à la croissance entre 2021,2022,  la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle, la cotation actuelle sur ce marché n’étant pas significative du fait de l’épidémie du coronavirus qui limite la demande. Par ailleurs    le dérapage du dinar contribue  à la baisse  des salaires ramenés en devises.  Au cours actuel à 210 euros,   le SMIG de 20.000 dinars équivaut à   125 euros. A ce cours un professeur d’université en titre, plus de 30 ans de carrière,  en fin de carrière perçoit moins de 800 euros,(80% du salaire en retraite) contre plus de 1200 euros sans compter les  avantages d’un député qui a passé quelques années à lever la main sans proposer aucune loi avec une retraire à 100%i. Dans ce ca sil est utopique de parler d’encourager l’innovation  ce qui favorise l’exode des meilleures compétences surtout des jeunes, d’autant plus que l’actuelle politique  salariale, qui est totalement à revoir, favorise beaucoup plus les  emplois-rente que les emplois productifs.   Les tensions sociales, à court terme tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions pour la farine, la semoule et le lait et une somme colossale des transferts sociaux mais mal gérés et mal ciblés qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sociales sont  atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), assurant une paix sociale transitoire. L'effet d'anticipation, d’une dévaluation rampante du dinar, via la baisse  de la rente des hydrocarbures ,  risque d'avoir un effet désastreux sur toutes les sphères économiques et sociales, avec comme  incidences l’amplification du processus inflationniste, l’extension, de la  sphère informelle et sur  le taux d'intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points ,l’ajustant  aux taux d'inflation réel, si elles veulent éviter la faillite, freinant  à terme le taux d'investissement à valeur ajoutée.  

3.- . L’appréciation ou la dévaluation du dinar, loin de la vision administrative,  sera fonction  des seuls  indicateurs macro financiers et économiques,  fonction  de la stabilité juridique, institutionnelle  et politique, sachant  qu’il faut un taux de croissance  de 8/10% sur plusieurs années afin d ‘absorber  350.000/400.000 emplois par an qui s ‘ajoute au taux de chômage actuel qui a été de 15% en 2020. Avec l’épidémie du coronavirus et les restrictions d’importation sans ciblage, selon les organisations patronales, plus de 70% d’entreprises   courent à  la faillite,  fonctionnant  à moins de 50% de leurs capacités .Les investissements demandent du temps pour leur rentabilité, les grands projets  le montant de l’investissement  du phosphate de Tébessa et de celui de Gara Djebilet dont le ministre a promis dans un e déclaration à l’APS début mars,   un partenaire chinois avant fin mars  2021, ces deux projets dépassant 15 milliards de dollars où trouver le capital- argent) s’ils  sont lancés en 2021  au moins 5/7 ans, soit  2026/2028, et pour  les projets PMI/PME   leur seuil de rentabilité se fera dans deux à trois ans. Quant au start tup, prestataires de services, attention à la propagande, ils ont besoin d’un  marché et  d’un environnement concurrentiel,  leur efficacité serait nulle à terme sans la dynamisation du tissu productif , l’élévation du niveau de qualification,   et une efficacité des institutions  nous retrouvant dans le même scénario des nombreuses faillites des projets de l’ANSEJ. Donc il ya urgence d’éviter les replâtrages conjoncturels et d’avoir une vision stratégique  les  réserves de change ont fondu passant de 194 milliards de dollars  au 01  janvier 2014, 62 fin, 2019,  à 42 milliards de dollars fin 2020 malgré toutes les restrictions d’importation qui ont paralysé l’appareil productif  et  accéléré le  processus inflationniste du fait du déséquilibre offre limitée et demande croissante.

Malgré cela l’Algérie possède encore quelques leviers, le stock de la dette extérieure étant  inférieur à 6 milliards de dollars.  Encore que nous assistons à un accroissement important de la dette publique interne qui selon les organismes internationaux s’est établi  à 61% du PIB fin 2020 , contre 36% en 2018 et 46,3% du PIB en 2019,  qui . n’est pas propre à l’Algérie avec l’accroissement de la dette publique des Etats du à l’impact de l’épidémie du coronavirus.   Aussi, l’avenir de l’économie algérienne repose sur sept  paramètres stratégiques le tout s’articulant autour d’une nouvelle gouvernance et la moralité des gouvernants renvoyant au politique :  premièrement, sur  une plus grande cohérence des institutions centrales et locales par une dé-bureaucratisation, autour de cinq à six grands pôles régionaux et évitant cette instabilité juridique perpétuelle et des lois déconnectées des réalités mondiales comme celle du 49/51%  si elle veut attirer les investisseurs potentiels, deuxièmement, la réforme urgente du système socio-éducatif, du primaire au secondaire et le supérieur y compris la formation professionnelle ; troisièmement, sur la réforme du   foncier et  du  système financier (douane, fiscalité, domaine, banques), lieu de distribution de la rente et enjeu énorme du pouvoir ; quatrièmement , la maîtrise de la dépense publique, des coûts et la lutte contre les surfacturation et la corruption. Comment ne pas rappeler que l’Algérie a engrangé plus de 1000 milliards de dollars en devises entre 2000/2019, avec une importation de biens  et services toujours en devises  de plus de 935 milliards de dollars pour un  taux de croissance dérisoire de 2/3% en moyenne alors qu’il aurait du  être  entre 9/10% et  une sortie de devises de 20 milliards de dollars en 2020 pour une croissance négative selon le FMI de 6% ; cinquièmement, la nouvelle politique doit à moyen et long terme s’insérer  dans le cadre de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur la transition numérique et énergétique ; sixièmement , la maîtrise de la pression démographique et de l’urbanisation pour un espace équilibré et solidaire ; septièmement, devant erre réaliste  entre 2020/2025, l’économie reposera  sur le cours des hydrocarbures, impliquant un nouveau management de Sonatrach qui connait une chute de la production physique tant du pétrole 850.000 barils/j selon le dernier rapport de l’OPEP de mars 2021 contre 1,2 millions de barils entre 2008/2010 et  du gaz, dont le cours sur le marché mondial procurant 33% des recettes de Sonatrach est passé de 10/12 dollars le MBTU entre 2008/2014 à 2,5  dollars le MBTU de 2020 à mars 2021.

En résumé, la population a  besoin d’un discours de vérité, ni sinistrose, ni autosatisfaction source de névrose collective . où le retour au FMI courant 2022 où avec les tensions géostratégiques actuelles les conditionnalités auraient des répercussions sur la souveraineté nationale.  En cas de tensions sociales  dues à une politique socio-économique incohérente, et faute d’intermédiations politiques et sociales, des partis politiques et une société civile rentière, déconnectés de la réalité,  les services de sécurité se trouvent en face de la population. Aussi,   je ne m’explique pas  la léthargie et les déclarations contredisant la  réalité de certains membres du gouvernement   face à cette flambée des prix qui menace  la cohésion sociale, crée une  démobilisation de la population avec une crise de confiance Etat-citoyens  et donc menace la sécurité nationale  Comment  ne pas  rappeler ma contribution, au niveau national et international,  sous le titre   « Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, allons faire le marché ensemble»  (www.google.com le 08/09  septembre 2009), montrant que les  mécanises de régulation n’ont pas fondamentalement changé. Aussi, pour  se projeter sur l’avenir, s’impose à l’Algérie  une nouvelle gouvernance, la moralité des gouvernants,  pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires. 

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