Même si le virus reste, à ce stade, circonscrit à la Chine, la croissance mondiale déjà faible en raison des tensions commerciales entre les USA et la Chine et le Brexit anglais, pourrait être davantage affectée, le poids de la Chine dans le PIB mondial ayant plus que doublé, à près de 20% en 2019 contre 8,8% en 2003. Cela a un impact sur le cours des hydrocarbures et par conséquent sur toutes les économies rentières. Dans ce cadre, gouverner c’est prévoir, les prévisions du gouvernement algérien doivent prendre en compte toutes les hypothèses.
1.-De nombreuses compagnies aériennes, dont Air France, British Airways, Air Canada, Lufthansa, American Airlines, United Airlines, American Airlines ou Delta ont suspendu depuis fin janvier leurs vols vers la Chine continentale pour tenter de freiner la propagation du virus. Du fait du poids économique de la Chine, cela a un impact sur la croissance de l’économie mondiale selon une étude du mois de février 2020 parue dans Echos.fr, le pays représentant :
-dépense du tourisme 20%
-production de biens 19,7%
-Encours de crédit 19,6%
-commerce 13%
La demande de pétrole de la Chine est de 12% sur une demande mondiale en 2019 de 99,77 millions barils/jour soit 11,97 millions de barils jour, plus que la production russe ou celle de l’Arabie Saoudite, alors qu’avant l’épidémie il était prévu 100,98 millions de barils/jour où la croissance de l’économie mondiale devait passer de 3% en 2019 à 3,1% en 2020 avec un rebond pour les pays émergents environ 4,1%,prévisions qui ne réaliseront plus.
En effet, du fait de l’interdépendance des économies, devant analyser les impacts indirects, bon nombre d’entreprises dans le monde dépendant pour leurs inputs et pour leur marché, ces taux sont plus importants, impactant la croissance mondiale qui était déjà fragilisée. Selon « Usine Nouvelle » l’épidémie du coronavirus qui sévit en Chine depuis fin décembre aura un impact à court terme de 1 à 2 points de PIB sur l’économie chinoise. Les secteurs les plus bouleversés sont la chimie, le textile, l’automobile et l’électronique. Les pays émergents, les pays limitrophes en Asie risque d en pâtir et selon des experts l’Europe est une région vulnérable avec un risque de récession en Allemagne et en Italie.
C’est que le poids de la Chine dans le PIB mondial a plus que doublé, à près de 20% en 2019 contre 8,8% en 2003, étant devenu le premier consommateur de la plupart des produits de base et le premier partenaire commercial de nombreux pays. Si l’épidémie du coronavirus venait à s’accentuer, des répercussions conséquentes, à la baisse, sur la demande chinoise et sur les cours mondiaux du pétrole et des matières premières industrielles ne sont pas à exclure. Or, la croissance mondiale, selon le FMI qui a culminé à près de 3,8 % en 2017, a fléchi à 3,6 % en 2018, et a encore ralenti en 2019, à environ 3 %. C’est dans ce cadre que bon nombre d’organismes internationaux ont donc élaboré plusieurs scénarios pour 2020 :
- Scénario optimiste avec une probabilité de 25% le taux de croissance de la Chine serait de 5,7% contre une prévision d’environ 6%,
- Scénario de base, avec une probabilité de 50% le taux de croissance de la Chine serait de 5%,
- Scénario pessimiste, avec une probabilité de 20% le taux de croissance de la Chine serait de 4,5%,
- Scénario catastrophique, l’épidémie durant plusieurs mois, avec une probabilité de 5% , le taux de croissance serait inférieur à 4%.
Dans tous les cas de figure, l’OPEP représentant environ 40% de la production commercialisée, est impuissante face à cette baisse de la demande d’autant plus que 60% se faisant hors OPEP, avec deux acteurs stratégiques les USA devenus premier producteur mondial en 2019(pétrole/ gaz de schiste) et la Russie, sans compter les nombreux producteurs nouveaux qui sont entrés sur le marché pour le gaz.
2.-Dans ce contexte de déprime, le cours du pétrole a été coté le 11 février 2020 dans la matinée pour le Brent 54,19 dollars contre 55,38 dollars le 05/02/2020 et à 50,34 dollars le Wit pour une cotation euro- dollar 1,09 et le gaz naturel, très volatil, déconnecté du cours du pétrole, sur le marché libre 1,77 contre 1,83 le 9/02/2020 dollar le MBTU et le GNL entre ¾ dollars. Les raisons étant multiples, la faible croissance de l’économie mondiale, l’épidémie en Chine grande puissance mondiale et grand importateur d’hydrocarbures, l’accalmie entre l’Iran et les USA, le nouveau modèle de consommation énergétique mondial, la position ambigüe russe pour qui 60 dollars le baril est le prix raisonnable et le Brexit anglais qui fait craindre en plus de l'impact du coronavirus un impact négatif sur la croissance européenne.
C’est que l’Europe est la deuxième puissance économique mondiale avec un PIB nominal en 2018 de 18.750 milliards de dollars contre 20.494 pour les USA et 13.407 pour la Chine, sur un total mondial de 84.740. Cette situation la un impact direct sur l’économie algérienne mono-exploratrice le moteur de la croissance restant depuis des décennies toujours la dépense publique via la rente des hydrocarbures (98% des recettes en devises directement et indirectement) déterminant le taux de croissance à plus de 80% à travers ses impacts directs et indirects comme moyen de financement, le GN représentant 75% des exportations, le GNL -25% au total 33% des recettes de Sonatrach avec une baisse de plus de 40% depuis 2010.
Face à la baisse des cours qui impactent les recettes des hydrocarbures et les lois de finances 2019 et prévisionnelle 2020 fonctionnant sur la base d’un cours entre 95/100 dollars selon le FMI, le risque est la tendance à l’épuisement des réserves de change, qui évolué ainsi selon les données de la banque d’Algérie : -2012 :190,6 milliards de dollars -2013 :194,0 milliard de dollars –fin 2014 :178,9 milliards de dollars -2015 :144,1 milliards de dollars -2016 : 114,1 milliards de dollars -2017 : 97,3 milliards -2018 : –fin 2019, 62 milliards de dollars. Au rythme 2019/2020 , malgré la paralysie d’une grande partie de l’appareil de production du fait du mauvais choix de l’allocation sectorielle d’investissement, les réserves de change devraient clôturer avec l’hypothèse d’un cours de 65 dollars le baril, non pas à environ 52 milliards de dollars fin 2020, mais à 48 car devant ajouter un minimum de 4 milliards de dollars dus à la fois à la chute du cours du gaz et pétrole et un montant nécessaire pour relancer l’économie en berne.
Nos prévisions donnent en fonction de ces hypothèses 48 milliards de dollars fin 2020, 28 milliards de dollars fin 2021 et 7 milliards de dollars fin 2020, sauf endettement extérieur ciblé et une nouvelle gouvernance (la moralité) qui mettra du temps à se mettre en place (nouvelle allocation des ressources, lutte contre la corruption, les surfacturations et amélioration de la gestion passant par la promotion des compétences). En cas d’un cours entre 55/60 dollars les recettes de Sonatrach, auquel faut retirer 25% pour avoir le profit net et également la part des associés étranger, ne devrait a dépasser les 28/30 milliards de dollars pour une importation de biens et services de plus de 50/55 milliards de dollars existant des limites aux importations environ 85/90% des matières premières étant importées, sans compter les services dont le sorties de devises qui ont fluctué annuellement entre 20108/2019 entre 11/9 milliards de dollars.
3.-En résumé, pour des raisons de sécurité nationale, l’on devra méditer les impacts mitigés du passé, le tout reposant sur la dépense publique, mal ciblée et sans contrôle, des assainissements répétées d’entreprises publiques pour plusieurs dizaines de milliards de dollars, revenues pour la majorité à la case de départ et le favoritisme pour une oligarchie rentière privée alors que le principe de base d’une l’économie de marché maitrisée, non anarchique, avec l’importance de l’Etat régulateur, repose sur une économie productive.
Avec une entrée de devises de plus de 1000 milliards de dollars entre 2000/2019 (98% provenant de Sonatrach) et des importations de biens et services de plus de 940 milliards de dollars, l’Algérie a connu un taux de croissance faible, moyenne annuelle entre 2/3%, alors qu’il aurait du dépasser les 9/10%. Cela a eu un impact sur le taux de chômage, qui selon le FMI devrait dépasser 13% en 2022, avec la forte pression démographique, plus de 44 millions d’habitants au 01 janvier 2020 et plus de 50 millions horizon 2030, devant créer en plus du taux de chômage, 350.000/400.000 emplois nouveaux par an et non des emplois-rentes, quitte à faire exploser les caisses de retraite.
Pr Abderrahmane Mebtoul (Docteur d’Etat – 1974)
Directeur d’études ministère Energie-/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2013/2015 membre de plusieurs organisations internationales - haut magistrat (premier conseiller) et directeur général à la cour des comptes 1980/1983- expert au Conseil Economique et Social 1995/2007 - Voir nos différentes contributions parues au niveau national et international 1980- 2019 ( www.google.com)