La guerre au Mali va-t-elle déstabiliser un peu plus la Libye ? Le représentant des Nations unies à Tripoli, Tarek Mitri, s’en est inquiété mardi devant le Conseil de sécurité.
«L’opposition de groupes armés radicaux à l’intervention militaire au Mali pourrait aggraver la situation, étant donné les affiliations ethniques ou idéologiques [avec des groupes libyens] et la porosité des frontières», a-t-il affirmé.
Une crainte renforcée par la dégradation de la sécurité dans l’est de la Libye, où des milices islamistes se sont implantées (lire page ci-contre). Selon Tarek Mitri, certains de leurs combattants pourraient décider de se venger de l’intervention française en commettant des attentats en Libye.
Ces milices pourraient également accueillir des membres d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) et de ses alliés d’Ansar ed-Dine qui ont fui devant l’avancée des armées française et malienne.
Si ces craintes sont à confirmer, une chose est sûre : l’Etat libyen n’a pas les moyens d’empêcher les combattants actifs dans le Sahel de circuler sur son territoire. A quelques semaines du deuxième anniversaire de la révolution, il ne parvient pas à asseoir son autorité et reste incapable de contrôler les milices formées d’ex-rebelles.
Insurgés. Depuis la mort de Muammar al-Kadhafi en octobre 2011 à Syrte, le gouvernement tente d’intégrer les ex-révolutionnaires dans la police et l’armée nationales. Mais la tâche s’avère plus complexe et longue que prévu.
A ce jour, 200 000 anciens insurgés armés restent indépendants, selon Tarek Mitri. Plus inquiétant, ceux qui ont rejoint les rangs des forces nationales n’obéissent pas toujours aux ordres de leurs autorités.
Pour gagner du temps, l’Etat libyen a enrôlé les ex-révolutionnaires brigade par brigade, ou unité par unité. Des groupes de combattants restent ainsi loyaux à leurs anciens commandants qui les dirigeaient durant la révolution.
La même logique a prévalu lors de la création du Comité de sécurité suprême (SSC), censé incarner une nouvelle force d’élite. Résultat, ses membres sont régulièrement accusés d’agir hors de tout contrôle et suspectés d’exactions, dont des meurtres.
Toubous. Cette incapacité à gérer les ex-rebelles explique en partie la porosité des frontières du sud du pays. Le gouvernement en a délégué la surveillance d’une section majeure aux Toubous, une ethnie noire également présente au Tchad et au Niger.
Mais leurs responsables se plaignent du manque de moyens alloués par le gouvernement et affirment avoir interpellé à plusieurs reprises les pays occidentaux. Ils viennent peut-être d’être entendus par l’Union européenne, qui a annoncé jeudi le lancement d’une mission de deux ans pour aider la Libye à contrôler ses frontières.
Tripoli devra aussi régler les conflits entre Toubous et tribus arabes. Le plus grave a duré plusieurs mois et fait des centaines de morts à Koufra, dans le sud-est.
Le gouvernement a fini par réagir en envoyant des brigades islamistes de Benghazi, accusées depuis par les Toubous d’en avoir profité pour étendre leur contrôle. Des heurts éclatent enfin régulièrement à Sebha, la principale ville du sud, où les Toubous, marginalisés sous Kadhafi, qui leur refusait des papiers d’identité, s’estiment toujours délaissés par Tripoli.
Dépassées, les autorités libyennes ont décidé à la mi-décembre de fermer les frontières avec le Soudan, le Tchad, le Niger et l’Algérie avant de déclarer le sud de la Libye «zone militaire fermée».
Une déclaration qui n’a pas rassuré le représentant des Nations unies. «La sécurité le long des frontières libyennes reste particulièrement préoccupante», a-t-il déclaré mardi.