Le président Abdelmadjid TEBBOUNE lors de sa rencontre avec la presse nationale le 08 août 2021 a indiqué sa volonté d’ouvrir le capital des entreprises publiques y compris les banques au secteur privé, condition de l’instauration d’une économie de marché productive à finalité sociale, loin de tout monopole qu’il soit public ou privé, source de surcoûts et d’inefficacité économique et sociale.
L’éventail des techniques pose la problématique de l’adaptation du cadre juridique et du rythme que l’on veut imprimer aux réformes fonction de la volonté politique et non à des organes techniques souvent ballottés par des rapports de forces contradictoires. Nous avons des privatisations, avec transfert de propriété, cession partielle ou totale et des actions sans transfert de propriété : pour les grandes entreprises, où l’Etat confit au secteur privé national, étranger ou mixte, la gestion de ces entreprises, mais renonce dans l’immédiat à en céder la propriété. La mise en gérance de l’entreprise publique est envisageable. Un contrat est passé avec la société gérante, qui pourra être étrangère, nationale ou, de préférence, mixte. Cela laisse ouvert toute une gamme de possibilités : la gérance rémunérée par l’EPE, rémunération dégressive ou non, variable ou non selon le chiffre d’affaires, à durée déterminée ou non, avec des pouvoirs de gestion plus ou moins larges, sans garantie ou avec garantie du passif par l’Etat et /ou garantie d’un chiffre d’affaires minimum par l’Etat ou par le gérant. Tout dépendra de l’état de l’entreprise et des espoirs des deux partenaires dans sa réhabilitation et sa rentabilisation. L’ouverture du capital des entreprises publiques, c'est-à-dire la privatisation, il ne faut pas avoir peur des mots, inséparable des réformes structurelles, à ne pas confondre avec la démonopolisation (création de nouveaux projets du secteur privé) qui est une cession d’actifs totale ou partielle, répond à de nombreux objectifs qui ne sont pas tous compatibles et qu’il convient de hiérarchiser dans la formulation d’un programme de privatisation cohérent, avec des objectifs clairement et impliquant de lever dix contraintes
Premièrement, les filialisations non opérantes par le passé dont l’objectif était la sauvegarde du pouvoir bureaucratique. Or, c’est le fondement de la réussite tant de l’ouverture partielle du capital que d’une privatisation totale.
Deuxièmement, le patrimoine souvent non défini pose la problématique de l’inexistence des titres de propriété fiables sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser. un exemple à en 1998/1999, pour l’Hôtel Aurassi les 50% du terrain n’étaient pas comptabilisés et cela s’appliquant à bon nombre d’unités publiques qui avaient accaparées des terrains annexes sans l’aval des domaines, Qu’en est-il aujourd’hui ? Dans ce cadre, lors des avis d’appel d'offres, en 1998, bon nombre de soumissionnaires, à des fins spéculatives, étaient beaucoup plus intéressés par le patrimoine immobilier des entreprises publiques surtout dans les grandes agglomérations que par l’outil de production. Donc le transferts de propriété, dans la transparence , évitant le bradage du patrimoine national suppose un système domanial numérisé à travers les wilayas, où plus de 50% des habitations n’ont pas de titres de propriété avec une urbanisation anarchique, et donc ne payant pas l’impôt foncier, pouvant conduire à des malversations lors de l’attribution de logement sociaux.
Troisièmement, les comptabilités défectueuses de la majorité des entreprises publiques et des banques, (la comptabilité analytique pour déterminer exactement les centres de coûts par sections étant pratiquement inexistantes, rend difficile les évaluations d’où l’urgence de la réforme du plan comptable actuel inadapté. rendant encore plus aléatoire l’évaluation dans la mesure où le prix réel de cession varie considérablement d’année en année, voire de mois en mois , de jour en jour en bourse par rapport au seul critère valable , existant un marché mondial de la privatisation où la concurrence est vivace.
Quatrièmement, la non-préparation de l’entreprise à la privatisation, certains cadres et travailleurs ayant appris la nouvelle dans la presse, ce qui a accru les tensions sociales. Or, la transparence est une condition fondamentale de l’adhésion tant de la population que des travailleurs à l’esprit des réformes.
Cinquièmement, la non clarté pour la reprise des entreprises pour les cadres et ouvriers supposant la création d’une banque à risque pour les accompagner du fait qu’ils possèdent le savoir-faire technologique, organisationnel et commercial la base de toute unité fiable doit être constituée par un noyau dur de compétences. Sixièmement, est la résolution des dettes et créances douteuses, les banques publiques croulant sous le poids de créances douteuses et la majorité des entreprises publiques étant en déficit structurel, endettés, surtout pour la partie libellée en devises sans un mécanisme transparent en cas de fluctuation du taux de change. Pour ce cas précis, l'actuelle politique monétaire instable ne peut encourager ni l’investissement productif ni le processus de privatisation où la LF2 2021 fait les projections de 142 dinars pour un dollar fin 2021, 149,71 dinars en 2022 et 156 dinars en 2023. Avec le dérapage accéléré du dinar et l’inflation, comment voulez-vous qu’un opérateur , avec cette instabilité monétaire investisse à moyen long terme sachant que la valeur du dinar va chuter d’au moins 30/50% sinon plus dans deux à trois années.
Septièmement, les délais trop longs avec des chevauchements de différents organes institutionnels entre le moment de sélection de l’entreprise, les évaluations, les avis d’appel d’offres, le transfert, au Conseil des Participations, puis au Conseil des ministres et la délivrance du titre final de propriété ce qui risque de décourager tout repreneur, car en ce monde, les capitaux vont s’investir là où les obstacles économiques sont mineurs, le temps étant de l’argent.
Huitièmement, la synchronisation doit être clairement définie permettrait d’éviter les longs circuits bureaucratiques et revoir les textes juridiques actuels contradictoires, surtout en ce qui concerne le régime de propriété privée, pouvant entraîner des conflits interminables d’où l’urgence de leur harmonisation par rapport au droit international. Les répartitions de compétences devront être précisées où il est nécessaire de déterminer qui a le pouvoir de demander l’engagement d’une opération de privatisation, de préparer la transaction, d’organiser la sélection de l’acquéreur, d’autoriser la conclusion de l’opération, de signer les accords pertinents et, enfin, de s’assurer de leur bonne exécution.
Neuvièmement, le transfert de propriété via la Bourse suppose un système financier performant ( les banques étant actuellement de simples guichets administratifs) et donc une bourse connectée aux bourses mondiales alors que nous assistons à la léthargie de la bourse d’Alger depuis sa création où les grands groupes tant publiques que privées ne sont pas cotés en bourse. C’est que l’ouverture du capital au moyen de la Bourse implique plusieurs conditions : la résolution des titres de propriété qui doivent circuler librement segmentés en actions ou obligations renvoyant d'ailleurs, à l'urgence de l'intégration de le sphère informelle par la délivrance de titres de propriété et des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales par la généralisation, les audits et de le comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de couts pour les actionnaires. Cela pose la problématique de la refonte du système comptable et de l'adaptation du système socio-éducatif, pour de véritables bureaux d’études d'engineering financier presque insistants comme le démontre les sorties de devises du poste services au niveau de la balance des paiements entre 10/11 milliards de dollars par an entre 2010/209.
Dixièmement, la privatisation doit s’inscrire dans le cadre du respects des engagement internationaux de l’Algérie et donc analyser les impacts de l’Accord d’Association avec l’Afrique, le monde arabe, et de libre échange l’Europe, toujours en négociations pour certaines clauses, pas l’Accord cadre, pour un partenariat gagnant-gagnant, qui ont des incidences économiques sur les institutions et les entreprises publiques et privées qui doivent répondre en termes de coûts et qualité à la concurrence internationale.
En résumé, soyons réaliste, la rente des hydrocarbures sera pour longtemps, la principale société pourvoyeur de devises où avec la crise actuelle, il est utopique d’attirer massivement les IDE et de canaliser le capital-argent de la sphère informelle. D'où l’importance de lutter contre la bureaucratie néfaste, produisant la sphère informelle et la corruption paralysant toute l’économie. Mais la relance socio-économique doit reposer sur le développement des LIBERTES ET LA TOLERANCEE DES IDEES CONTRAIRES, ciment de la cohésion et de l’unité nationale, condition du retour à la confiance afin de libérer toutes les énergies créatrices loin des relations régionales et de clientèles, privilégiant les compétences et l’intégrité morale pour éviter une société décadente minutieusement analysé par Ibn khaldoum. Avec les tensions géostratégiques au niveau de la région et les tensions budgétaires, il faut que les responsables politiques à tous les niveaux, se présentent avec la modestie qu’exigent l’imaginaire et le mental algérien sans tomber dans le populisme médiatique qui est contreproductif. Car la fonction, ne doit pas être un privilège pour se servir mais une lourde mission pour servir la Nation. Aussi, sans un retour à la confiance, impliquant une visibilité dans la gouvernance un système de communication officiel transparent et des stratégies d’adaptation au nouveau monde en perpétuel changement, il ne faut pas être utopique, point de développement ave des conséquences dramatiques sur le plan socio économique et sécuritaire.
-Pr Abderrahmane Docteur d’Etat en Sciences Economiques (1974- ) diplômé d’expertise comptable de l’Institut supérieur de Gestion de Lille , membre de plusieurs organisations internationales Europe -USA, auteur de 20 ouvrages et de plus de 700 conférences nationales et internationales- haut magistrat premier conseiller, directeur général des études économiques la Cour des comptes 1980/1983- Président du Conseil national des privatisations 1996/1999- expert indépendant au conseil économique et social 1997/2008, directeur d’Etudes Ministère Industrie-Energie 1974/1979-1990/1995-2000/2007-