Pour l’armée russe, la Syrie est un polygone dans lequel elle expérimente les nouvelles méthodes de lutte et de nouvelles structures organisationnelles. La Russie forme en permanence l’armée syrienne à s’adapter au fur et à mesure face à la guerre terroriste étrangère qui lui est imposée.
L’offensive de l’Etat islamique du 8 au 12 Décembre 2016 a donné lieu à la réoccupation de la ville de Palmyre par l’Etat Islamique avançant vers l’Ouest et bloquant la base aérienne syrienne T-4 Tiyas, située à 30 km à l’ouest de Palmyre. L’offensive de l’état islamique avait été menée avec trois brigades et une réserve, soit environ 4000 combattants, des chars, des BMP-1, des camionnettes équipées de mitrailleuses de calibre 14,5 mm, des obusiers de calibre 122mm, des lance-roquettes multiples BM- 21 Grad, et des dizaines de mortiers de calibre 82 et 120 mm. Une réserve de plus de 800 combattants de l’Etat Islamique était stationnée dans Palmyre et l’aéroport de la ville.
Les forces combattantes à Palmyre.
La Base aérienne syrienne T-4 Tiyas était défendue par environ 2000 soldats. Les forces de défense étaient les suivantes : des unités d’une brigade mécanisée de la 10e division d’infanterie de l’armée syrienne, un bataillon territorial NDF composé de réservistes syriens, un bataillon du Hezbollah libanais et un bataillon de l’organisation chiite afghane Liwa Fatemiyoun. La Base de T-4 Tiyas était sur le point d’être encerclée et isolée, de sorte que l’armée syrienne a été contrainte d’envoyer des renforts d’environ 2 500 soldats à partir d’Alep.
En plus d’un bataillon des forces spéciales Tigres, un bataillon de la 5e Légion et trois compagnies de chars de la 18ème division de chars (soit au total, environ 800 soldats), les soldats reçoivent le secours des forces auxiliaires NDF (National Forces de défense) avec une faible expérience de combat. Même avec les renforts, les effectifs de l’armée syrienne ne dépassent pas celles de l’État islamique. Dans ces conditions, arrêter l’attaque offensive de l’Etat islamique et la préparation de la libération de Palmyre prendrait plusieurs mois. C’est pourquoi l’état-major de ce dispositif était composé d’officiers de planification russes. Les planificateurs russes ont rapidement mis au point un plan d’opérations aéroterrestres permettant d’atteindre les objectifs fixés en moins d’une semaine.
Plan de l’offensive pour la libération de Palmyre.
Le premier élément clé est de restreindre au maximum la mobilité des groupes de l’Etat islamique en les empêchant de se déplacer. L’État islamique a également été forcé d’adopter une défense et empêché de faire entrer dans la bataille sa réserve située à 30 km de la base aérienne syrienne T-4 Tiyas. Pour immobiliser et neutraliser les forces de l’État islamique, les groupes tactiques de l’aviation russe en Syrie (avions et hélicoptères d’attaque) ont dû exécuter des frappes sur au moins 600 cibles importantes de l’Etat islamique durant les 72 premières heures de l’opération. Ce qui voulait dire que certains avions, en particulier les hélicoptères d’attaque Ka-52, ont effectué quotidiennement cinq sorties au lieu des deux habituelles. La plupart des missions étaient des soutiens rapprochés CAS (close air support) à basse altitude. Ce qui signifiait un risque supplémentaire pour les avions russes qui étaient vulnérables aux mitrailleuses lourdes et aux canons de petit calibre de l’Etat islamique.
Le deuxième élément clé est l’utilisation avec une efficacité maximale de l’une des formes de base de la sécurité dans le combat : la recherche. En particulier, la recherche dans le combat faite indépendamment des troupes au sol. L’efficacité des frappes aériennes dépend des précisions des résultats des recherches et la transmission des détails de chaque dispositif de combat ennemi. Par conséquent, le centre de gravité de l’opération pour briser l’encerclement de la base aérienne T-4 Tiyas et libérer Palmyre reposait sur la capacité des groupes Spetsnaz russes à transmettre des informations de recherche au siège de l’opération. Les Spetsnaz organisaient également des raids et des embuscades.
Les Russes ont imposé à l’armée syrienne un dispositif flexible, composé d’environ 10 groupes d’assaut, constitués de pelotons de chars T-62, de BMP-1, de BTR-82A de canons automoteurs ZSU-23-4 Shilka, de camionnettes avec des mitrailleuses de calibre 14,5 mm, et 200 hommes d’infanterie embarqués sur des camions. L’élément de recherche pour le combat de chaque groupe d’assaut était constitué de détachements avancés. Les détachements avancés étaient composés d’unités de commandos mixtes constitués des Spetsnaz et des forces spéciales syriennes Tigres.
La liquidation des points de soutien de l’Etat islamique frappés par les avions a été exécutée par les groupes d’assaut de l’armée syrienne pour détruire ou forcer les islamistes au retrait. Pour les zones montagneuses, difficiles à frapper avec l’aviation, au nord et au sud de la route qui relie la base aérienne T-4 Tiyas à Palmyre, l’armée syrienne a utilisé un groupe de soutien d’artillerie constitué d’obusiers D-30 de calibre 122 mm, de lance-roquettes multiples BM-21 lance-Grad et de lanceurs de projectiles thermobariques TOS-1A. Les munitions thermobariques sont destinées à détruire des fortifications ou des véhicules blindés. Le projectile thermobarique produit une première petite explosion qui vaporise un contenu sous forme de nuage inflammable. L’aérosol ainsi obtenu, au contact avec l’oxygène atmosphérique créé une auto-détonation, avec une énorme onde de choc suivie d’une chaleur intense.
Dans les 48 heures suivant le début de l’opération, l’aviation russe avait rempli sa mission, l’offensive terroriste Etat islamique avait été stoppée et les groupes d’assaut de l’armée syrienne repris l’initiative. Les combattants de l’Etat islamique se sont retirés de Palmyre assiégée au sud, à l’ouest et au nord par l’armée syrienne. La ville a été rapidement libérée des terroristes qui se sont retirés par l’Est de Palmyre, l’armée syrienne continuant de poursuivre son mouvement dans la direction de Deir ez-Zor.
Selon la déclaration du lieutenant-général Sergueï Rudskoi, chef des opérations dans l’état-major russe, 1000 combattants de l’Etat islamique ont été tués ou blessés, 19 chars, 37 véhicules blindés et 98 camionnettes armées et plus de 100 autres véhicules ont été détruits.
Les unités de commandos syriens des Tigres.
C’est à la fin de l’année 2013 qu’a commencé à se former un nouveau bataillon des forces spéciales syriennes appelé les Tigres. Quelques-uns des officiers des nouvelles unités étaient choisis dans les 4ème et 11ème divisions de chars de l’armée syrienne. Dans un premier temps, les Tigres ont été entrainés selon le manuel opérationnel des membres des commandos iraniens et du Hezbollah. Au début de 2016, le bataillon initial a transmis sa formation à d’autres nouvelles unités Tigres entrainées par des instructeurs Spetsnaz. Ceci explique l’utilisation par les Tigres des armes AK-74 russes avec amortisseur et télémètre laser, des casques et des protections provenant de l’équipement russe RATNIK, de 10-15 chars T-90A et plusieurs voitures blindées légers Rys LMV russes en opération dans le gouvernorat d’Alep à l’été 2016.
Les Tigres ont compris que les offensives des groupes d’Al-Qaïda et de l’Etat islamique étaient précédées ou se faisaient simultanément avec deux types d’actions suicidaires. Jusqu’à 10 voitures ou camions, blindées avec des plaques épaisses appelées VBIED (Véhicule Borne Improvised Explosive Device) ou des véhicules de combat d’infanterie BMP-1 (IFV), tous remplis d’explosifs, venant de directions différentes à pleine vitesse et roulant vers les points de soutien de l’armée syrienne pour les faire exploser à l’intérieur. Simultanément, des dizaines de combattants isolés ou en groupes, équipés de ceintures explosives essayent d’atteindre les points de soutien de l’armée syrienne. Si cette méthode réussit, les unités d’assaut des terroristes enclenchent l’offensive. Les Tigres ont adopté leur propre procédure pour neutraliser cette méthode suicidaire par la mise en place d’embuscades. Lors de ces embuscades, les tigres utilisent plusieurs points et secteurs d’observation attribués à des snipers utilisant un fusil de précision Orsis T-5000 si KSVK (de calibre 12,7 mm) avec une capacité de pénétration accrue. Il y a aussi le canon sans recul SPG-9, de calibre 73 mm, le lanceur antichar portatif RPG-29 ou le missile antichar Metis-M et Kornet.
La 5ème Légion et le Régiment de chasseurs provient des unités auxiliaires de l’armée syrienne, complétées par des bénévoles qui passent par la suite par un programme de formation, leur équipement et leur armement étant financés par la Russie. Un premier lot de 1000 soldats de la 5ème Légion a été formé dans des tactiques d’assaut contre le groupe de l’Etat islamique, et sont utilisés sous la subordination des unités d’élite des Tigres.
Le rôle des Spetsnaz dans la libération de Palmyre.
Les Spetsnaz, équipés d’un casque 6B47 (de l’équipement RATNIK) ont un viseur thermique1PN139 et un dispositif de visée 1-P88-2 avec des systèmes pour la vision nocturne. Cela leur a permis de s’infiltrer secrètement, la nuit, sur une distance de cinq kilomètres dans les points de résistance mis en place par l’Etat islamique. Pendant la journée, cela était impossible, en raison des nombreux points d’observation de l’Etat islamique équipés de tireurs d’élite.
Les Spetsnaz s’équipent du système RATNIK avant de mettre ensuite en marche le mini drone de type ZALA 421-08 muni d’un moteur électrique silencieux, d’un poids de 1,7 kg, un plafond de 3 600 m et une durée de vol jusqu’à 90 minutes [[i]]. Les transmissions vidéo réalisées par ZALA 421-08 sur les dispositifs de l’Etat islamique en images infrarouges sont reçues via satellite au centre des opérations aériennes à la base aérienne russe Hmeymim. La transmission se fait par l’intermédiaire du système informatique « Strelets » contenu dans l’équipement RATNIK des Spetsnaz. Les données sont automatiquement affichées sur les écrans du matériel informatique Strelets et sont envoyées à l’aviation russe, avec toutes les positions militaires des détachements avancés qui se trouvent autour des Spetsnaz pour éviter ainsi des frappes accidentelles par l’aviation russe.
Ayant des cibles identifiées, le centre russe d’opérations de Hmeymim fait décoller les avions Su-24, Su-25, Su-30, et les hélicoptères d’attaque Mi-28 N, Mi-35 et Ka-52. Ils ont d’abord ainsi frappé les voitures blindées, les camionnettes et les pièces d’artillerie dans les points de résistance de l’Etat islamique. Pour plus de précision des frappes aériennes, les Spetsnaz illuminent une partie des cibles par un faisceau laser. Les frappes de l’aviation russe ont ainsi réussi à neutraliser les moyens d’appui de l’infanterie de l’Etat islamique.
Test pour l’hélicoptère russe Ka-52.
Pour la Russie, un des objectifs importants de cette opération est de tester les hélicoptères Ka-52, détachés des forces navales de la Russie. Le Ka-52 Alligator est un nouvel appareil de recherche et d’attaque, avec deux hélices coaxiales portantes. L’hélicoptère Ka-52 peut embarquer jusqu’à deux tonnes d’armes. Il est possible de monter sur les ailes des containers avec des canons de calibre 23 mm, des lanceurs multiples avec chacun 6 missiles antichars guidés par faisceau laser de type Vikhr (portée de 12 à 15 km) ou chacun 6 missiles air-air Igla-V, ou deux blocs avec chacun 20 projectiles réactifs S-8, de calibre 80 mm. Lors de l’opération de Palmyre, l’essai de nouveaux missiles Vikhr a donné de très bons résultats. Quand il est utilisé par la marine russe, le K-52 est équipé d’une torpille, d’un missile Air-navire Kh-25 guidé par faisceau laser ou Kh-35U (rayon d’action 300 km) ou Kh1AD.
L’avionique à bord du Ka-52 inclut des équipements conçus par la société française Sextant Avionique, une composante de Thales. Elle permet d’afficher toutes les informations NASH (Navigation and Attack System for Helicopters) sur la grille de l’appareil de visée du système HDD (head-down displays), ou directement sur la visière du casque pilote et de l’opérateur du système d’armement à travers le système TopOwl. Il y a sur la visière du casque des commandes pour le canon mobile Shipunov2A422 de calibre 30 mm, situé dans le nez de l’hélicoptère. Pour naviguer la nuit et avec une faible visibilité, il est équipé de capteurs FLIR russes de type Khod et de Télémètre laser couplé avec un système de marquage de cibles avec un spot laser. L’hélicoptère Ka-52 dispose également d’un radar Phazotron FH-01 Arbalet qui permet de suivre simultanément jusqu’à 20 cibles aériennes et terrestres. Pour l’autoprotection, l’hélicoptère Ka-52 a un système d’alerte à bande large Pastel L150. Dans le spectre infrarouge, il est protégé par l’équipement Mak L136 et, dans la fréquence des impulsions laser, il possède l’équipement Otklik L140. Les lanceurs de leurres thermiques UV 26 et de cartouches avec dipôles métalliques sont montés dans un container aux extrémités des ailes.
Traduction: Avic Réseau International