Devant un bureau de vote à Ryad, la même scène s'est répétée samedi tout au long de la matinée: des voitures s'arrêtent, déposent des femmes, attendent qu'elles ressortent et repartent en essayant d'éviter les caméras. Les journalistes de sexe masculin ont eu les plus grandes difficultés à parler ou même à s'approcher de ces femmes voilées portant toutes l'abaya, longue robe de couleur noire.
C'est pourtant un jour historique pour ces Saoudiennes qui participent pour la première fois à un scrutin -des élections municipales- comme électrices ou candidates. Mais la ségrégation des sexes reste de mise ce royaume ultra-conservateur et il n'est pas question de mixité dans les bureaux de vote. Une femme se plaint de la présence des caméras.
D'autres font signe aux photographes et leur enjoignent de ne prendre aucune photo. La sécurité s'en mêle et demande aux journalistes de s'éloigner de l'entrée. Mohamed al-Chimmari, 53 ans, attend sa fille, enseignante, dans une voiture grise devant la section réservée aux femmes d'un bureau de vote. "Je l'ai encouragée à aller voter", dit-il, car "nous voulons briser cette barrière".
"Tant qu'elle a sa propre place et qu'il n'y a pas mélange avec les hommes, qu'est-ce qui l'empêche de voter ?", demande cet homme en rappelant qu'en Arabie saoudite, "les femmes travaillent maintenant comme enseignantes, infirmières, médecins, ingénieurs". "Nous soutenons tout ce qui ne viole pas la charia (loi islamique)", conclut Mohamed al-Chimmari, qui a conduit sa fille jusqu'au bureau de vote car, comme toutes les Saoudiennes, elle n'a pas le droit de conduire.
Un cas unique au monde. Peu de femmes étaient visibles samedi à Ryad au début des opérations électorales. Mais une candidate, Amal Badreldin al-Saouari, se montrait résolument optimiste: "Il y avait une bonne présence de femmes et j'en attends plus", disait-elle. "Notre société est dominée par des hommes en apparence, mais les femmes travaillent partout", affirmait Mme Saouari, qui voit en ces élections une étape "très positive" dans le long et lent processus visant à réduire les inégalités hommes-femmes en Arabie.
"J'ai voté pour un homme car je manque d'informations sur les femmes", expliquait pour sa part Ahmed Soulaybi, un électeur de 78 ans, tout en soulignant n'avoir "aucune réserve" sur la participation des femmes qui devraient jouer "pleinement un rôle" dans la société. Dans un pays régi par une version rigoriste de l'islam, les Saoudiennes font face à des restrictions de leurs droits parmi les plus strictes au monde.
Elles ne peuvent voyager sans le consentement d'un homme de leur famille, ni se marier ou travailler sans le consentement d'un garant. Elles ne peuvent pas non plus se mélanger à des hommes qui ne sont pas de leur famille dans des lieux publics tels que des restaurants. L'Arabie saoudite était le dernier pays à dénier à ses citoyennes le droit de voter et de se présenter à des élections. (Afp)