Par M. Ould El Bachir
A tous les martyrs de la révolution algérienne,
A tous les combattants, de toutes les résistances
à l’occupation étrangère,
A toutes les femmes et à tous les hommes tombés
pour que vive l’Algérie,
A tous les enfants de mon pays,
pour qu’ils se souviennent,
Je dédie ce livre
A l’occasion du cinquantième anniversaire
du 1er Novembre 1954 (Boualem Bessaih)
Ces extraits sont puisés de l’œuvre poétique de Boualem Bessaїh, publiée en 2004, dans laquelle il a immortalisé l’histoire de l’Algérie et ses gloires séculaires, et qu’il a intitulée : L’Algérie belle et rebelle, de Jugurtha à Novembre.
Parler de Boualem Bessaih, celui qui fut homme d’Etat, écrivain, poète et diplomate, vous rappelle immanquablement que sa vie était bien remplie. Il ne s’agit pas ici de la relater sa vie ou de la décrire mais seulement de s’arrêter à certaines étapes de son parcours singulier, pour en retenir les moments forts, afin de tenter de lui rendre l’hommage qu’il mérite, tant il est vrai que son humilité coutumière est l’apanage des grands hommes.
Durant toute sa vie, passée dans les plus hautes sphères de l'État et de la diplomatie, Boualem Bessaih a été un grand diplomate, mais aussi un homme de plume.
«Que dire de cette source jaillissante de sagesse et de mesure, de littérature et d'art, de poésie et de finesse, de diplomatie pondérée et de politique avisée, d'expérience longue et émérite, de fidélité en amitié et de loyauté à la patrie, de vertus et de valeurs. Des qualités qui ont fait sa grandeur, une grandeur à la hauteur des missions qu'il a habilement assumées dans toutes les fonctions qu'il a occupées avec mérite», a écrit le Président Bouteflika dans un message à son adresse.
Même ses adversaires politiques, les plus redoutables, respectaient en lui l'homme d'Etat, le diplomate et l'intellectuel qui a toujours fasciné par «la finesse et la pertinence de son style et les thèmes qu'il choisissait en histoire».
Pour ma part, je suis convaincu que c'est la fidélité aux valeurs nationales et au sens des choses et des hommes qu'il a toujours enseigné à ses disciples qui en est la véritable armature.
Pour ceux qui connaissent Boualem Bessaih, la chose est moins aisée. C'était un grand Homme, un homme d'honneur et de parole, attaché à l'honneur des hommes, avec qui on ne pouvait pas rester indifférent. Je pense qu'on peut aisément considérer que sa proverbiale humilité, doublée de précision et de sérieux, lui a donné tout au long de sa vie politique, intellectuelle et diplomatique, de la consistance et de l'élégance.
Pour un écrivain de sa trempe, la modestie n'est ni quelque chose de rare ni un trait repoussant. Tout est dans l'intention. Discret et digne, il a touché à toutes les disciplines et avec bonheur : poésie, critique, cinéma, histoire - «Mohamed Belkheir, Etendard interdit», «De l'Emir Abdelkader à l'Imam Chamyl. Le héros des Tchétchènes et du Caucase», «De Louis Philipe à Napoléon III L'Emir Abdelkader, vaincu mais triomphant»,«Au bout de l'authenticité, la résistance par l'épée ou la plume», - «Abdellah Ben Kerriou, poète de Laghouat et du Sahara». Il est aussi l'auteur du scénario du film historique «L'Epopée du Cheikh Bouamama». Parmi ses autres publications: «Roses de printemps et feuilles d'automne.»
Son dernier ouvrage, publié à l'occasion du 50e anniversaire de la Révolution, «L'Algérie belle et rebelle, de Jugurtha à Novembre» et préfacé par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, se veut aussi une rétrospective des combats menés par ce peuple pour sa liberté.
Pour ne citer que «Mohamed Belkheir», considéré comme un grand moment de l'Histoire, et pour reprendre une formule qu'on prête à Jacques Berque, qui a préfacé le livre sur ce poète qui fut déporté en Corse, ce «chantre du courage nomade et de l'éternel désir, propose, sous la dictée des formes pures, un message de demain et de toujours» (sic). «Arabe est sa langue, raffinée sa poésie, exemplaire son combat», disait aussi Ben Badis de ce poète qui fut un valeureux combattant de la résistance des Ouled Sid Cheikh et son porte-parole.
«Dès mon enfance, je connus le nom de Mohamed Belkheir. Certains de ses vers tombaient de la bouche de mon père comme des énigmes, des allusions à l'inconnu. C'était déjà l'histoire: cavaliers, épées, fusils et poudre. Le jour du marché, j'accourais, j'écoutais, et ma mémoire entremêlait tout: récits interminables et légendaires, épisodes de la vie du Prophète (Qsssl), évocations d'Omar le Juste et d'Ali l'Intrépide, ou encore les poèmes de Ben Kerriou, amoureux et innocents, accompagnés d'une flûte naïve et nostalgique...», écrit Bessaih à propos de son intérêt à ce grand poète.
Boualem Bessaih, qui avait beaucoup de respect pour Si Abdelkader el Mali, n'a eu qu'une seule vocation, qu'une seule ambition, servir l'Etat algérien et par extension l'intérêt général, comme militant de la première heure, notamment comme membre du secrétariat général du Conseil national de la Révolution algérienne de 1959 à 1962, et chef de la section de contre-espionnage de la base Didouche à Tripoli en Libye en 1961, comme commis de l'Etat, ambassadeur dans plusieurs capitales européennes et arabes (Bruxelles, Berne, Le Vatican, Le Caire puis représentant de l'Algérie auprès de la Ligue arabe de février 1971 à juin 1974, Koweït, Rabat),puis comme secrétaire général du ministère des Affaires étrangères en 1971, et émissaire du président Houari Boumediene, comme ministre, en occupant successivement l'Information, la Poste et les Télécommunications, la Culture et enfin les Affaires étrangères en 1988.
A ce titre, il participe activement au sein du comité tripartite Algérie-Maroc-Arabie saoudite, décidé par le Sommet arabe de Casablanca, aux efforts déployés pour aboutir à l'Accord de Taïef qui a mis fin aux souffrances du peuple libanais, comme sénateur, au titre du tiers présidentiel, puis élu président de la Commission des affaires étrangères, comme président du Conseil constitutionnel, en septembre 2005 et comme ministre d'Etat, conseiller spécial et représentant personnel de Monsieur le président de la République.
En pensant à lui, un ambassadeur, qu'il admire fort ne peut s'empêcher de s'exclamer: «Cet homme avait du cœur» et c'est ce qui le fait grand. S'il n'avait eu que son intelligence, nous l'eussions admiré sans doute, mais à cause de son cœur, nous faisons plus, nous le respectons. Et si nous sommes si petits devant ses semblables, c'est parce que nous avons moins de cœur.
Dire ce que Boualem Bessaih a laissé comme héritage, comme valeurs humaines, intellectuelles et professionnelles, nous ses disciples, montre qu'il fut et demeurera l'un des porte-flambeaux de cette catégorie d'hommes qui n'ont d'autre ambition que celle de «retracer le parcours des épopées successives de notre peuple et de saluer avec admiration les personnages qui en ont été les artisans et les meneurs». «Par ces qualités, il demeurera un exemple pour les générations et un modèle à suivre dans la fidélité au serment», a soutenu le Président Bouteflika.
S'il conservait une renommée d'homme de plume, entretenue d'abord par la qualité de son «œuvre», parce que ce natif d'El Bayadh se gardait de confondre ouvertement la culture et le monde de la gouvernance. Au vu de ses talents multiples (notamment son doctorat es lettres et sciences humaines), ses actions ne pouvaient qu'être diverses et dans lesquelles il se distingua remarquablement, à tel point qu'à lire son dernier livre, l'on serait tenté de lui attribuer la «perfection».
Diplomate hors pair, le Docteur Boualem Bessaih avait bien raison en disant: «Si Bouamama était une personnalité légendaire, il n'en était pas moins un résistant farouche et un combattant héroïque, habillé de son burnous tel un cavalier du Sahara, ce Sahara qu'il aimait tant, qu'il a défendu jusqu'au dernier souffle de sa vie et qui a longtemps été pour lui une source de méditation et de contemplation, entre la prière et le combat, le silence du Sud et le tonnerre des canons.»
Par M. Ould El Bachir ( universitaire)