Par M.Ould El Bachir
Parler de cet homme d’envergure, qui a marqué l'histoire de l'Algérie contemporaine, n’est pas chose aisée, car nombreux sont ceux qui ont marqué leur opposition pour me signifier leur désapprobation quant à la manière de considérer Ahmed Ben Bella comme un acteur majeur de la diplomatie algérienne devant les symboles emblématiques, à l’instar de M’hamed Yazid , Réda Malek et Abdelaziz Bouteflika , qui ont signé son acte de naissance, mais aussi devant les dignes fils de cette école algérienne, tels que Mohamed Seddik Ben Yahia, Boualem Bessaih, Lakhdar Brahimi, pour ne citer que ces figures de proue.
Ceci dit, la plupart des critiques, voire reproches formulées par des ‘’voix amies’’ ne tiennent pas la route pour quiconque a personnellement connu le fils de Maghnia, ni pu cerner la sagesse de son ami de lutte Si Abdelkader El Mali, qui a voulu, me semble-t-il, à partir de 1999, lui donner au crépuscule de sa vie remplie la valeur qu’il mérite et
couronner ainsi l’itinéraire d’un grand Homme, en guise de réconciliation et de reconnaissance de la nation toute entière. Son amour pour l’Algérie et pour tous les peuples opprimés à travers le monde, et son grand humanisme, émanent de sa conviction que l’Homme a vocation à vivre dans la paix et la quiétude.
Une telle profession de foi démontre la grandeur d’âme de ce Géant, qui a affronté avec stoïcisme les injustices de l’histoire: « Si j’ai commis des erreurs, j’ai suffisamment expié. Si je suis victime, je pardonne », disait-il, en ne manifestant ni rancœur, ni amertume et qui laisse par ailleurs le souvenir impérissable du nationaliste intègre et du combattant engagé, qui a consacré sa vie à sa patrie,
ont fait de lui l’exemple de l’inflexible combattant, du moudjahid farouche et du responsable qui n’hésite pas à sacrifier ce qu’il a de plus précieux pour son pays et son image.
peuple algérien (PPA) de Messali Hadj. Les quatre citations et la médaille militaire vont lui donner de la consistance, disent les historiens. Mais le héros de Monte Cassino, qui a perdu trois de ses frères à la guerre, versera encore des larmes en apprenant presque simultanément la fin du conflit et la répression sans mesure des tueries à Sétif, Guelma et Kherrata au lendemain du 8 mai 1945. Il n’est plus question pour lui de rempiler.
nationale en 1949.
l’objectif majeur de Ben Bella. Revenu en Algérie après l'élection en 1999 de Abdelaziz Bouteflika, il se consacre, grâce la grande générosité à ce dernier, à des dossiers internationaux (Palestine, Irak), rejoint les "altermondialistes" dans leur lutte contre les injustices de la mondialisation, soutient la politique de concorde civile et de réconciliation nationale et endosse en 2007 sa dernière fonction officielle: président des Sages de
l'Union africaine, chargés de la prévention et de la résolution des conflits.
A Alger, les anciens traits de sa personnalité se glissent dans son nouveau personnage. C’est un homme de contact, d’abord facile. Grand, souriant, affable, met à l’aise ses interlocuteurs par sa simplicité. Dans une tribune parue dans le mensuel Afrique Asie, intitulée « Merci Ahmed Ben Bella », le sociologue suisse Jean
Ziegler, qui le connait bien, a considéré que Ben Bella était « de haute stature et s’est tenu droit jusque dans son très grand âge », soutenant qu’au-delà de l’histoire maghrébine, « il appartient à l’histoire du monde ».
« C’est lui qui a accueilli Che Guevara et les autres dirigeants de la Conférence tricontinentale à Alger, transformant ainsi la ville en capitale internationale de la solidarité ».
Pour lui, Ahmed Ben Bella incarne, dans sa personne et dans sa vie, «presque idéalement les caractéristiques et les qualités de la Révolution algérienne : intraitable volonté d’indépendance, courage
physique et moral, finesse d’esprit maghrébine, attachement au bonheur, irrésistible désir de solidarité avec ses compatriotes et avec les peuples du monde ». Dressant son portrait, il relève que le défunt « n’était pas un grand intellectuel, mais un homme qui pensait juste », soulignant qu’en le côtoyant, il trouve que dans ses récits, Ben Bella était « totalement libre, exempt de toute forme de vanité ou de ressentiment ». «La vie d'Ahmed Ben Bella est indissociable de l'histoire de l'Algérie et de l'Afrique. Elle a transcendé les frontières de l'Algérie», a affirmé le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, qui s'exprimait en connaisseur, lors du Colloque international intitulé : «La personnalité d'Ahmed Ben Bella, une dimension nationale et internationale», puisqu’il a passé à ses côtés les derniers moments de sa vie.
Une vie devenue ‘’ une source d'inspiration’’ pour les révolutionnaires du monde entier. Celle-ci mérite amplement les honneurs, en raison de sa lutte et des sacrifices qu'il a consentis pour la libération de son pays et de pays africains. Pour Ben Bella, l'indépendance de l'Algérie «n'était qu'une étape dans la libération de l'Afrique tout entière», a indiqué le ministre Messahel, citant un discours du défunt qui, lors de la création de
l'Union africaine, avait déclaré: «Il est de mon devoir de dire, au nom du peuple algérien et des 1,5 million de martyrs, que la Charte de l'Union africaine ne sera pas écoutée si elle ne donne pas un soutien
total aux peuples qui luttent pour leur liberté.» Nelson Mandela a écrit dans ses mémoires que l'Algérie était «une source d'inspiration pour l'Afrique du Sud (...). C'est Ben Bella qui m'a invité en Algérie. C'est l'Algérie qui a fait de moi un homme». Amical Cabral disait dans une de ses célèbres déclarations: «Les chrétiens vont au Vatican, les musulmans à La Mecque et les révolutionnaires à Alger.»
Evoquant les réseaux qui, un peu partout apportaient de l’aide à la révolution algérienne, Pierre Galand, ancien secrétaire général d’Oxfam qui avait apporté son soutien à de nombres luttes de décolonisation et pour l’indépendance, ajouta : « c’était un combat pour ce qui était juste, le droit des peuples à leur autodétermination. Imaginer l’internationalisme, c’est ce que Ben Bella a apporté à l’humanité ».
Sous une pluie battante, les grands de ce monde ont marché derrière le président Abdelaziz Bouteflika pour accompagner la dépouille de Ben Bella, décédé à Alger à l'âge de 95 ans. La 12ème réunion du Groupe des Sages , qui s’est réunie un peu plus de deux semaines après sa disparition, a tenu à souligner sa contribution
inestimable à la libération de son pays et à celle de l’Afrique, ainsi qu’à la mise en œuvre du mandat du Groupe.
L’exemplarité de Ahmed Ben Bella est une exigence parce qu’il a représenté dignement l’Algérie et ce qu’elle incarne comme valeurs. Pour Ahmed Ben Bella, ce qui nous unit, c’est notre amour pour l’Algérie, cette fierté pour ce qu’est notre pays, cette passion de le servir partout où nous l’incarnerons.
M. Ould El Bachir (Universitaire)