Synthèse du rapport (d’une partie du volume II) remis au Premier ministre - 15 janvier 2013 par le Professeur Abderrahmane MEBTOUL
Préambule
Cette contribution pour le site ALGERIE1 est la synthèse d’une partie du volume deux (II) audit réalisé sous ma direction, d’une brûlante actualité remis au Premier ministre Abdelmalek SELLAL le 15 janvier 2013 concernant les axes stratégiques. Nous avons extrait la contribution de mon ami, le professeur Boualem ALIOUAT ( rapport de 90 pages) qui sera complétée par celle de mon ami le professeur Farid YAICI ancien doyen à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université de Béjaïa et expert dans différentes institutions, sur un thème complémentaire. Au moment où le gouvernement veut définir des filières innovantes, il s’agit de ne pas avoir une vision bureaucratique de dictat mais de tenir compte des nouvelles mutations technologiques et managériales mondiales en perpétuelle évolution. Aussi, cette contribution traite d’un thème important pour le devenir de l’Algérie.
Cet apport scientifique et opérationnel, sera suivie d’autres contributions dont celui de mon ami Tewfik HASNI ancien directeur de la stratégie à SONATRACH et directeur général de la promotion es énergies renouvelables et d’une contribution d’un éminent expert de renommée mondiale, directeur de recherche et Responsable Projet Espace, Laboratoire de Physiologie dans le prestigieux Collège de France à Paris qui a contribué à cet audit, mon ami le professeur Mohamed ZAOU.
Au moment où avec la chute du cours des hydrocarbures, posant la problématique de la sécurité nationale, l’Algérie risque de connaitre d’importantes tensions budgétaires, nécessitant un Front social interne solide, tenant compte des différentes sensibilités sociales grâce à un dialogue productif au profit exclusif de l’Algérie et une réorientation urgente de la politique socio-économique afin d’éviter le drame des impacts des année 1986, j’ai jugé utile de mettre à la disposition du large public l’audit réalisé sous ma direction assisté de 20 experts internationaux (économistes- sociologues-juristes-ingénieurs) et remis au Premier Ministre le 15 janvier 2013 (huit volumes 900 pages).
Cet audit a été réalisé sans aucune rémunération, à la demande de Mr Abdelmalek SELLAL, homme de dialogue, qui nous a donné comme orientations, nous ayant laissé libre de toute initiative sans aucune contrainte, de privilégier uniquement les intérêts supérieurs du pays et de dire la vérité, rien que la vérité, sans sinistrose, ni autosatisfaction. Cet audit réalisé avant la baisse du cours des hydrocarbures de juin 2014 au niveau mondial mais avec des prémisses dues à la chute en volume physique des exportations de SONATRACH depuis fin 2007, est d’une actualité brûlante.
Pour éviter toute mauvaises interprétations, du fait de son emploi de temps chargé, il est entendu que nous avons réalisé pour chaque volume un très bref résumé pour le Premier ministre avec des propositions concrètes. Le contenu de cette brève synthèse n’a subi aucune modification et au lecteur de juger. Nous avons, insisté fortement en préface que la bataille de la relance économique future de l’Algérie et notre place dans la compétition mondiale se remportera grâce à la bonne gouvernance et notre capacité à innover. Face aux tensions géostratégiques, des stratégies d’adaptation étant nécessaires tant au niveau extérieur qu’intérieur, espérons avoir fait œuvre utile pour le devenir de l’Algérie pour un devenir meilleur.
Professeur Abderrahmane MEBTOUL –Expert international
Les défis stratégiques de l’Algérie 2015/2025 : face aux mutations technologiques mondiales, favoriser les réseaux d’innovation : cinquante (50) propositions
Docteur Boualem ALIOUAT Professeur des Universités à l’Université de Nice Sophia Antipolis et Dirige des Recherches au CNRS (France)
-1-Problématique
Les piliers essentiels pour les économies dont le développement est tiré par les dits « facteurs » reposent sur des Paramètres de base (Institutions, Infrastructure, Stabilité macroéconomique, Santé et enseignement primaire). Les piliers essentiels pour les économies dont le développement est tiré par l'efficience reposent sur des Sources d'efficience (Enseignement supérieur et formation, Efficience des marchés des produits, Développement des marchés financiers, Ouverture à la technologie, Taille du marché, Concurrence vigoureuse). Les piliers essentiels pour les économies dont le développement est tiré par l'innovation reposent sur des Sources d’innovation et de sophistication (Sophistication des entreprises et l’Innovation). Au demeurant, ajoutons notamment que pour assurer croissance et développement aux pays émergents, et particulièrement dans la région MENA, la Banque mondiale promeut le renforcement des 4 piliers de l’« économie de la connaissance » par l’appui à des politiques publiques en matière d’institutions économiques et politiques (diminution des barrières douanières, état de droit, respect de la propriété intellectuelle etc.), d’éducation (alphabétisation, enseignement secondaire et supérieur...), de technologies de l’information et de la communication (e-development, e-administration, e-sourcing, e-procurement...), et des systèmes d’innovation (R&D, articles scientifiques et techniques publiés, dépôt de brevets et de marques...). La croissance par l’innovation que semble appelé de ses vœux le WEF n’est donc pas un programme spécifique en soi mais s’insère dans une politique générale plus large de soutien à la croissance en matière de gouvernance publique, de soutien au secteur privé et à la création d’emplois, de participation de la société civile et des femmes, de l’investissement dans l’éducation, de gestion des ressources.
-2-Concevoir un dispositif de pôles de compétitivité en Algérie
Le développement repose en effet sur un ensemble très complexe d’opérateurs économiques, d’acteurs financiers et de volonté politique. Si l’un ou l’autre est défaillant, c’est l’ensemble qui est grippé. En Algérie, nous manquons surtout d’acteurs financiers appropriés et la vision politique n’est pas très stimulante à long terme. Il faut donc, dans ce pays, à la fois édifier des bâtisseurs, des entrepreneurs innovants et responsables, des rouages financiers efficaces et un cap politique attrayant. Les chinois représentent le mot crise par l’association de deux idéogrammes : l’un signifiant « danger » et l’autre signifiant « opportunité ». Toute crise porte donc en soi des signes d’opportunité. Toutefois, deux conditions sont à réunir : des capacités et une vision stratégique à long terme. Premièrement, rappelons que les capacités ne se limitent pas à la détention de ressources. Les capacités stratégiques d’un pays sont une combinaison intelligente et forte de ressources, d’une économie de la connaissance et de compétences et savoir-faire. Or, si l’Algérie détient des ressources incontestables, elle n’est pas à ce jour en possession d’une réelle économie de la connaissance et de compétences fondamentales et compétitives. C’est un handicap majeur pour un rattrapage économique en période de crise internationale. L’Algérie, autrement dit, n’est pas comparable aux pays du BRICSAM qui ont investi de longue date sur ces capacités stratégiques. D’autant que les pays industrialisés sont en train de préparer l’étape « 3.0 » de leur développement, basé essentiellement sur l’innovation à très fort contenu immatériel et l’excellence « qualité ». Le nomadisme industriel a des chances de s’inverser à l’avenir au profit d’un occident aguerri, patriotique et protectionniste. Deuxièmement, tous les observateurs ne sentent pas une vision stratégique claire aujourd’hui en Algérie. Or, comme le rappelle Sénèque « aucun vent n’est favorable à celui qui ne sait pas où il va ». Il est urgent, en Algérie, de renouer avec la culture du plan. Cette culture a malheureusement disparu avec le rejet des scories du socialisme, et ce sans discernement. Désormais, les lois de finance complémentaires semblent jouer seules ce rôle de « plan économique et social ». Cela crée trop d’incertitude pour les opérateurs économiques et ne les mène pas vraiment à un contexte d’opportunités. La valeur des importations algériennes a déjà explosé, et on ne voit pas de réduction de ces importations dans un avenir proche ou lointain en raison du contexte politico-économique actuel. Ces importations (parfois subventionnées) ne créent pas forcément toutes les richesses attendues en Algérie, en raison notamment de leur redistribution dans les pays voisins par des formes d’exportations discutables. Toute la question repose sur les formes de régulation que souhaite opérer ce pays. Soit on considère que le marché doit être la seule forme de régulation des échanges (en biens, services et monnaies), et dans ce cas en effet il est incontestable que les prix augmenteront considérablement sous les effets conjugués de l’inflation et des dévaluations monétaires. Soit, on considère que l’Etat algérien doit jouer un rôle de contrôle des prix et des importations, de régulation fiscale ou encore de subvention à la consommation. Cette dernière voie semble à bien des égards faire l’objet d’un choix récurrent en Algérie. Mais pour combien de temps ? Ne faudrait-il pas prendre la mesure ici de l’intérêt de favoriser l’entrepreneuriat local de production et de servuction par une juste redistribution de la rente à destination de pôles d’innovation favorable au développement futur du pays et de la zone Maghreb dans son ensemble ? Le développement des économies se base de plus en plus sur des logiques de réseaux, voire de réseaux d’innovation. Ainsi, nous avons vu naître ces dernières années, un peu partout à travers le monde, des effets de grappe et des effets cluster concentrant des innovations majeures et transformatrices. Ces effets permettent de lutter notamment contre le nomadisme industriel qui fragilise les équilibres économiques et sociaux. Ces choix sont souvent le fait d’entrepreneurs innovants sur des territoires appropriés et d’initiatives d’Etats soucieux de consolider leur compétitivité en matière d’innovation ainsi que leur capacité stratégique à long terme. Ce clustering consiste à mettre sur pied tous les paramètres favorables aux investissements innovants localisés dans des lieux dédiés. En ce qui nous concerne, l’innovation peut se faire, comme partout à travers le monde, via des réseaux d’entreprises locales ou maghrébines. Mais, peut-on raisonnablement envisager de transformer l’Algérie par l’instauration de clusters industriels et services, et la fertilisation de réseaux d’innovation ? A priori, rien ne permet d’en douter à condition de s’en donner les moyens et de ne plus favoriser la rente au détriment de l’innovation. Cela suppose un volontarisme des politiques monétaires, sociales, fiscales et industrielles, ainsi qu’une redistribution géographique de la compétitivité. C’est précisément ce que nous tenterons de démontrer. Nous ferons cependant des propositions d’ensemble (en conclusion) qui doivent impérativement accompagner ces politiques d’innovation en réseau afin de réinstaurer dynamisme, coopération et confiance dans les relations entre opérateurs économiques et acteurs publics, point névralgique des symptômes d’échecs économique et politique au Maghreb. Nous proposons trois points qui traiteront successivement :
· de l’intérêt d’instaurer des clusters en Algérie, tout en analysant le degré d’accueil de ces réseaux innovants et leur mode de gouvernance possible ;· d’une opportunité de benchmarking possible à la faveur du dispositif des pôles de compétitivité ;· et enfin, nous ouvrirons des pistes nouvelles de clusters possibles en Algérie qui exploiteraient toutes les ressources du pays dans l’intérêt de ses entrepreneurs et de ses unités de formation et de recherche, avec une comparaison maghrébine.
Le développement des pôles de compétitivité vise à tisser des axes autour d'acteurs locaux forts et responsables. Le principe général de ces pôles est de favoriser la coopération en matière de Recherche-Innovation-Développement (Rid), sur un territoire donné, de trois types d'acteurs, jusqu'à présent insuffisamment en contact :
· les entreprises ;· les centres de formation, initiale ou continue ;· les unités de recherche, publiques comme privées.
Cette coopération doit s'effectuer autour d'un ou plusieurs projets communs, au caractère innovant et disposant de la taille nécessaire à une visibilité internationale. L’objectif de ces pôles est la stimulation de l'innovation par une fertilisation croisée de l’innovation et des compétences qui offre à la fois une opportunité de développement stratégique par des acteurs locaux, et une attractivité plus grande des idE. Que l’Algérie (et donc ses acteurs locaux) puisse concrètement aboutir à un horizon de quelques années, à concevoir et développer des produits et services technologiquement innovants et économiquement viables est une perspective à soutenir. Le soutien des pouvoirs publics à ces collaborations par la distribution d’un certain nombre d'aides financières peut contribuer au fonctionnement de ces pôles et au financement de certains des projets communs. Différents Ministères sont concernés (Finance, Energie, Industrie, Equipement, PME, Telecom, Agriculture,...) et ont intérêt à mutualiser leurs crédits d'intervention dans des Fonds de Compétitivité des Entreprises. Des Agences Nationales (de Recherche, d’Innovation industrielle, d’aide à l’Entrepreneuriat,…) participeraient également à l'accompagnement de ces projets : aide à la Recherche fondamentale ; aide aux projets de grande envergure ; aide aux PME et appui par la prise de participations dans des entreprises des clusters. Un fonds souverain est à constituer ici pour favoriser les ratios de levées de fonds auprès des banques qui restent frileuses quant aux seuils désormais établis des 70/30. Le fonds souverain pourrait servir de levier aux banques pour des entrepreneurs qui seraient dans l’impossibilité d’apporter 30% des fonds en investissements. Les stratégies d’innovation se révèlent être des processus significatifs de création de valeur distribuée entre de multiples parties prenantes. Les réseaux d’acteurs constituent, dans certains cas, de véritables milieux structurant et fertilisant les projets innovants. Dans ce contexte, l’innovation apparaît comme le résultat d’un système complexe d’interactions entre une grande diversité d’organisations. Des Etats, des régions et des organisations s’efforcent de reconstituer des milieux innovants, et mènent des stratégies d’encastrement de ressources dans des clusters de hautes technologies pour se construire un avantage concurrentiel durable favorisant l’emploi et la compétitivité. Qu’il s’agisse de clusters, de parc d’activités, de districts, de zone d’activités industrielles ou de pôles de compétitivité, l’environnement économique se caractérise de plus en plus par l’encastrement d’acteurs différents en milieu innovant ; ou plus exactement comme une économie de la connaissance où des écosystèmes d’affaires se déploient de manière réticulaire, stratégique et innovante. En revanche, il existe bien entendu des différences notoires entre ces divers dispositifs. Le cluster, par exemple, est constitué essentiellement d’un réseau d’entreprises relativement interdépendantes sur la base d’activités industrielles. Tandis que dans le dispositif français, le pôle de compétitivité regroupe d’une part de grands laboratoires et Universités, et d’autre part de grandes entreprises et des PME liées par des réseaux de connaissances. Dans ce dernier cas, l’objectif est de construire l’animation d’un réseau local d’innovation susceptible d’atteindre un marché à l’horizon de 5 ans. Un mécanisme de financement spécifique des projets collaboratifs en R&D est prévu (Fonds Unique Interministériel notamment). Une participation simultanée de l’Etat et des collectivités territoriales est organisée (financement de projets et des structures d’animation des pôles). Et chaque projet collaboratif de R&D comprend au moins deux entreprises et un laboratoire. Les différences majeures que nous observons entre les réseaux d’innovation classiques et les Pôles de compétitivité peuvent être résumées ainsi :
· (la dimension temporelle) Les pôles de compétitivité (réseaux de connaissances) peuvent absorber des temps de coordination plus longs que les réseaux d’innovation (plus sensibles aux risques d’obsolescence).· Les réseaux d’innovation comprennent des firmes pivots alors que les pôles de compétitivité sont coordonnés et pilotés par des entrepreneurs institutionnels.· Les pôles de compétitivité résultent d’une volonté politique (tandis que les réseaux d’innovation classiques émergent sous l’impulsion d’entrepreneurs).· La volonté politique des pôles crée des interactions entre formation, recherche et entreprises, alors que les réseaux d’innovation classiques peuvent ne contenir que des entreprises.
-3-Rejoindre les leaders mondiaux en favorisant l’innovation collaborative
Une politique industrielle publique volontariste et des engagements stratégiques d’entreprises dans le sens de l’innovation peuvent considérablement changer la donne économique d’un pays ou une zone géographique donnée. Ces perspectives sont associées à l’émergence d’une nouvelle logique de répartition des activités et des réseaux des échanges dans l’espace. La question principale que pose l’intérêt de ce redéploiement économique et technologique est celle des potentialités de tout pays engagé dans une politique de valorisation de zones d’activités à s’inscrire pleinement dans une économie de la connaissance. Cette dernière favorise la fertilisation croisée d’acteurs nombreux dans des secteurs aussi variés que l’industrie, la recherche scientifique publique et privée, les centres d’innovation, les incubateurs et l’accompagnement d’entrepreneurs, les acteurs politiques et institutionnels locaux relayant l’innovation dans leur sphère économique, les organismes de financement, les experts et consultants, les prestataires de services. Les stratégies d’innovation se révèlent être des processus significatifs de création de valeur distribués entre de multiples parties prenantes. Les réseaux d’acteurs constituent, dans certains cas, de véritables milieux structurant et fertilisant les projets innovants. Dans ce contexte, l’innovation apparaît comme le résultat d’un système complexe d’interactions entre une grande diversité d’entités. Des Etats, des régions et des organisations s’efforcent de reconstituer des milieux innovants, et mènent des stratégies d’encastrement dans des clusters de hautes technologies pour se construire un avantage concurrentiel durable favorisant l’emploi et la compétitivité. En France, la somme de 1,5 milliards d’euros qui a déjà été allouée et renouvelée au soutien des pôles de compétitivité se fait par le biais de financements publics, d’allègements et d’exonérations fiscales. Cette politique publique accompagne l’un des enjeux fondamentaux de tout pays et des entrepreneurs qui y exercent : celui d’assurer leur diversification au point de rencontre d’une opportunité et d’une menace :
· d’une opportunité, celle d’un environnement économique favorable où les mutations industrielles, technologiques et financières observées ces dernières années ont induit une reconfiguration de la chaîne de valeur globale en faveur de l’avènement de nouveaux réseaux de sous-traitance, de co-traitance et d’idE dans les Pays Emergents ;
· et d’une menace, celle d’un contexte mondial hyper compétitif et d’une raréfaction progressive des ressources énergétiques et naturelles. Ces mutations induisent une migration d’un profil d’exécutant vers un profil proactif. Cette compétition acerbe invite les entreprises et leurs acteurs relais à actualiser leurs niveaux de compétences en introduisant de nouvelles structures, de nouveaux réseaux et de nouveaux mécanismes liés à l'ingénierie de la chaîne de valeur des industries.
Le développement des pôles de compétitivité vise à tisser des axes autour d'acteurs locaux forts et responsables. Le principe général de ces pôles est de favoriser la coopération en matière de Recherche-Innovation-Développement, sur un territoire donné, de trois types d'acteurs, jusqu'à présent insuffisamment en contact : les entreprises, les centres de formation, initiale ou continue, et les unités de recherche, publiques comme privées. Cette coopération doit s'effectuer autour d'un ou plusieurs projets communs, au caractère innovant et disposant de la taille nécessaire à une visibilité internationale. L’objectif de ces pôles est de stimuler l’innovation en favorisant et en organisant des coopérations multiples et croisées d’acteurs aux compétences complémentaires, et de construire par ailleurs une opportunité de développement stratégique par des acteurs locaux, et une attractivité plus grande des idE. Par extension, pour le cas de l’Algérie, il y a là matière à benchmarker un modèle intéressant. La logique de cluster ou de grappe suppose une organisation industrielle en réseau à condition que la chaine de valeur globale des secteurs soit un tant soit peu construite. Ce qui n’est pas le cas dans de nombreux secteurs en Algérie. Ceci explique d’ailleurs, que le pays exporte généralement ses matières premières à l’état brut (dans une logique de captation de rentes), alors qu’il pourrait maximiser ces rentes par l’instauration de pépinières d’entreprises qui transformeraient ces ressources naturelles et permettraient de maximiser la rente liée à ces ressources. Le gaz, le pétrole et les minerais, par exemple, ont des potentialités de transformation dont il serait judicieux d’exploiter les ressources en interne. Ainsi par exemple, le Dhahran Techno-Vallée en Arabie saoudite est une grappe d'entreprises établie par le Roi Fahd dans le domaine du pétrole et des minéraux pour attirer la recherche et favoriser le développement des centres d'entreprises locales et internationales et de promouvoir de nouvelles entreprises qui valorisent ces ressources naturelles en interne. Il intègre des incubateurs actifs, un parc scientifique (Abdullah Science Park), un centre d'innovation, un bureau de liaison, des cabinets de conseil et une exposition scientifique et technologique (Scitech). Au demeurant, l’exemple de l’industrie automobile est aussi caractéristique des carences de chaîne de valeur globale en Algérie. Carences qui constituent un frein aux idE. Ce qui n’est pas le cas de l’Inde. Cette dernière est présente à tous les échelons de la chaîne de valeur automobile, et de nombreux constructeurs ont fait le choix de ce pays pour s’approvisionner en équipement. En effet, ils y trouvent des capacités de design, d’ingénierie, et d’usinage très développées, une forte disponibilité d’ingénieurs à bas salaire et plus généralement d’une main d’œuvre qualifiée peu coûteuse et anglophone et surtout de réelles compétences en matière de technologie de l’information et communication. A l’inverse, L’Algérie n’est pas présente aux échelons stratégiques de la chaîne de valeur automobile. Les constructeurs automobiles réduisent leurs idE et préfèrent des alliances stratégiques ou des partenariats avec des acteurs lourds, industriels et financiers, dans des contextes structurés (limitation des risques d’échec et des implications en termes d’investissements). Le pays dispose, dans le secteur automobile, de faibles capacités de design, d’ingénierie, ou d’usinage, et une faible disponibilité d’ingénieurs à bas salaire ; et même si la main d’œuvre qualifiée est peu coûteuse, elle n’est pas formée pour l’automobile. Quant aux TIC, ils sont encore en développement. C’est donc toute la chaîne de valeur qui est à repenser et à structurer avant de pouvoir concourir sérieusement sur ce marché lucratif dans les pays émergents. La logique des pôles de compétitivité peut être une voie intermédiaire avant de migrer vers des systèmes de clusters. Que l’Algérie (et donc ses acteurs locaux) puisse concrètement aboutir à un horizon de quelques années, à concevoir et développer des produits et services technologiquement innovants et économiquement viables est une perspective que semblent soutenir d’ailleurs tant les acteurs privés que publics. Dans un contexte de globalisation et de compétitivité internationale, les pays industrialisés investissent dans l’expansion de pôles d’innovation fonctionnant sur la base de ressources diverses (technologiques, institutionnelles, expertises, financières, industrielles, entrepreneuriales,…). Ces choix sont des attracteurs d’idE, de savoirs et savoir-faire, d’échanges, de développement et de diversification permanents, d’innovations incrémentales et discontinues, et de renouvellement des territoires industriels et serviciels. L’objectif est toujours de développer des potentiels à susciter un espace favorable, déterminant et stratégique en matière de développement des entités territoriales relevant d’une combinaison intégrant les composantes suivantes :
· Une efficacité du dispositif institutionnel qui encadre les activités et les ressources des entités régionales, en termes de pertinence des objectifs, des moyens et de la stratégie des entités.· La capacité de ces entités à s’insérer dans les réseaux mondiaux d’échanges et / ou à accéder à un marché de grande envergure lui permettant de faire valoir sa compétence distinctive dans l’emploi de sa dotation en ressources, ou des ressources qu’elle acquiert par apprentissage (technologique), échanges ou alliances stratégiques.· Une aptitude à attirer, générer, exploiter, diffuser et renouveler sous forme de flux ou de stock de l’information (savoirs) utilisables à tous les niveaux du processus productif (gestion, fabrication, mise en marché, distribution et service après-vente).
Le vrai défi qui semble se poser ici est d’ordre structurel et conjoncturel global. Et c’est, à des degrés divers, le problème que posent tous les clusters. L’environnement est-il suffisamment apporteur de ressources valorisables au sein d’un réseau d’innovation ? Cette question fait que partout on remet actuellement en cause les référencements territoriaux des pôles et des clusters. Car l’environnement régional ne comprend pas toujours suffisamment d’acteurs locaux à fort potentiel dans le secteur technologique visé par le pôle. Bien souvent les pôles comprennent des acteurs localisés ailleurs mais travaillant en réseau avec le pôle. Ce sont des formes de nomadisme qui apportent cependant des ressources innovatrices et créatrices de valeur dans le pôle. Ce pourrait être le cas du Cyberparc d’Alger dans une approche à court terme, pour donner une amorce concrète à ce premier projet de pôle-agglomération. Retenons qu’un cluster ou un pôle (d’agglomération ou pas) se doit :
1. de capitaliser et de valoriser des ressources existantes en local ;2. d’être attractif ;3. de construire les meilleures structures de gouvernance dès son origine.
. A l’heure où nos chefs d’entreprises algériens réclament des moyens maritimes qui permettraient d’économiser des coûts externalisés prohibitifs, ce type de cluster est, toute chose égale par ailleurs, à regarder de près. Tous ces clusters favorisent les excédents commerciaux nationaux, tandis que les pays qui les négligent accusent des déficits commerciaux chroniques. L’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne dont les Régions et les Landers sont très autonomes usent de ces avantages pour valoriser des clusters ou des districts efficaces et performants. Ces pays ont aussi la particularité de ne pas considérer les PME-PMI comme des entités qui doivent croître absolument. Ils ont tendance au contraire, comme les « écosystèmes d’affaires » dans les pays nordiques, à faire en sorte que la croissance repose sur ces PME qui ont leur place dans un édifice d’affaires. Dans les écosystèmes d’affaires, l’inconvénient est parfois la trop grande dépendance des PME par rapport aux grandes entreprises pivots. Le tissu industriel du mobile de Kista Science City évolue au grès des stratégies d’Ericsson par exemple. Ainsi des faillites ont eu lieu à l'extérieur de Stockholm, des suites d’un simple changement de portefeuille d’activités de cette firme pivot. Pour l’Algérie, outre la question de la gouvernance des clusters qui reste cruciale tant elle nécessiterait plus d’ouverture à des acteurs territoriaux et un meilleur rôle pivot des entrepreneurs institutionnels, les pôles de compétitivité posent de nouvelles problématiques qui concernent, notamment leur constitution sous la forme d’encastrement de projets collaboratifs dont les limites tiennent à la fois aux difficultés de gestion de projets et de management du travail collaboratif. Tout secteur n’est, en effet, pas forcément préparé à des articulations Sciences/Industries, de même que les pratiques de gestion de projets ou de management collaboratif ne sont pas assimilées par tous les acteurs encastrés dans ces pôles. Autre problème, celui du référencement géographique des pôles qui limite les potentialités de croisements de compétences innovatrices par manque d’entreprises sur des thématiques innovantes en un lieu donné. Ce constat devrait voir à l’avenir disparaître la notion d’ancrage territorial des pôles, et complexifier certainement la nature de leur financement par des collectivités territoriales. L’intelligence économique est aussi une donnée cruciale des pôles usant de pratiques de benchmarking, et dont il est urgent de cerner les risques pour la propriété intellectuelle et les savoir-faire. L’implication des PME dans la dynamique des pôles apparaît également comme l’un des défis à venir de ces réseaux innovants. Dès lors, l’accompagnement des entrepreneurs, les incubateurs, les maisons de l’entrepreneuriat,… deviennent des relais clés dans le processus de clusterisation. Sans doute faudrait-il revenir à l’origine des clusters qui s’inspirent des districts marshalliens, caractérisés par un haut degré de spécialisation horizontal et vertical et par la réalisation d’échanges à travers des mécanismes de marché. Les entreprises qui en faisaient partie étaient en général des PME spécialisées dans une seule fonction de la chaîne de valeur. C’est dans ce sens que s’orientent d’ailleurs les initiatives tunisiennes dans le domaine des TIC, ou algériennes dans le domaine de la mécanique. Finalement, nous identifions plusieurs facteurs clés pour réussir le développement de pôles et attirer des investisseurs et des porteurs de projets innovants :
· Premièrement, il apparaît important de définir et de communiquer un positionnement clair et différencié du cluster (sur la nature des recherches : soft, hard, immatériel, matériel ; sur le domaine technologique : nanotechnologies, biotechnologies, etc.) sur des axes capables de fédérer et motiver des grandes entreprises, des PME et des acteurs de la recherche et de la formation.
· Deuxièmement, il faut maîtriser des compétences fondamentales d’innovation au cœur des projets et des structures (ressources humaines, R&D, management organisationnel, marketing, benchmarking, protection de la propriété intellectuelle, négociation contractuelle, Partenariats Public-Privé,…).
· Troisièmement, il apparaît nécessaire de construire un écosystème d’affaires, d’innovation et de financement incluant tout à la fois des acteurs publics et privés, y compris du capital risque et des business angels.
· Quatrièmement, il faut inscrire l’action d’un pôle dans la durée, avec des étapes successives et mesurables : les pôles s’inscrivent en général dans un horizon de 5 ans, renouvelé pour 3 ans.
-4-Cinquante (50) propositions pour améliorer la compétitivité
La compétitivité d’un pays ne se résume bien évidemment pas aux efforts de ses seules entreprises. La gouvernance d’Etat doit au préalable poser les bases d’une compétitivité nationale par des dispositifs législatifs et institutionnels idoines. C’est la raison pour laquelle, l’innovation compétitive au sein de réseaux locaux ou régionaux nécessite une mise aux normes de la gouvernance des Etats maghrébins. Qu’il s’agisse du Maghreb dans son entier ou de certains pays plus ciblés que d’autres, il nous semble urgent d’agir sur les fondamentaux avant de pouvoir prétendre à une compétitivité maghrébine à long terme. Pour répondre aux exigences d’innovation, un certain nombre d’éléments doivent au préalable être construits. Nous faisons ici des propositions à prioriser pour une compétition maghrébine face à la mondialisation, sans abuser d’une pensée globale inféconde en bien des termes. Ces propositions peuvent être déclinées ainsi :
1. Réprimer tout patriotisme économique hostile au développement d’un secteur privé national. Il est source d’amplification de l’économie de la rente et source de paupérisation des potentiels de croissance et de partenariat des entrepreneurs privés. Il est urgent de restreindre l’aléa économique lié aux mesures prudentielles et transitoires dont usent les instances gouvernementales au nom du patriotisme économique. L’Etat doit substituer à son contrôle excessif, une fonction de pilotage et de régulation supplétive. Pour l’Algérie, c’est aussi prendre le chemin emprunté depuis 2008 par le Maroc et la Tunisie dans les accords de l’OMC et de libre-échange.
2. Désolidariser l’action administrative de l’action judiciaire. La substitution de l’une à l’autre n’est que le reflet d’un autoritarisme et d’un dirigisme économique excessif et contre performant pour la nation entière. Les institutions de l’Etat doivent prémunir les opérateurs économiques de toute dérive autoritaire. La lutte contre la corruption s’inscrit également dans ce processus. Cela va dans le sens de l’amélioration des risques pays et des rankings internationaux.
3. Décentraliser les pouvoirs décisionnaires de l’Etat. Redonner aux pouvoirs locaux et régionaux toute l’intelligence des situations entrepreneuriales privées dans des logiques territoriales et de service aux usagers. Renforcer le pouvoir des institutions territoriales et sectorielles (y compris les chambres de commerce et d’industrie), et ôter tout risque de sanction personnelle dans l’exercice de leurs pouvoirs par ces agents administratifs. Cette mesure s’accompagne d’une réforme qui rendra les agents locaux moins vulnérables et donc moins corruptibles. C’est aussi un préalable à des logiques de développement territorial.
4. Réformer les codes de commerce et les codes pénaux de manière à cantonner les missions des commissaires aux comptes et celles de toute profession libérale de conseil et d’appui aux entreprises privées, au seul code de commerce habilité à gouverner les actes d’entreprises, commerciaux et financiers.
5. Inscrire les principes de « transparence » et « d’autonomie des entreprises privées » dans la gouvernance globale et dans tous les processus administratifs, financiers, juridiques et fiscaux auxquels sont confrontées les entreprises privées. Tout carcan bureaucratique doit être banni des modes de gouvernance des opérations économiques.
6. Rétablir le principe de liberté et d’indépendance des professions libérales. L’atteinte à ces principes par des mesures formelles ou informelles de subordination discrétionnaire constitue un frein majeur au développement des entreprises privées. Aucune injonction ni aucune commission paritaire ne doit venir entacher leur fonctionnement libre et indépendant.
7. Rétablir tous les modes de paiement à l’importation des biens et services (au-delà des lettres de crédit) et réinstaurer le crédit à la consommation en soutien à l’économie nationale et régionale.
8. Bannir le « tout état » et Faire des investissements privés une priorité nationale de développement : La désindustrialisation algérienne s’accentue (comparée aux autres pays du Maghreb) ; la chute des indices de production de l’industrie manufacturière ; l’obsolescence des entreprises publiques (effectifs, technologie, cycle de vie des produits, méthodes de gestion,…) et leur surcoût pour le trésor (45 milliards de dollars pour l’Algérie) ainsi que la stagnation de l’emploi industriel qui résultent tous deux de la stagnation de l’investissement public, doivent être compensées plus fortement par les investissements du secteur privé local. Pour ce qui est des hydrocarbures en Algérie, la tendance décroissante de sa valeur ajoutée se poursuit. En 2010, la valeur ajoutée du secteur a reculé de 2,6% et les volumes exportés ont connu une baisse de 26,1% pour les compagnies étrangères associées (la Sonatrach ne progresse que de 0,3%). L’importation opère un effet « boomerang » de la hausse des prix des hydrocarbures constitutive de la rente, en raison même des hausses de prix consécutives des produits importés.
9. Définir une politique sectorielle plus pertinente en associant les opérateurs privés à un plan de développement quadriennal : L’Algérie réalise une croissance économique inférieure à la moyenne africaine en dépit des 500 milliards de dollars injectés dans l’économie par l’Etat au cours des dix dernières années. Ceci est dû en grande partie à la non pertinence de ses choix stratégiques et sectoriels. La politique de lutte contre le chômage au détriment de mesures efficaces en faveur de l’emploi, de l’entrepreneuriat, des PME, des ETI et des grandes entreprises privées explique en partie cette contreperformance. C’est le cas du Maroc dans les TIC, la mécanique, l’électronique et la Mécatronique, ou la Tunisie dans le secteur des TIC ou le textile.
10. Clarifier les politiques salariales et la représentation du personnel : Poser le principe selon lequel toute politique salariale doit s’inscrire au préalable dans une stratégie de déploiement ou de restructuration des effectifs ; et poser le principe du cadre apolitique des instances représentatives du personnel dans les entreprises privées.
11. Engager des mesures efficaces de soutien aux paliers de croissance des entreprises privées locales, notamment par la libération des surliquidités bancaires et des réserves de change :· un plan de soutien aux jeunes entrepreneurs pour viabiliser leur amorçage ou leur start-up ;· un plan de soutien aux PME pour les faire monter en ETI ;· un plan de soutien aux grandes entreprises privées pour accompagner leur croissance et leur compétitivité internationale.
12. Faciliter la création d’entreprise par des mesures fiscales, juridiques et financières incitatives et restreintes, par des mécanismes d’incubation et d’accompagnement importants, et par la mise en place de procédures simplifiées et rapides (quelques clics, quelques heures pour créer une entreprise).
13. Fabriquer des champions nationaux : inspirons-nous des politiques des pays émergents du BRICSAM (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud et Mexique) où l’Etat et les entrepreneurs « jouent dans le même camp » par la définition d’intérêts communs bien compris.
14. Protéger les investisseurs et sécuriser les investissements par un principe de transparence patrimoniale, une sécurité juridique, un principe de garantie contractuelle, une taxation simplifiée et raisonnable, des facilitations d’activités transfrontalières, des facilitations administratives de crédit et la garantie de non expropriation des profits ou des droits de propriété. Avant l’intégration à l’OMC, des traités de sécurisation des investissements peuvent être conclus pour le cas spécifique des idE.
15. Réorienter la formation en faveur des besoins d’employabilité des entreprises privées locales : la plupart des systèmes éducatifs algériens génère des recrues peu employables dans le cadre des besoins des entreprises privées algériennes, maghrébines ou étrangères en raison essentiellement de la non-participation des entreprises privées à la définition d’une politique de formation supérieure pertinente. C’est le cas précis des chercheurs, des managers développeurs, des contrôleurs de gestion et des ingénieurs.
16. Introduire les principes de la « Redevabilité » et de la « Responsabilité » dans tous les modes de gouvernance des autorités administratives (Etat, Wilaya, Commune). L’Etat doit être constructif, responsable de ses actes et rendre des comptes sur ses décisions et leurs conséquences. Cela permettra aussi de restaurer un climat des affaires attractif qui profitera aux investisseurs locaux d’abord, puis aux investisseurs étrangers.
17. Favoriser l’émergence d’un traité d’harmonisation juridique maghrébin : Outre l’expérience asiatique qui est un bon exemple de rebond économique à partir de modèles socialistes revus et corrigés, le traité africain OHADA d’harmonisation du droit des affaires est aussi un bon exemple pour l’Algérie. Il serait utile de s’en inspirer pour construire une initiative maghrébine commune qui irait dans ce sens.
18. Libérer l’initiative médiatique : permettre aux investisseurs privés d’engager des opérations de création de média écrit, numérique et audio-visuel en toute liberté selon des chartes transparentes sur le modèle des enchères hollandaises pour une meilleure efficacité allocative.
19. Une prospective nationale qui tient compte des entreprises privées : Construire les objectifs nationaux sur la base d’une prospective réaliste et systémique qui intègre les risques et les opportunités des entreprises privées.
20. Intégrer les entreprises privées et leurs intérêts dans les grands accords internationaux ou bilatéraux comme le fait la grande majorité des états matures ou émergents.
21. Réformer la finance dans une réelle culture de marché pour favoriser le développement des entreprises par des financements dynamiques et des liquidités suffisantes aux besoins exprimés ; et limiter les risques liés aux emprunts extérieurs, les risques de change, les coûts assuranciels liés au risque pays, et tout autre coût exorbitant pour l’entrepreneur privé algérien.
22. Laisser au marché le soin de fixer les taux d’intérêt sur les emprunts (en dehors des contraintes du Ministère des finances, de l’ABEF et de la Banque d’Algérie). Ces institutions financières pourraient lutter contre l’inflation par d’autres moyens plus efficaces (opérations fermes ou temporaires d’Open market comme la plupart des systèmes financiers internationaux).
23. Constituer un fonds souverain dédié au financement des entreprises privées stratégiques et des industries de troisième génération ; par le recyclage d’une partie des réserves de change (au lieu d’augmenter les importations et les dépenses sociales de manière inconsidérée, répétant ainsi les erreurs du passé). Ce fond souverain algérien co-investirait avec d’autres établissements financiers sur la base de ratios de division du risque acceptable. Ceci renforce par ailleurs la propension des banques à accompagner des projets ambitieux qui ne bénéficient pas de fonds propres importants. Ce fonds jouerait aussi un rôle de rehaussement de crédit sur les marchés au profit des entreprises.
24. Réformer le secteur bancaire : Moderniser ses outils et rétablir une concurrence saine entre secteur privé et secteur public basée sur le seul principe du niveau de capitalisation ; et permettre aux banques privées de jouer un rôle de chef de file au même titre que les banques publiques pour accélérer les processus de financement sans restriction majeure des autorités administratives. Le système bancaire Algérien ne comprend que 26 banques et établissements financiers et 89% du total des actifs sont détenus par des établissements publics. L’Algérie est sous-bancarisée et les banques en surliquidité (1367 agences, 1 agence/26300 habitants et mise en difficulté sur le ratio Ressources/Rémunération), alors que Attijariwafa bank au Maroc comprend seule 2088 agences et que les onze premières banques marocaines détiennent 6861 agences, soit une agence bancaire pour 9500 habitants. Le produit bancaire doit désormais reposer sur l’investissement et non plus sur une situation oligopolistique confortable et anticoncurrentielle permettant des tarifications prohibitives. C’est sur le marché algérien (et le citoyen) que sont répercutés in fine ces surcoûts.
25. Création d’un marché de capitaux dynamique et réforme de la bourse d’Alger : cette réforme est indispensable pour accélérer les processus de financement et réduire considérablement les coûts d’accès aux liquidités, deux facteurs stratégiques pour le développement des entreprises privées. Des acteurs financiers diversifiés doivent émerger en Algérie afin de financer des montages a priori déséquilibrés en fonds propres, notamment pour la réalisation de grands projets privés et risqués (fonds d’amorçage, de croissance ou d’innovation, LBO, Crédit Mezzanine et co-investissements, fonds d’investissement et de placement, fonds mutuels et fonds spéculatifs, hedge funds, private equity, prêteurs en quasi equity, prêteurs subordonnés, prêteurs seniors, capital-risque divers,…). L’intermédiation bancaire et en opération de bourse doit aussi être développée et encouragée, au-delà des banques agréées (par le renforcement du courtage privé actif). Elle est indispensable à la dynamisation de la Bourse d’Alger (qui fonctionne quasiment à vide) et des marchés de capitaux. Elle favorise l’investissement, l’arbitrage des investisseurs, et la valorisation financière des entreprises privées dans leurs opérations de levée de fonds. L’Etat devrait imposer des minima de capitalisation en bourse dans l’octroi de certaines facilités ou marchés. Le mécanisme de transactions sur les valeurs mobilières admises en bourse existe depuis 1997, même s’il ne concerne actuellement que 5 entreprises dont 3 publiques. Des entreprises privées comme SPA « Dahli » ou « Alliances assurances » ont montré la voie, c’est louable. Mais il demeure un déficit de confiance persistant. Or, l’absence d’acteurs économiques au sein d’un marché boursier prive ce dernier de l’essence même de son existence : l’arbitrage des investisseurs, à savoir les opportunités de cessions de titres et plus largement la gestion de portefeuille de titres. Aujourd’hui, la bourse tourne en boucle sur elle-même, pour preuve la platitude de ses cotations. Il est urgent que de grandes entreprises privées l’intègrent pour attirer d’autres investisseurs qui à leur tour draineront encore d’autres opérateurs économiques. Ainsi, tous ceux qui auront fait ce pari d’introduction en bourse auront créé une dynamique positive et lucrative à long terme pour eux-mêmes.
26. Favoriser la libre entreprise et la liberté du marché, et éliminer toute entrave au libre investissement et à la libre circulation des produits et services (au plan national et international) dans la limite de coûts d’ajustement acceptables et négociés avec les instances représentatives des entrepreneurs privés algériens. Un grand plan de dérégulation doit être mis en place pour plus de compétitivité et de développement des entreprises privées algériennes.
27. Retirer toute discrimination financière, juridique et fiscale, sociale et concurrentielle envers les entreprises privées.
28. Rétablir le caractère perpétuel, exclusif, absolu et inviolable des droits de propriété : toutes restrictions d’usage ou d’investissement, de préemption, de division de la propriété exclusive, ou de continuité doivent être retirées des pouvoirs organiques de l’Etat.
29. Engager un "plan Marshall" de restructuration de l'industrie et des services : pour aider à la reconstruction des secteurs sinistrés de l’industrie algérienne en faveur de l’entrepreneuriat privé, et engager des plans de soutien à l’investissement local productif et à l’innovation. L’objectif est de créer les facteurs de compétitivité de demain en Algérie par le soutien aux entrepreneurs privés à fort potentiel.
30. Passer d’une fiscalité redistributive à une fiscalité incitative : la redistribution sociale entraîne une augmentation de la dépense publique alors que la fiscalité incitative est source de création de valeur ajoutée par des entreprises privées croissantes et innovantes. Renverser la charge de la preuve en matière d’infractions fiscales pour garantir la viabilité financière des entreprises justiciables.
31. Inscrire dans la constitution les droits sacrés de l'entreprise privée : La liberté d’investir et la liberté d’établissement et de prestation de services sont deux libertés fondamentales, essentielles au bon fonctionnement du marché intérieur algérien.
32. Éliminer tout risque du "fait du prince" par l'instauration d'une compétence liée au détriment d'un pouvoir discrétionnaire systématique des autorités administratives : instaurer le principe de motivation systématique des décisions administratives et ouvrir des voies de recours garanties et libres.
33. Assouplir le droit des affaires à la faveur des entrepreneurs privés et renforcer sa légitimité sociale : le droit des affaires doit avoir pour objectif, non la contrainte et le contrôle interventionniste, mais la favorisation de la croissance, du développement et de la compétitivité des entreprises algériennes et maghrébines.
34. Instaurer des mécanismes efficaces et rapides de financement de l'entreprise privée : libérer et consolider les mécanismes de financement par des structures adaptées et des formes de gouvernance efficaces.
35. Favoriser la croissance, l'innovation et le développement international des entreprises privées par des mesures incitatives et d'accompagnement efficaces en fonction de plans quadriennaux financés par des fonds souverains.
36. Favoriser la libre circulation des entrepreneurs, des biens, des services et des capitaux : l’entreprise privée algérienne doit être en mesure de concurrencer les meilleures entreprises à l’international en accédant aux mêmes moyens et ressources. Le marché algérien ne permet pas dans certains cas aux entreprises algériennes privées d'atteindre des tailles critiques de rentabilité et de croissance. Leur viabilité est en question. L’intégration d’un espace économique régional est une solution à prioriser.
37. Financer la constitution de pôles d'excellence et d'innovation fondés sur des initiatives privées d'innovation et de développement.
38. Permettre plus largement à des entreprises privées de réaliser des missions de service public.
39. Redonner au marché son pouvoir d'autorégulation par une concurrence saine : Laisser aux entrepreneurs privés le soin de construire leurs propres normes professionnelles, modes de gouvernance et éthique des affaires (moins de règles coercitives et plus de normes supplétives).
40. Accorder aux entrepreneurs privés une large place dans les instances représentatives de la nation : les entreprises privées doivent participer de manière efficace à la vie démocratique de la nation et orienter à ce titre les textes de loi qui lui sont applicables.
41. Consacrer une part significative de la rente à l'effort industriel privé par des mesures d'accompagnement financières ciblées sur les premières nécessités nationales.
42. Prendre en charge les efforts d'innovation sectoriels coordonnés par des entrepreneurs privés dans des secteurs stratégiques ciblés.
43. Rendre à l'entrepreneur privé son pouvoir d'arbitrage sur l'utilisation de ses liquidités générées ou acquises.
44. Ouvrir l'entreprise privée aux modes de financement internationaux et faire du pays une destination normale de placements financiers.
45. Dépénaliser les actes et les fautes de gestion en dehors des cas graves de droit commun.
46. Instaurer des mécanismes de paiement simplifiés des créanciers privés dans le cadre des commandes publiques pour réduire les mises en difficulté des PME des secteurs sensibles (BTP, Services, TIC,…).
47. Favoriser la croissance de grandes entreprises et de pépinières de PME travaillant en réseau par des mesures ambitieuses d’infrastructures lourdes.
48. Réduire les incertitudes juridiques, fiscales, concurrentielles et patrimoniales par un plan à long terme lisible et stable, en ne faisant plus reposer l’avenir des transactions économiques et des affaires sur le sort annuel des lois de finance complémentaires.
49. Lutter efficacement contre le marché informel et ses dérives économiques, concurrentielles et financières. Des mesures incitatives doivent permettre aux entrepreneurs totalement ou partiellement informels de revenir à la norme si elle est jugée plus avantageuse à moyen et long termes.
50. Investir dans l’économie de la connaissance en investissant dans les TIC, la e-administration, le e-sourcing et le e-développement, et en finançant l’innovation en réseau et le rapprochement des organismes de formation et de recherche avec les entreprises publiques et privées algériennes sur des programmes et des actions ciblées. Le passage à l’économie de marché structurée et compétitive doit se faire dans le respect du contrat social, le progrès partagé et la formation.
Biographie de Boualem Aliouat
Docteur en Sciences de Gestion, Boualem ALIOUAT est Professeur des Universités à l’Université de Nice Sophia Antipolis et Dirige des Recherches au CNRS (GREDEG UMR 7321). Il est aussi Rédacteur en Chef de la Business Management Review et Vice-président International de l’Académie de l’Entrepreneuriat et de l’innovation (France). Expert des questions liées aux clusters innovants, il dirige plusieurs recherches sur les stratégies de développement par l’innovation et la gouvernance des Pôles de compétitivité. Il a conseillé plusieurs entreprises et groupes européens dans la mise en place de leurs stratégies et a publié de nombreux articles académiques dans le domaine du management, de l’entrepreneuriat et de la stratégie d’entreprise. Il est l’un des lauréats du prix du Cercle Montesquieu 2010 du meilleur ouvrage francophone de droit des affaires et a publié plusieurs ouvrages et articles scientifiques sur le thème de la création de valeur par la construction de capacités dynamiques nouvelles qu’il s’agisse d’organisations privées, publiques et gouvernementales. Il est également le traducteur et commentateur du prix Nobel d’Economie Ronald H. Coase en France (aux Editions d’Organisations et aux Editions Diderot). Il a donné de nombreuses conférences à travers le monde dans le domaine de la stratégie d’entreprise, de l’entrepreneuriat et des stratégies juridiques qui créent de la valeur pour l’entreprise. Au Maghreb, il a donné de nombreuses conférences dans des universités algériennes ou Ecoles (Sétif, Biskra, Batna, Boumerdes, Tlemcen, Alger,…) et a participé à la création de l’ESAA (Business School) où il a exercé des fonctions de Directeur Académique. Il a été membre du conseil de l’ANPT pour le Parc Technologique de Sidi Abdallah (Alger) et de plusieurs conseils d’administration ou scientifiques. Il est actuellement Directeur Scientifique de MDI Business School (Alger), membre fondateur de l’Académie Algérienne de l’Entrepreneuriat et il exerce plusieurs activités de conseil et d’appui à projets à la fois auprès de milieux académiques, entrepreneuriaux et gouvernementaux. Il a été Responsable pendant plus de 10 ans d’un Master de « Juriste d’entreprise » à l’Université de Lille 2 dans lequel ont été formés pour partie des magistrats algériens par application d’une Convention entre les ministères de la justice des deux pays. La perspective de l’entrée dans l’OMC de l’Algérie exigeait en effet des formations, pour des magistrats en poste, à des pratiques juridiques et judiciaires spécifiques aux économies de marché. Il contribue régulièrement aux débats de société dans les principaux médias algériens. Il a aussi collaboré avec l’ESCA et l’IMAD de Casablanca où il s’est investi dans les domaines du management de la Qualité, de la Gestion de projets et des stratégies de développement des filiales à l’étranger. Il collabore actuellement avec Supccis (Agadir) sur un programme de Master de Droit des Affaires, et des Ecoles et Universités tunisiennes dans le cadre de programmes de recherche scientifique en cotutelle dans le domaine de l’entrepreneuriat (Sfax, Tunis).