Algérie 1

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Les défis du gouvernement Tebboune : efficacité économique, justice sociale et bonne gouvernance

02-06-2017 13:09  Pr Abderrahmane Mebtoul

Avec l’ère d’internet où le monde est devenu une grande maison de verre,  la Cité ne peut plus être gérée comme par le passé. La  bonne gouvernance fondée sur la  moralisation  des relations internationales  doit être  la priorité des gouvernants  en ce XXIème siècle. Pour le cas Algérie, il ne faut pas être utopique, sans moralisation surtout des dirigeants  qui doivent donner l'exemple,  l’on ne peut parler de développement entre 2017/2020, tout le reste étant des slogans politiques auxquels la population algérienne ne croit plus. Cette présente contribution est une brève synthèse de mes interventions internationales sur ce sujet stratégique(1) 

1.-La bonne gouvernance selon les institutions internationales (1)

Le terme " corporate governance ", qu'on peut traduire par gouvernance d'entreprises, va ensuite être utilisé dans les milieux d'affaires américains tout au long des années 80. Par la suite, la notion de " urban governance " s'est généralisée dans l'étude du pouvoir local et fait son apparition à la fin des années 80 dans un autre champ, celui des relations internationales. Selon la Banque Mondiale  dans  sa nouvelle vision « la gouvernance est définie comme étant l’ensemble des  traditions et institutions par lesquelles le pouvoir s’exerce dans  un pays avec pour objectif le bien de tous. Elle comprend les procédés par lesquels les titulaires du pouvoir sont choisis,  contrôlés et remplacés, la capacité du gouvernement à gérer efficacement les ressources et à appliquer des politiques solides et enfin le respect des citoyens et de l’Etat envers les institutions  régissant les interactions économiques et sociales intervenants entre eux ».  Selon  les Nations Unies, la Bonne Gouvernance comprend les huit  éléments suivants :  -la participation : donner à tous, hommes et femmes, la possibilité de participer au processus décisionnel; -la transparence : découlant de la libre circulation de l’information ;  -la sensibilité : des institutions et des processus vis-à-vis des intervenants ;  -le consensus : des intérêts différents sont conciliés afin d’arriver à un vaste consensus sur ce qui constitue l’intérêt général ;  l’équité : tous, hommes et femmes, ont des possibilités d’améliorer et de conserver leur bien-être ;  -l’efficacité et l’efficience : les processus et les institutions produisent des résultats qui satisfont aux besoins tout en faisant le meilleur usage possible des ressources; -la responsabilité : des décideurs du gouvernement, du secteur privé et des organisations de la société civile ;  -une vision stratégique : des leaders et du public sur la bonne gouvernance et le développement humain et sur ce qui est nécessaire pour réaliser un tel développement  et très récemment la prise en compte la préoccupation, environnementale reprise par des institutions libérales  comme la banque mondiale et l’organisation mondiale du commerce  (OMC). Ainsi cette nouvelle vision  pose   la problématique  des  liens  entre la bonne gouvernance et les institutions car l’opérationnalisation de la bonne gouvernance est assurée par les institutions en distinguant : d’une part,  les institutions politiques et juridiques  qui contribuent  à  la construction d’un Etat de droit  aussi d’assurer l’accès de la population  à  la justice et à  la sécurité, d’autre part,  les institutions économiques qui  assurent  le fonctionnement efficace et  efficient de l’activité économique et la gestion optimale des ressources économiques et enfin les  institutions sociales et communautaires  qui  assurent  l’amélioration de la  qualité de la santé et de l’éducation des populations ainsi que leur  consultation et leur participation au processus de développement.

2. Les mesures de la bonne gouvernance 

L’importance de la bonne gouvernance, macro et micro- gouvernance étant inextricablement liées, pose toute la problématique de la construction d’un Etat de droit et de l’efficacité des institutions, sur des bases démocratiques tenant compte des anthropologies culturelles de chaque Nation. Ainsi, pour les mesures  de la bonne gouvernance, sur le plan politique et institutionnel on distingue : la voix citoyenne et responsabilité qui mesurent  la manière dont les citoyens d’un pays participent à la sélection de leurs gouvernants, ainsi que la liberté d’expression, d’association et de presse ;  la -stabilité politique et absence de violence qui  mesure  la perception de la probabilité d’une déstabilisation ou d’un renversement de gouvernement par des moyens inconstitutionnels ou violents, y compris le terrorisme ; l’efficacité des pouvoirs publics qui  mesure la qualité des services publics, les performances de la fonction publique et son niveau d’indépendance vis-à-vis des pressions politiques ;  la qualité de la réglementation qui  mesure la capacité des pouvoirs publics  à élaborer et appliquer de bonnes politiques et réglementations  favorables au développement du secteur privé ;  l’Etat de droit qui  mesure le degré de confiance qu’ont les citoyens dans  les règles conçues par la société et la manière dont ils s’y conforment  et en particulier, le respect des contrats, les compétences de la police et des tribunaux, ainsi que la perception de la criminalité et de la  violence ; la maîtrise de la corruption qui mesure l'utilisation des pouvoirs publics à des fins d’enrichissement personnel, y compris la grande et la petite  corruption, ainsi que « la prise en otage » de l’Etat par les élites et les  intérêt privés. Sur le plan   de  la bonne gouvernance  d’entreprise on distingue,  le traitement équitable des actionnaires, qui  désigne la capacité de l’entreprise  à traiter équitablement  tous les actionnaires, y compris les actionnaires minoritaires et étrangers. Tout actionnaire doit avoir la possibilité d’obtenir la réparation effective de toute violation de ses droits ; le rôle des différentes parties prenantes dans le gouvernement d’entreprise qui  désigne  la reconnaissance des différentes parties prenantes à la vie d’une société tels qu'ils sont définis par le droit en vigueur ou par des accords mutuels, et devant encourager une coopération active entre les sociétés et les différentes parties prenantes pour créer de la richesse et de l’emplois et assurer une  pérennité saine  des entreprises financièrement ; les responsabilités du conseil d’administration  qui désigne   la capacité de l’entreprise à assurer un pilotage stratégique de l’entreprise et une  surveillance effective de la gestion par le conseil d’administration, ainsi que la responsabilité et la loyauté du conseil d’administration vis-à-vis de la société et de ses actionnaires ;  la transparence et diffusion de l’information qui désigne la capacité de garantir la diffusion en temps opportun d’informations exactes sur tous les sujets significatifs concernant l’entreprise, (situation financière, les résultats, l’actionnariat et le gouvernement de cette entreprise). La version actualisée de l’ année 2009 des indicateurs de gouvernance dans le monde, établie par des chercheurs de la Banque mondiale, montre  que certains pays progressent rapidement dans le domaine de la gouvernance, notamment en Afrique, ce qui montre qu’un certain degré d'« afro-optimisme » serait de mise , selon  Daniel Kaufmann, co-auteur du rapport et Directeur de la gouvernance à l’Institut de la Banque mondiale, tout en reconnaissant que les données font aussi apparaître des différences sensibles entre les pays, voire entre voisins au sein de chaque continent.  Les progrès sont en rapport avec les réformes dans les pays où les dirigeants politiques, les décideurs, la société civile et le secteur privé considèrent la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption comme des facteurs indispensables à une croissance durable et partagée. Mais en dépit des acquis en matière de gouvernance dans certains pays, d’autres, en nombre égal, ont vu leurs performances se dégrader sur plusieurs aspects de la gouvernance.  D’autres, plus nombreux encore, n’ont montré aucun changement significatif au cours de ces dernières années.  Les Indicateurs donnent à penser que là où des réformes sont engagées, la gouvernance peut être améliorée rapidement. Ainsi par exemple,   en Afrique existe  des liens dialectiques  entre extension  de la bureaucratie, extension  de la  sphère informelle et corruption. Cela n’est pas propre à l’Afrique puisque les dizaines voire les centaines de milliards de dollars chaque année, de trafics d’arme, de prostitution  ou la drogue relèvent  de réseaux informels au niveau mondial. Ainsi selon  les rapports  de Transparenty International qui  présentent dans le détail les nombreux risques de corruption auxquels sont confrontées les entreprises, des petits entrepreneurs d’Afrique  aux multinationales d’Europe et d’Amérique du nord, la corruption augmente   les coûts des projets d'au moins 10 % du fait des pots-de-vin versés à des politiciens  et à des fonctionnaires d’État où au   final, c’est le citoyen qui en fait les frais. 

3.-Sans adaptations aux nouvelles mutations  et le  retour à la confiance pas de développement

La  bonne gouvernance est-elle  une conséquence de la pratique de la démocratie et l’Etat de droit  ou sa  cause ? Autrement dit, la liberté, la démocratie et l’Etat de droit, pris comme option politique peuvent-elles  engendrer la bonne gouvernance, c'est-à-dire la bonne gestion des affaires publiques ? La bonne gouvernance serait-elle  l’assimilation à la  quantification de la croissance du PIB / PNB vision mécanique ?  Suite aux travaux  Ronald Coase , de North Douglas,  comme consécration de la recherche du rôle fondamental des institutions, cœur de la dynamique économique des conditions du développement,  en octobre 2009 , que  le  jury du Prix Nobel en Sciences économiques de l’Académie Royale Suédoise des Sciences a choisi   le  travail d’une femme – Elinor Ostrom pour  son analyse de la gouvernance économique, en particulier des biens communs » et d’Olivier Williamson pour  son analyse de la gouvernance économique, en particulier des frontières de la firme . Des  auteurs comme Pierre Calame  ont mis en relief  que la crise de l’État ne connaît pas seulement une crise interne touchant à ses fonctions et à sa structure, mais concerne davantage la capacité de l’État à asseoir sa légitimité ainsi qu’à formuler des politiques publiques en phase avec les besoins socio-économiques. Sur le plan opérationnel  l’analyse des liens entre gouvernance et  institutions a fait un grand progrès par la mise en relief de  l’importance  de  la révolution dans le système  des télécommunications (les nouvelles technologies dont Internet et Intranet) et l’intelligence économique mais avec des visions différentes. On observe aujourd’hui une métamorphose complète du paysage médiatique mondial qui est due principalement à la combinaison dynamique de deux facteurs : l’essor exceptionnel du capitalisme financier et la ‘‘révolution numérique’’ qui a donné aux technologies de l’information et de la communication un essor non moins exceptionnel. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’État, entraînant  de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Face à ces mutationsforce est de constater  qu’il  reste beaucoup à faire pour que les  responsables algériens  s’adaptent aux arcanes de la nouvelle économie, où se dessinent d’importants bouleversements géostratégiques mondiaux, croyant que l’on combat les problèmes à partir de commissions ,  de circulaires ou de  lois, ignorant tant les mutations mondiales que la morphologie sociale interne, en perpétuelle évolution. Les pouvoirs publics  ont –ils tiré les leçons de la chute des cours des hydrocarbures en 1986 avec ses incidences économiques, politiques et sociales  de 1988 à 2000 ? L’Algérie en maintenant la politique économique  actuelle  va droit au mur. Il s ‘agit de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie productive dans le cadre de la mondialisation  en  réhabilitant  l’Etat de droit  et  les  véritables producteurs de richesses, l’entreprise et son fondement le savoir. Il s’agit d'avoir des institutions crédibles fondement de  la CONFIANCE  sans laquelle aucun développement durable ne peut se réaliser.  Le problème qui se pose pour l’Algérie est donc  profond et interpelle toute la politique socio-économique de l’Algérie et son adaptation au nouveau monde tout en préservant ses intérêts propres .Pourtant il ne faut pas verser dans la sinistrose malgré la baisse du cours des hydrocarbures.  Pour ma part,  je suis confiant en l’avenir de l’Algérie  devant privilégier  le dialogue sans exclusive, évitant  le chauvinisme étroit et l’autosatisfaction, contraire à la dure réalité quotidienne des Algériens, qui ne peut que conduire à une  névrose collective.  L’Algérie recèle d'importantes potentialités pour relever les défis de la mondialisation, surtout les compétences humaines, richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures.Afin  de dynamiser une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, concilier efficacité économique et une profonde  justice sociale, loin des mesures autoritaires administratives bureaucratiques qui ne peuvent que conduire le pays à l’impasse,  cela impliquera de profondes réformes structurelles  et donc un renouveau de la gouvernance.

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 (1)- Ouvrage du professeur Abderrahmane MEBTOUL d’une brulante actualité : «  Défis de  l’économie algérienne : Economie de marché, bonne gouvernance, Etat de Droit et Démocratie » ouvrage paru,  en arabe- anglais-français Dar El Gharb  2004 chaque volume 115 pages –Ouvrage collectif – deux tomes 520 pages - sur le même thème sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul-  ( juristes, sociologues, politologues, économistes)- Edition Casbah -2005- Edition Alger  –Défis de l’Algérie : Démocratie- Réformes- Développement – Voir également «  Sonatrach  face aux mutations gazières mondiales «  Magazine International Paris France  février 2016 «  gaz d’aujourd’hui » où sont intervenus également de nombreux experts  et PDG  de groupes  internationaux- Voir également interview  (fin mars 2016) dans le magazine international Le Point..FR-Afrique( Paris France  «)bilan et perspectives de l’économie algérienne 2016/2020 face à la baisse du cours  des hydrocarbures »  - -Intervention  du docteur Abderrahmane MEBTOUL Unesco/ l’African Training  Research  Centre  in Administration Development  8 février -   en présence   de plus d’une dizaine de Ministres et secrétaire d’ Etat  africains  et des directeurs généraux et  représentants de la majorité des Etats africains, ainsi que des missions diplomatiques et institutions un séminaire international sur la bonne gouvernance en Afrique « vers une nouvelle gouvernance des services publics et des institutions de l’Etat en Afrique  face aux nouvelles mutations mondiales ».Ronéotypé CAFRAD /UNESCO avril 2010-2010 . Le professeur Abderrahmane Mebtoul a été désigné pour ses travaux-  membre du conseil scientifique de l’institution onusienne spécialisée sur l’Afrique- la CAFRAD depuis 2013 , représentant l’Algérie en tant qu’expert indépendant.



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