Avec l’ère d’internet où le monde est devenu une grande maison de verre, la Cité ne peut plus être gérée comme par le passé. La bonne gouvernance fondée sur la moralisation des relations internationales doit être la priorité des gouvernants en ce XXIème siècle. Pour le cas Algérie, il ne faut pas être utopique, sans moralisation surtout des dirigeants qui doivent donner l'exemple, l’on ne peut parler de développement entre 2017/2020, tout le reste étant des slogans politiques auxquels la population algérienne ne croit plus. Cette présente contribution est une brève synthèse de mes interventions internationales sur ce sujet stratégique(1)
1.-La bonne gouvernance selon les institutions internationales (1)
Le terme " corporate governance ", qu'on peut traduire par gouvernance d'entreprises, va ensuite être utilisé dans les milieux d'affaires américains tout au long des années 80. Par la suite, la notion de " urban governance " s'est généralisée dans l'étude du pouvoir local et fait son apparition à la fin des années 80 dans un autre champ, celui des relations internationales. Selon la Banque Mondiale dans sa nouvelle vision « la gouvernance est définie comme étant l’ensemble des traditions et institutions par lesquelles le pouvoir s’exerce dans un pays avec pour objectif le bien de tous. Elle comprend les procédés par lesquels les titulaires du pouvoir sont choisis, contrôlés et remplacés, la capacité du gouvernement à gérer efficacement les ressources et à appliquer des politiques solides et enfin le respect des citoyens et de l’Etat envers les institutions régissant les interactions économiques et sociales intervenants entre eux ». Selon les Nations Unies, la Bonne Gouvernance comprend les huit éléments suivants : -la participation : donner à tous, hommes et femmes, la possibilité de participer au processus décisionnel; -la transparence : découlant de la libre circulation de l’information ; -la sensibilité : des institutions et des processus vis-à-vis des intervenants ; -le consensus : des intérêts différents sont conciliés afin d’arriver à un vaste consensus sur ce qui constitue l’intérêt général ; l’équité : tous, hommes et femmes, ont des possibilités d’améliorer et de conserver leur bien-être ; -l’efficacité et l’efficience : les processus et les institutions produisent des résultats qui satisfont aux besoins tout en faisant le meilleur usage possible des ressources; -la responsabilité : des décideurs du gouvernement, du secteur privé et des organisations de la société civile ; -une vision stratégique : des leaders et du public sur la bonne gouvernance et le développement humain et sur ce qui est nécessaire pour réaliser un tel développement et très récemment la prise en compte la préoccupation, environnementale reprise par des institutions libérales comme la banque mondiale et l’organisation mondiale du commerce (OMC). Ainsi cette nouvelle vision pose la problématique des liens entre la bonne gouvernance et les institutions car l’opérationnalisation de la bonne gouvernance est assurée par les institutions en distinguant : d’une part, les institutions politiques et juridiques qui contribuent à la construction d’un Etat de droit aussi d’assurer l’accès de la population à la justice et à la sécurité, d’autre part, les institutions économiques qui assurent le fonctionnement efficace et efficient de l’activité économique et la gestion optimale des ressources économiques et enfin les institutions sociales et communautaires qui assurent l’amélioration de la qualité de la santé et de l’éducation des populations ainsi que leur consultation et leur participation au processus de développement.
2. Les mesures de la bonne gouvernance
L’importance de la bonne gouvernance, macro et micro- gouvernance étant inextricablement liées, pose toute la problématique de la construction d’un Etat de droit et de l’efficacité des institutions, sur des bases démocratiques tenant compte des anthropologies culturelles de chaque Nation. Ainsi, pour les mesures de la bonne gouvernance, sur le plan politique et institutionnel on distingue : la voix citoyenne et responsabilité qui mesurent la manière dont les citoyens d’un pays participent à la sélection de leurs gouvernants, ainsi que la liberté d’expression, d’association et de presse ; la -stabilité politique et absence de violence qui mesure la perception de la probabilité d’une déstabilisation ou d’un renversement de gouvernement par des moyens inconstitutionnels ou violents, y compris le terrorisme ; l’efficacité des pouvoirs publics qui mesure la qualité des services publics, les performances de la fonction publique et son niveau d’indépendance vis-à-vis des pressions politiques ; la qualité de la réglementation qui mesure la capacité des pouvoirs publics à élaborer et appliquer de bonnes politiques et réglementations favorables au développement du secteur privé ; l’Etat de droit qui mesure le degré de confiance qu’ont les citoyens dans les règles conçues par la société et la manière dont ils s’y conforment et en particulier, le respect des contrats, les compétences de la police et des tribunaux, ainsi que la perception de la criminalité et de la violence ; la maîtrise de la corruption qui mesure l'utilisation des pouvoirs publics à des fins d’enrichissement personnel, y compris la grande et la petite corruption, ainsi que « la prise en otage » de l’Etat par les élites et les intérêt privés. Sur le plan de la bonne gouvernance d’entreprise on distingue, le traitement équitable des actionnaires, qui désigne la capacité de l’entreprise à traiter équitablement tous les actionnaires, y compris les actionnaires minoritaires et étrangers. Tout actionnaire doit avoir la possibilité d’obtenir la réparation effective de toute violation de ses droits ; le rôle des différentes parties prenantes dans le gouvernement d’entreprise qui désigne la reconnaissance des différentes parties prenantes à la vie d’une société tels qu'ils sont définis par le droit en vigueur ou par des accords mutuels, et devant encourager une coopération active entre les sociétés et les différentes parties prenantes pour créer de la richesse et de l’emplois et assurer une pérennité saine des entreprises financièrement ; les responsabilités du conseil d’administration qui désigne la capacité de l’entreprise à assurer un pilotage stratégique de l’entreprise et une surveillance effective de la gestion par le conseil d’administration, ainsi que la responsabilité et la loyauté du conseil d’administration vis-à-vis de la société et de ses actionnaires ; la transparence et diffusion de l’information qui désigne la capacité de garantir la diffusion en temps opportun d’informations exactes sur tous les sujets significatifs concernant l’entreprise, (situation financière, les résultats, l’actionnariat et le gouvernement de cette entreprise). La version actualisée de l’ année 2009 des indicateurs de gouvernance dans le monde, établie par des chercheurs de la Banque mondiale, montre que certains pays progressent rapidement dans le domaine de la gouvernance, notamment en Afrique, ce qui montre qu’un certain degré d'« afro-optimisme » serait de mise , selon Daniel Kaufmann, co-auteur du rapport et Directeur de la gouvernance à l’Institut de la Banque mondiale, tout en reconnaissant que les données font aussi apparaître des différences sensibles entre les pays, voire entre voisins au sein de chaque continent. Les progrès sont en rapport avec les réformes dans les pays où les dirigeants politiques, les décideurs, la société civile et le secteur privé considèrent la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption comme des facteurs indispensables à une croissance durable et partagée. Mais en dépit des acquis en matière de gouvernance dans certains pays, d’autres, en nombre égal, ont vu leurs performances se dégrader sur plusieurs aspects de la gouvernance. D’autres, plus nombreux encore, n’ont montré aucun changement significatif au cours de ces dernières années. Les Indicateurs donnent à penser que là où des réformes sont engagées, la gouvernance peut être améliorée rapidement. Ainsi par exemple, en Afrique existe des liens dialectiques entre extension de la bureaucratie, extension de la sphère informelle et corruption. Cela n’est pas propre à l’Afrique puisque les dizaines voire les centaines de milliards de dollars chaque année, de trafics d’arme, de prostitution ou la drogue relèvent de réseaux informels au niveau mondial. Ainsi selon les rapports de Transparenty International qui présentent dans le détail les nombreux risques de corruption auxquels sont confrontées les entreprises, des petits entrepreneurs d’Afrique aux multinationales d’Europe et d’Amérique du nord, la corruption augmente les coûts des projets d'au moins 10 % du fait des pots-de-vin versés à des politiciens et à des fonctionnaires d’État où au final, c’est le citoyen qui en fait les frais.
3.-Sans adaptations aux nouvelles mutations et le retour à la confiance pas de développement
La bonne gouvernance est-elle une conséquence de la pratique de la démocratie et l’Etat de droit ou sa cause ? Autrement dit, la liberté, la démocratie et l’Etat de droit, pris comme option politique peuvent-elles engendrer la bonne gouvernance, c'est-à-dire la bonne gestion des affaires publiques ? La bonne gouvernance serait-elle l’assimilation à la quantification de la croissance du PIB / PNB vision mécanique ? Suite aux travaux Ronald Coase , de North Douglas, comme consécration de la recherche du rôle fondamental des institutions, cœur de la dynamique économique des conditions du développement, en octobre 2009 , que le jury du Prix Nobel en Sciences économiques de l’Académie Royale Suédoise des Sciences a choisi le travail d’une femme – Elinor Ostrom pour son analyse de la gouvernance économique, en particulier des biens communs » et d’Olivier Williamson pour son analyse de la gouvernance économique, en particulier des frontières de la firme . Des auteurs comme Pierre Calame ont mis en relief que la crise de l’État ne connaît pas seulement une crise interne touchant à ses fonctions et à sa structure, mais concerne davantage la capacité de l’État à asseoir sa légitimité ainsi qu’à formuler des politiques publiques en phase avec les besoins socio-économiques. Sur le plan opérationnel l’analyse des liens entre gouvernance et institutions a fait un grand progrès par la mise en relief de l’importance de la révolution dans le système des télécommunications (les nouvelles technologies dont Internet et Intranet) et l’intelligence économique mais avec des visions différentes. On observe aujourd’hui une métamorphose complète du paysage médiatique mondial qui est due principalement à la combinaison dynamique de deux facteurs : l’essor exceptionnel du capitalisme financier et la ‘‘révolution numérique’’ qui a donné aux technologies de l’information et de la communication un essor non moins exceptionnel. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’État, entraînant de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Face à ces mutations, force est de constater qu’il reste beaucoup à faire pour que les responsables algériens s’adaptent aux arcanes de la nouvelle économie, où se dessinent d’importants bouleversements géostratégiques mondiaux, croyant que l’on combat les problèmes à partir de commissions , de circulaires ou de lois, ignorant tant les mutations mondiales que la morphologie sociale interne, en perpétuelle évolution. Les pouvoirs publics ont –ils tiré les leçons de la chute des cours des hydrocarbures en 1986 avec ses incidences économiques, politiques et sociales de 1988 à 2000 ? L’Algérie en maintenant la politique économique actuelle va droit au mur. Il s ‘agit de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie productive dans le cadre de la mondialisation en réhabilitant l’Etat de droit et les véritables producteurs de richesses, l’entreprise et son fondement le savoir. Il s’agit d'avoir des institutions crédibles fondement de la CONFIANCE sans laquelle aucun développement durable ne peut se réaliser. Le problème qui se pose pour l’Algérie est donc profond et interpelle toute la politique socio-économique de l’Algérie et son adaptation au nouveau monde tout en préservant ses intérêts propres .Pourtant il ne faut pas verser dans la sinistrose malgré la baisse du cours des hydrocarbures. Pour ma part, je suis confiant en l’avenir de l’Algérie devant privilégier le dialogue sans exclusive, évitant le chauvinisme étroit et l’autosatisfaction, contraire à la dure réalité quotidienne des Algériens, qui ne peut que conduire à une névrose collective. L’Algérie recèle d'importantes potentialités pour relever les défis de la mondialisation, surtout les compétences humaines, richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures.Afin de dynamiser une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, concilier efficacité économique et une profonde justice sociale, loin des mesures autoritaires administratives bureaucratiques qui ne peuvent que conduire le pays à l’impasse, cela impliquera de profondes réformes structurelles et donc un renouveau de la gouvernance.
(1)- Ouvrage du professeur Abderrahmane MEBTOUL d’une brulante actualité : « Défis de l’économie algérienne : Economie de marché, bonne gouvernance, Etat de Droit et Démocratie » ouvrage paru, en arabe- anglais-français Dar El Gharb 2004 chaque volume 115 pages –Ouvrage collectif – deux tomes 520 pages - sur le même thème sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul- ( juristes, sociologues, politologues, économistes)- Edition Casbah -2005- Edition Alger –Défis de l’Algérie : Démocratie- Réformes- Développement – Voir également « Sonatrach face aux mutations gazières mondiales « Magazine International Paris France février 2016 « gaz d’aujourd’hui » où sont intervenus également de nombreux experts et PDG de groupes internationaux- Voir également interview (fin mars 2016) dans le magazine international Le Point..FR-Afrique( Paris France «)bilan et perspectives de l’économie algérienne 2016/2020 face à la baisse du cours des hydrocarbures » - -Intervention du docteur Abderrahmane MEBTOUL Unesco/ l’African Training Research Centre in Administration Development 8 février - en présence de plus d’une dizaine de Ministres et secrétaire d’ Etat africains et des directeurs généraux et représentants de la majorité des Etats africains, ainsi que des missions diplomatiques et institutions un séminaire international sur la bonne gouvernance en Afrique « vers une nouvelle gouvernance des services publics et des institutions de l’Etat en Afrique face aux nouvelles mutations mondiales ».Ronéotypé CAFRAD /UNESCO avril 2010-2010 . Le professeur Abderrahmane Mebtoul a été désigné pour ses travaux- membre du conseil scientifique de l’institution onusienne spécialisée sur l’Afrique- la CAFRAD depuis 2013 , représentant l’Algérie en tant qu’expert indépendant.