L’Algérie aura en principe un nouveau gouvernement, après les élections législatives du 12 juin, au plus tard courant juillet 2021 et nombreux sont les défis qui l’attendent Les discours dont la moralisation de la société et la lutte contre la corruption, condition indispensable pour un développement durable. Or, les différents scandales financiers touchant tant de hauts responsables que différentes institutions publiques et privées relatés couramment par la presse montrent clairement, qu'existe encore un long chemin pour l'instauration d'un Etat de Droit et la Démocratie en Algérie, pour une lutte contre la corruption qui constitue un danger pour la sécurité nationale. Car, la situation socioéconomique souvent oubliée est inquiétante ce qui renvoie à la sécurité nationale impliquant un sursaut national, si l'on veut éviter de vives tensions sociales dont les impacts négatifs touchent en premier lieu les couches les plus vulnérables et de plus en plus les couches moyennes
1.-Quelle est la situation socio économique entre 2020/2021 ? Le taux de croissance du produit intérieur brut qui détermine le taux d’emplois, est en nette diminution , estimée en 2020 à 160 milliards de dollars et selon le FMI de 153 milliards de dollars pour 2021.Cela s’explique par la léthargie de l’appareil de production impacté tant par sa structure passée (le secteur industriel moins de 6% du PIB en 2020 ) que par l’épidémie du coronavirus, ( selon le patronat une perte d’emplois d’environ 500.000 uniquement dans le BTPH) et le tissu économique fonctionnant s à peine à 50% de ses capacités, plus de 95% du tissu économique en 2021 étant constitué d’unités personnelles, de petites SARL , peu initiées aux nouvelles technologies et aux commerce international, dépendantes pour plus de 85% des matières premières de l’extérieur. Quant à la production de pétrole elle est en décroissance pétrole étant selon le rapport de l’OPEP passée de 1,2 millions de barils/j entre 2008/2010 à environ 850.000 barils/j en mai 2021. Les exportations de gaz ( GNL et GN à travers les canalisations Transmed via Italie et Medgaz via Espagne ) sont passées d’environ 65 millions de mètres cubes gazeux à 41/42 milliards de mètres cubes gazeux en 2020 et où le cours sur le marché libre est passé pour la même période de 10/12 dollars le MBTU à 2,5-3,0 dollars le MBTU. Aussi , les recettes totales en devises ( pas le profit net devant retirer les couts ) d’exportation seront un petit plus élevé que prévu dans la loi de finances complémentaire 2021, à environ 26/27 milliards de dollars. Après la dernière réunion de l’OPEP¨+ début juin 2021, le quota de l’Algérie augmentera légèrement en juillet, de 14.000 barils/jours, relative à une augmentation de 441.000 barils/jour de leur production le mois juillet 2021.
Cela donnera une recette additionnelle pour les six mois du second semestre 2021 au cours de 65 dollars le baril, moyenne annuelle 166.000 dollars, un montant très modeste. Et comme la majorité des exportations relèvent de Sonatrach, ce montant est fonction du cours du pétrole s’il se maintient entre 60/65 dollars et du gaz (33% des recettes de Sonatrach). L’on doit être réaliste, les exportations d’hydrocarbures resteront encore pour longtemps les principales recettes en devises. Pour une PMI/PME si le projet est lancé en 2021, la rentabilité ne se fera que dans trois à, quatre ans si on lève les contraintes bureaucratiques. Pour les projets hautement capitalistiques la rentabilité ne se fera que dans 7/8 ans. Aussi, il sera difficile d’atteindre les exportations algériennes hors hydrocarbures pour 5 milliards de dollars (USD) d’ici fin 2021. Plus de 70% des exportations selon les statistiques douanières sont constituées de semi-produits et le montant réel hors dérivées hydrocarbures ne devrait pas dépasser les 2 milliards de dollars au maximum 2,5. Sur le plan macro- social, selon le FMI, le taux de chômage incluant la sphère informelle et les emplois rente, devrait atteindre 14,5% en 2021, et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 20/30% pour les catégories 20/30 ans et paradoxalement les diplômés. L’inflation qui sera de longue durée fonction, des réformes structurelles entre 2000/2020 ,selon données de l’ONS dépasse, cumulée, 90% et sera supérieure en cumulant l’année 2021 de 100% accroîtra la détérioration du pouvoir d’achat et les revendications sociales. Pour l’Algérie, le population active dépasse 12,5 millions sur une population totale résidente, 44,7 millions d’habitants au 1er janvier 2021 avec une sphère informelle représentant selon le FMI 33% de la superficie économique mais plus de 50% hors hydrocarbures, contrôlant une masse monétaire hors banques, selon les informations données par le président de la république, entre 6000 et 10.000 milliards de dinars 30-45% du PIB, différence montrant l’effritement du système d’information, soit au cours de 130 dinars un dollar entre 46,15 et 76,90 milliards de dollars.
Quant aux caisses de retraite selon le ministère du Travail, en date du 08 avril 2021 le déficit financier de la CNR pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021, le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, le CNR enregistrant un taux de cotisation de sécurité sociale, estimé à 2,2 travailleurs pour chaque retraité alors que pour un équilibre , le taux de cotisation devrait atteindre cinq travailleurs pour un retraité. La paix sociale transitoire tant qu’il ya la rente es assurée par les importants montants des transferts sociaux , subventions généralisées et non ciblées source de gaspillage représentant 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021 sont intenables dans le temps. Il s’agit impérativement dans ce contexte de lutter contre les surfacturations trouvent leur essence dans la mauvaise gouvernance interne et dans la distorsion du taux de change entre le cours officiel et celui du marché parallèle, avec la complicité de l'étranger, je vous facture 100 euros et je vous déclare 120 euros, sur le poids / qualité ( même prix d'un produit venant de Chine ou de l'Europe). Les subventions de produits importés à travers le trafic des frontières permettent des transferts de devises. Il y a également pour les projets internes des surfacturations en dinars, du fait que la majorité des départements et des responsables locaux ont failli dans le suivi assistant à des réévaluations progressives. La responsabilité étant collective, relevant avant tout du ministère du Commerce et du ministère des Finances, dont les directions de banques primaires , des douanes, de la fiscalité, des domaines et de la Banque d'Algérie Si transferts illicites il y a , cela ne peut provenir que des surfacturations expliquant la baisse vertigineuse des réserves de change étant passées de 194 milliards de dollars au 01 janvier 1994 à 42 milliards de dollars fin 2020, un répit au risque d'aller au FMI, une importation en biens et services ( souvent oublié ayant varié entre 10/12 milliards de dollars par an entre 2010/2019) ayant dépassé plus de 935 milliards de dollars pour une entrée en devises de plus de 1000 milliards de dollars ( 98% relevant de Sonatrach) entre 2000/2019 ne correspondant pas aux taux de développement (moyenne du taux de croissance 2/3% alors qu'il devait dépasser 8/9% . Si l’on applique un taux de surfacturation de 15% , les sorties illicites de capitaux entre 2000/20219 aurait été d’environ 140 milliards de dollars sans compter la partie dinars au niveau interne.
2.- Ici s’impose la réhabilitation de la Cour des comptes en hibernation, institution stratégique inscrite dans la Constitution, chargée du contrôle a posteriori des finances de l'Etat, des collectivités territoriales, des services publics, ainsi que des capitaux marchands de l'Etat, qui doit établir un rapport annuel qu'elle adresse au Président de la République, au Président du Conseil de la Nation, au Président de l'Assemblée Populaire nationale et au Premier ministre. Comme nous ne devons pas oublier outre l’Inspection générale des finances, deux départements du ministère des Finances qui remplissent imparfaitement leur fonction, celui des domaines et surtout celui de la fiscalité avec le non recouvrement des impôts qui se chiffrent en milliers de millions de dinars. Par ailleurs, une institution stratégique est également en hibernation, le Conseil national de l'Energie, seul habilité selon la Loi à tracer la politique énergétique, le ministère de l'Energie et Sonatrach n'étant que des instruments d'exécution.
Car le fondement de tout processus de développement comme l'ont démontré tous les prix Nobel de sciences économiques à la lumière des espérances concrètes sur le terrain, repose sur des instituions crédibles afin d'agir sur le fonctionnement de la société. La question centrale est d'avoir des institutions de controle indépendantes de l'exécutif parallèlement à l'urgence de l'indépendance de la justice. Ayant eu l'occasion de visiter les structures de la cour des comptes au niveau international et de diriger en Algérie par le passé (pendant la présidence du feu docteur Amir ex-secrétaire général de la présidence de la république), trois importants audits sur l'efficacité des programmes de construction de logements et d'infrastructures de l'époque, sur les surestaries au niveau des ports et les programmes de développement des wilayas, en relations avec le ministère de l'Intérieur, et celui de l'habitat assisté de tous les walis de l'époque, je ne saurai donc trop insister sur son importance. Le nombre par la qualité et non la quantité est certes important car actuellement étant dans l'impossibilité d'avoir un contrôle objectif et exhaustif du fait de la faiblesse du nombre des magistrats. Mais pour avoir un contrôle efficace, lui-même lié aux contrepoids politiques en fait à la démocratisation de la société, il faut uniformiser l'action des institutions de contrôle tant politiques que techniques pour avoir une efficacité globale et ce sans verser dans les règlements de comptes, posant d'ailleurs d'une manière objective le problème de la dépénalisation des actes de gestion si l'on ne veut pas bloquer l'initiative des managers qui parfois doivent prendre des décisions au temps réel.
Par ailleurs, si l'on veut lutter contre les surfacturations, les transferts illégaux de capitaux, rendre le contrôle plus efficient, il y a urgence de revoir le système d'information qui s'est totalement écroulé, posant la problématique d'ailleurs de la transparence des comptes, y compris dans une grande société comme Sonatrach. Ayant eu à diriger un audit financier avec une importante équipe avec l'ensemble des cadres de Sonatrach et d'experts, sur cette société, il nous a été impossible de cerner avec exactitude la structure des coûts de Hassi R'mel et Hassi Messaoud tant du baril du pétrole que le MBTU du gaz arrivé aux ports, la consolidation et les comptes de transfert de Sonatrach faussant la visibilité. Sans une information interne fiable, tout contrôle externe est difficile et dans ce cas la mission de la Cour des comptes serait biaisée. Dans les administrations, disons que c'est presque impossible, du fait que leurs méthodes de gestion relèvent de méthodes du début des années 1970 ignorant les principes élémentaires de la rationalisation des choix budgétaires.
3.-Selon les normes internationales, qui devraient s'appliquer en Algérie, le contrôle de la qualité de gestion a pour finalité d'apprécier les conditions d'utilisation et de gestion des fonds et valeurs gérés par les services de l'Etat, les établissements et organismes publics et enfin l'évaluation des projets, programmes et politiques publiques,. Certes, les discours politiques insistent sur la lutte contre la corruption. Mais cela n'est pas une question de lois ou de textes juridiques mais la volonté politique de lutter contre la corruption et la mauvaise gestion. Les textes existent mais un divorce avec la pratique. Il faut à tout prix qu’avec les tensions financières 2021/2022, l'ensemble des composantes de la société soit consciente que si la situation politique de blocage persiste, les réformes retardées, il est évident que la situation économique se détériorera avec des incidences à terme à la fois politiques, économiques et sociales, d'où l'importance d'un dialogue productif privilégiant uniquement les intérêts supérieurs de l'Algérie. En ce mois de juin 2021, deux institutions, qu'il s'agit de préserver dans leur cohérence et unité, garantissent actuellement la sécurité et une relative stabilité de l'Algérie : l'ANP/ forces de sécurité et Sonatrach sur le plan économique qui procure directement et indirectement 98% des recettes en devises du pays. Le XXIème siècle sera dominé par l'émergence de réseaux décentralisés, qui remplaceront les relations personnalisées d'Etat à Etat dans le domaine des relations économiques et de l'intelligence artificielle (le primat de la connaissance) qui révolutionnera tout le système économique mondial. Les responsables algériens s'adapteront -ils à nouveau monde dynamique en perpétuel mouvement, n'existant pas de modèle statique, ou vivront-t-ils toujours sur des schémas mécaniques dépassés des années 1970 /1980 conduisant le pays à l'impasse ?
Je ne saurai trop insister que le contrôle efficace doit avant tout se fonder sur un Etat de Droit, avec l'implication des citoyens à travers la société civile, une véritable opposition sur le plan politique, une véritable indépendance de la justice, tout cela accompagné par une cohérence et visibilité dans la démarche de la politique socio-économique, un renouveau de la gouvernance au niveau global afin de délimiter clairement les responsabilités et pour plus de moralité des dirigeants aux plus hauts niveaux afin de faciliter la symbiose Etat/citoyens. Car Toute déstabilisation de l'Algérie, comme je le soulignais dans des interviews (2016/2019), l'une aux USA, à l'American Herald Tribune, dans plusieurs médias français l'autre et en arabe des pays du Golfe, aurait des répercussions internes :mais également géostratégiques sur toute la région. J'ose espérer un avenir meilleur pour mon pays, en ces moments de grands bouleversements géostratégiques, fondé sur un Etat de Droit, plus de tolérance, d'espace de libertés et le renforcement du dialogue productif, loin de tout extrémisme, rassemblant tous les algériennes et algériens. Les différentes composantes de notre société, doivent concourir à la paix, à la sécurité et à la stabilité condition de profondes réformes permettant un développement durable au profit de tous les Algériens. Il s'agit là de l'unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, à vaincre la haine et les peurs qui les habitent et à trouver de nouvelles raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire, toujours ensemble, le destin exceptionnel que de glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux.
Références
Algérie et Africa Presse Paris 28/29 mars 2019 -Pr Abderrahmane Mebtoul " l'Algérie a un répit de seulement trois ans pour changer de cap " quotidien international financier français latribune.fr 19 /09 2017 - American Herald Tribune 28/12 2016- " dossier de 45 pages) " sous le titre toute déstabilisation de l'Algérie aurait des répercussions géostratégiques sur tout l'espace méditerranéen et africain " et Americain Herald Tribune USA 11 aout 2018 - Bilan et perspectives de l'économie algérienne " - Africa-Presse Paris France -Pr A. Mebtoul (1/3) : -" Le développement de Algérie implique la réforme du système politique " 8 août 2018 - Pr A. Mebtoul (2/3) :" Il est urgent d'adapter nos partis politiques, pour la majorité liés à des intérêts de rente " 9 août 2018 - Pr A. Mebtoul (3/3) : " Pas de développement pour l'Algérie sans vision stratégique ?d'une économie hors hydrocarbures " 10 août 2018 - Pr A. Mebtoul : " Les cris de la jeunesse d'Algérie pour un profond changement doivent être entendus " 5 mars 2019.
Ces analyses traçant les axes des réformes politiques , sociales et économiques de l'Algérie , conciliant efficacité économique, justice sociale et adaptation aux mutations internes et mondiales que certains intellectuels organiques découvrent seulement aujourd'hui, sont contenues dans le programme de l'Association Nationale de Développement de l'Economie de Marché-ADEM (agrément ministère intérieur 63/62) paru en langue nationale, en anglais et en français en 1992 largement diffusé au niveau national et au niveau international (USA/Europe) et au niveau national entre 1993/1995 dont le professeur Abderrahmane Mebtoul fut président de 1992 à 2016 (voir www.google.com) -Voir Réformes et Démocratie ouvrage paru à l'office des publications universitaires OPU 1982 Alger 2 tomes 425 pages -Voir l'ouvrage collectif sous ma direction regroupant juristes, politologues, sociologues et économistes "Face aux mutations mondiales pour des stratégies d'adaptation approfondissant les Réformes et la Démocratie, et Economie de marché paru en janvier 2005 en deux volumes ( 500 pages) A Casbah Editiion